jeudi 15 décembre 2016

Dernier effort

Elle a fait ce que beaucoup font à son âge
Simplement, et sûrement.
C’est, dirait-on, la moindre des choses
Et pourtant, c’est du lourd.

Depuis de longues années déjà, elle avait quitté ce monde
Puis là, elle a encore fait un pas, décidé, inattendu en quelque
___________________________________________ sorte.
Parce que quitter le monde ne suffit pas, la nature
Est implacable, il faut encore trouver de la force quand on n’en a
____________________________________________plus.

Lorsqu’on l’a vue, elle n’était donc plus là.
D’abord très lentement sortie du monde, puis à la fin partie en
___________________________________________flèche.
Ce coup-ci, son corps, lui aussi, avait dû la suivre.
Une absence successive, tout à fait organisée.

Le caisson qui l’enserrait était, en fait, vide
Puisqu’elle avait trouvé en elle l’ultime ressource de disparaître –
Pas uniquement du monde, mais même du cercueil.
Nous y reconnûmes un dernier effort impressionnant.

14 Décembre 2016

mercredi 14 décembre 2016

Hymne à la joie

 
1. Enfance

Lentement, les petits garçons deviennent des hommes. Petits garçons, il leur arrive de criailler lorsqu’ils jouent ; devenus grands, ils font toujours joujou, mais ont cessé de criailler. Du progrès, dirait-on ? Moi, je me désole de ne plus vous entendre lancer vos petits cris haut perchés, elle n’est pas naturelle, cette agitation muette. Eh bien non, le bourdon ne remplacera jamais les aigus.

There is very much shrieking when they play.
So there is reason to believe
That their shrieking matters more than their playing.
Sure, grown-ups do it silently. In the long run only the play
_________________________________________matters
And this is not progress.


2. Jeunesse


Avant, bien sûr, le jeune était moins jeune. Il était nettement plus mûr, avait des cheveux longs et plutôt sales, et s’il se laissait manipuler, c’était par d’autres jeunes, pas par des producteurs de teen movies proprets. Les producteurs de l’époque étaient le plus souvent chauves et cyniques, mais à l’instar de la lutte contre la saleté, la lutte contre la calvitie a fait d’énormes progrès, et il faut constater que les vieux qui, de nos jours, manipulent ces jeunes trop propres et ingénus sont, eux aussi, devenus plus jeunes et ingénus, hygiène et chevelure aidant. Par bonheur, l’équilibre est préservé.

When I saw the lights first, they were flickering.
Now that I know them a little better, I have
Learned that constant flickering
Might be the the most constant thing
This life’s lights ever can produce.


3. Maturité

Une espèce de déchéance, en effet, a atteint les organes. S’emparant de votre joie, rassurant en somme.

Having a safe meal
Having a safe evening
Having a safe everything, say, in front of your TV set
Isn’t simply an achievement of a lifetime, it is
The greatest achievement of humanity.
Becoming that rich in safety
Was incredibly difficult, the right to feel bored
Wasn’t granted, it was bitterly fought for:
All this ruin and destruction, everywhere, even
In front of your place, the unsure street – all those horrible
Wars, waged only to have you safely nodding off in front of your
___________________________________________TV set.


4. Vieillesse

Je passe moins de temps dans mon lit, et pourtant, la vieillesse arrive. Elle est debout, la vieillesse, debout sur ses jambes de plus en plus chancelantes. Quelle revanche ! Mais puisqu’elle finira quand même couchée, peut-être rien qu’une ruse. Revanche ou ruse – quand tu le sauras, ce sera trop tard. En attendant, le lit, de bonne heure désert, se repose un peu. Et moi, qui vois la chambre déjà illuminée de cierges, quasiment effréné, si le mot n’est pas trop fort.
– Et t’en fais quoi, de tous ces petits matins passés éveillé ?
Oh, pas la peine d’en parler. Je m’efforce de rattraper. De rattraper et de retrouver ce que j'ai égaré la veille.

In wintertime
The days start with a freeze.
Out of bed, freezing.
Then the body gets used to it
Or the wisdom of radiators edges in.
But the moment of truth is always preceding.
Winter’s freezing leads you all through.
It is a gift to your bones, you know.


December 6, 2016

mardi 6 décembre 2016

Musée privé


1. Cadeau d’anniversaire

Elle a fait réparer mes poupées.
De très vieilles poupées, cassées depuis une
Éternité, par ma faute en quelque sorte.
Ne voulant pas les voir si abîmées
Je les avais rangées loin, puis à peu près oubliées.
Sans mot dire, elle les a ressorties et portées chez le spécialiste.

Ce n’étaient pas vraiment mes poupées, c’étaient celles
De ma grand-mère. Moi, garçon, je n’en avais pas eu
Mais, jeune homme, j’avais déniché celles-là.
Un héritage, bientôt cassé, puis rangé loin et à peu près oublié.

Réparées, je peux de nouveau les voir.
Or, il faut maintenant que je leur fabrique un lieu.
Quand on me sort des souvenirs brisés, quand
On me les colle et rend présentables, moi
Il faut que je leur trouve un écrin.
Ça, c’est mon boulot à moi, personne
Ne peut le faire à ma place.


