samedi 21 septembre 2024

Souffle vespéral

    Ne me demande pas ce que j’ai fait hier.
J’ai le souvenir d’il y a dix ans
Vingt ans, cinquante ans
Mais pas d’hier.
Hier est plus loin que ma jeunesse
Plus loin que l’enfance cruciale
    Hier, je ne suis même pas né
Hier, c’est la préhistoire avant la préhistoire
Hier, c’est de la bagatelle
Hier, c’est jamais.
Ce qui m’arrive encore
Doit manquer d’importance.

    Quand ils se sont subitement éteints
Après leurs millions d’années de routine
De broutille tranquille ou de chasse assurée
Les dinosaures ont dû se dire :
Il y a tellement de choses dont on se souvient
On a tellement vécu
    Du coup, le soi-disant météore d’hier
On l’a déjà oublié
Ce n’était rien.
Même pas une fin en soi, quoi.
Ces géants aux cerveaux minuscules
En savaient déjà long sur l’intelligence de la mémoire.

    D’autres loustics se projettent dans le futur.
Or, c’est un futur d’après
Un futur sans eux, mural, nocturne
Avec eux sous forme de spectre persistant
Parce qu’il faut quand même qu’il reste quelque chose
De l’artiste au creux du lendemain sans hier.
    Ils se disent que, faute de présent
Le futur sans eux
Ne se passera pas de vestiges.
Ceux-là, dès leur vivant
Ils se voient à juste titre en fossiles.
En voilà une croyance peu utile.

    La disparition d’hier mène donc loin
Plus loin que le regard en arrière.
Au bord du précipice
On se ravise
Et passé récent et passé lointain
Se révèlent pourtant de même étoffe.
    Seulement, la longue-vue n’est plus gênée
Par la végétation circonvoisine
La part floue a disparu
Et, préservés de sensations nouvelles
Cœur et raison, enfin à l’unisson
Respirent un air en quelque sorte purifié.

7 Septembre 2024