jeudi 25 octobre 2018

Aveuglant hommage

On le sait, l’appréciation d’une œuvre d’art dépend énormément de son époque. Suis allé regarder un vieux film de quelqu’un que j’aime beaucoup, l’ai vu jusqu’à la fin et trouvé très mineur pour ne pas m’avancer plus. Entendez par là que, s’il avait été signé par un autre metteur en scène, j’aurais quitté la salle au bout d’une demi-heure.
Légitimement éreinté à l’époque, ce bidule de circonstance est désormais élevé au rang de chef d’œuvre, paraît-il, et on peut supposer que cela s’est fait sur la foi de la réputation entre-temps acquise par son créateur. Résultat des éloges tardifs : le créateur en personne semble commencer à trouver des qualités à un truc que, dans le temps, il a appelé plus ou moins raté. Cela fait du bien quand un tas de clabauds qui applaudissent finissent par te convaincre longtemps après coup que t’as bien fait même lorsque tu t’es gouré – ce qui peut arriver à tout le monde – mais la gloire ne devrait pas rendre le glorieux amblyope ; c’est assez grave que la meute le soit. Il faudrait, tout de même, garder un minimum de perspicacité quant à sa propre jeunesse, il suffit parfaitement qu’en prenant de l’âge on devienne en général trop bienveillant avec la jeunesse des corniauds.
Il y avait discussion après la séance, en présence du maître, j’aurais donc pu m’exprimer en public. Je ne l’ai pas fait, car on ne pouvait plus tomber d’accord, monsieur Skolimowski et moi. La chose aurait été possible autrefois, plus maintenant : la sotte jeunesse montante nous est passé dessus avec ses révisions et enthousiasmes collectifs, son avis qu’il avait dû y avoir erreur matérielle, une sorte de coquille, dans le jugement d’origine, celui émis par les camarades et contemporains, responsables, eux, de la gloire ultérieure, auréole qui, plus encore que la vieillesse, est un naufrage pour tout roseau pensant. Quelle chance d’y avoir échappé.

Le chien est notre congénère :
Tu le nourris, il te vénère.
Puis, tu le bats, il te vénère.
Le chien est notre congénère.

N’ai pas de chien pour le nourrir
N’ai rien à battre ni pourrir
Et le jour où je vais mourir
Aucun cabot pour accourir.

Que, diable, cela m’indiffère.
La vie d’après, la belle affaire !
Bâtards qui n’y avez rien à faire
C’est encor vous que je préfère.

23 Octobre 2018

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