2. L’insondable vérité


À force de collectionner
La maison est devenue un musée privé.
Qui dit musée, dit passé.
Ici, il y a bien plus de musée que de passé.

Je me rappelle l’histoire de chacune de ces choses
Mais elles ne me font pas un passé
Elles le remplacent plutôt
Ou plutôt, elles le remplaceraient si seulement elles le pouvaient
Parce que, pour être exact, elles ne remplacent rien
Elles sont juste entassées avec leurs fichues histoires
Dont, faute de passé, je me souviens beaucoup trop.
Trop frais, tout ça.

Si vous voulez venir me voir
De grâce, n’apportez rien, j’ai déjà tout.
Je ne dispose plus d’aucun coin libre, chez moi
Tout s’accumule et se chamboule
Désordre vital qui, certes, vous enchantera
Ou qui vous révulsera, c’est selon.
S’il ne vous laisse pas carrément indifférent
Car je la connais, l’insondable vérité des musées.


6 Décembre 2016

samedi 3 décembre 2016

Choses sérieuses


1. Ein Beitrag zur Wehrpflicht

Es gab einmal so etwas wie eine Wehrpflicht. Wobei meine Generation das als Pflicht sich zu wehren verstand, und zwar gegen die Wehrpflicht. So wehrten wir uns pflichtschuldig gegen die Wehrpflicht und kamen ihr insofern nach. Inzwischen ist eine Wehrpflicht selten geworden, und tatsächlich hat man auch den Eindruck, dass sich die Menschen jetzt seltener wehren. Die Wehrpflicht wurde durch eine Art von Zustimmungspflicht ersetzt, und diejenigen, die sich heute gegen die Zustimmungspflicht wehren, stehen schlicht nicht mehr in ihrer Zeit, es sind meistens Reaktionäre. So einfach und auch wieder kompliziert sind die Dinge.

Ich hatte noch nie eine ernsthafte Waffe in der Hand
Die Dinger, die ich in der Hand hielt, waren alle ohne Munition
Oder es waren Karabiner auf der Foire du Trône
Harmloser Luftdruckkram, gerade gut für einen Jahrmarktstand.

Das echte scharfe Zeug, das Leute niederstrecken kann
Ist nicht für mich; was ich aus meinem Leben kenne
Ist Spielzeug, lächerlich, wie immer ich es nenne:
Ich kenn den Pulverdampf der Macht nicht, bin zuletzt kein 

______________________________________ganzer Mann.

Ein Leben, wenn es ernsthaft wird, ist mir verwehrt;
Unernst zeichnet mein Dasein aus, es ist brutal
Wie reiner Unernst ernst sein kann, egal
Ich bin ihm ausgesetzt, entwaffnet, fast entehrt.

Ach, es gelang mir nur, niemals Soldat zu spielen.
Einfacher wäre wohl gewesen nachzugeben...
Ein halber Mann, frech desertiert aus diesem Leben
Vor lauter Heldentum, Dickkopf, Ohnmachtsgefühlen.


2. Viser, toucher


Pour viser juste ce n’est pas des mots qu’il faut
Et ce n’est pas faute de balle ou de cartouche
Ne distinguant pas bien les biens des maux
Mais parce que pendant notre escarmouche
Les mots échangés sont en fait de trop.
C’est que la formule, pour faire mouche
Doit être, en somme, juste monnayable.

L’argent qu’on touche n’est jamais celui qu’on vaut
Et ça, non pas parce que ce qu’on touche est louche
Ou le calcul de ce qu’on vaut est faux
Mais parce que ce fric, dès qu’on y touche
A bien cessé de valoir ce qu’il vaut.
C’est que, pour rester pur, il s’effarouche
Car tout contact lui est désagréable.


3 Décembre 2016

jeudi 17 novembre 2016

Instrumental

Je possède trois marteaux : un grand pour lorsque j’ai besoin d’un grand, un moins grand pour lorsqu’il me faut un moins grand, et un petit parce qu’il est joli. Mais pourquoi avoir trois marteaux lorsqu’on n’a d’utilité que pour deux ? Le petit m’émeut.
C’est donc parce que la petitesse émeut plus que la grandeur, le silence plus que les mots.
Le silence est inutile et les mots sont utiles, pourtant c’est le silence qui émeut. Et moi, comme du silence, j’ai besoin d’un marteau à Lilliputien. Parce qu’il est si joli et apparenté au silence, je m’imagine qu’il ne ferait qu’un bruit minuscule, presque celui d’une clochette de fée, s’il pouvait quand même servir. C’est dire qu’il ne fait pas peur.
Je pourrais l’avoir en permanence sur moi, il ferait de moi un monsieur avec un tout petit marteau dans sa poche, ayant de tout petits besoins peut-être, un monsieur silencieux, ou presque. Ce désir d’emporter le silence dans sa poche, n’est-ce pas valable comme excuse ?

A tool should be for wimps, minute and frail
No manly hammer for some solid nail
It should be fun, a toy, no trap, no cruel
Catch question for the clumsy and the fool.
The world would be a better place I guess
If all were but vain wishes, functionless.

Puis, j’ai encore simplifié, j’ai voulu me servir d’une punaise. Elle s’est cassée sur-le-champ.
Le rond s’étant désolidarisé du clou au milieu, ce dernier m’est rentré dans le doigt.
Je crains ce genre de petit accident lorsque j’ai affaire à des punaises. La punaise a l’air trop innocent, trop direct, trop pas-besoin-d’un-marteau, elle est facile et ça se venge. Or, ce n’est pas elle qui souffre, c’est moi. Ce n’est pas elle qui prend le risque, c’est moi, en la poussant dans le mur. La facilité se rachète, oui. Te rentre dans le doigt, incapable de te transpercer le cœur ou n’importe quel autre organe vital. T’en meurs pas, de son attaque inepte, mais n’empêche, tu saignes. Elle s’est vengée comme elle a a pu, cette faible, en te montrant que le plus vulnérable c’est toujours toi.

The worst of tools is good enough to work:
There’s always some force left to go berserk
And teach by vengeance, as per nature’s rule.
Now you are bleeding, see? You, not the tool
The weakest striking back, nevertheless.
No failure’s just obtuse and functionless.

Finalement j’ai réussi ce que j’ai voulu faire, et même sans l’aide d’un inutile outil, avec rien que le concours de mes mains, un peu de violence et, certes, aussi peu d’intelligence. Je les regarde, mes mains, légèrement abîmées. Des outils, elles aussi ? Quoi dire de ce pouce opposable et de cette peau plus épaisse de la paume ? Ça manque de génie, mes amis, mais me voilà satisfait du résultat.

Your paw is not a tool nor is this mitt
An untool, that’s quite easy to admit:
Too much raw sentiment above the bone.
Fancy a hatchet hand? Don’t take your own –
This one will strike, then stroke, then point, then bless;
Were it not so, it would be functionless.


November 7, 2016

jeudi 10 novembre 2016

Low Bar

You wouldn’t ask for much and wouldn’t get
That few, most modest hopes most likely shatter;
Regard the game as rigged, lack trust, no matter:
Why ask? Try to see both sides of the set.

There’s limbo dance, but there’s no stick abuse:
Low bar is tough when you don’t jump across
But shuffle underneath it, at a loss
Don’t blame the rule since options came in twos.

Be buried slabless, covered by a mound
As shallow as no landmark dares behave
Stone dead inside a dreary prairie grave
Perceived from far for all that void around.

November 10, 2016

dimanche 23 octobre 2016

Fruit Ripening in Stillness


i.

You cannot trust the sky, nor speak
Of unkept promises at that
When an exceedingly fine week
Is followed by a gloomy streak
And clouds blot out the sunny peak.

So how expect of this bright brat
One ever-constant climate? There
Must be some weather change ahead
Throughout one’s life, mundanity
Is all, poor chap, and all the fad.


ii.

 Overstretched life span, back to start again
Spoon-fed with Gerber, every now and then
Sporting a blind and toothless newborn’s grin –
All better than the grave. Why not. But when?

Mere questioning, some callow conscience may
Respond. Go poll them tots, it’s a survey
As good as asking death in her delay;
Just skip the meantime for it has no say.


iii.

Got some life still ahead of me
And some behind.
Know more about the second kind –
Am I half blind?

In comes the term of destiny:
It’s hid, now find.
Ignoring back and forth combined
Should clear my mind.


October 22, 2016

dimanche 16 octobre 2016

A Way Back Home

I’m average, it is the eye
That tells me where to head, no sound
Nor scent, nor heart, could explain why
I’m keen to get my butt around.

At dark, headlights a little weak
I’d come back on a winding road
Almost a game of hide and seek
A groping home in blindfold mode.

Oncoming loners lead my way
This way no mortal soul save me
The night keeps hedge and holt away
Into their somber destiny

But luckily no inner light
Relumes that halo of remorse
That strips a meager wordly sight
Of its dim rest of driving force.

October 15, 2016

dimanche 18 septembre 2016

Rosée matinale

Au lever, le poème était fini, dès lors
Les vers s’articulant – de ça je me rappelle –
Avec bonheur, pareils à des grelots en or
Tintinnabulant aux chevilles d’une belle.

Mais j’avais été trop flemmard pour les coucher
Par écrit, convaincu que j’aurais tout mon temps
Que c’était plutôt le moment de me doucher ;
Hélas, je ne l’ai jamais eu, ce foutu temps.

En m’essuyant j’avais déjà perdu la trame
Et jusqu’au sujet, me souvenant seulement
Qu’il y avait au début la rosée matinale
Qui te fait croire qu’il a plu auparavant.

Et la voilà, cette unique rosée, le reste
Telle la pluie nocturne entre-temps effacé
Et rien de plus que cette incantation modeste
Écho des occasions que j’ai laissé passer.

15 Septembre 2016

jeudi 15 septembre 2016

De la paix


i.

Elles se sont fâchées sur une question de politique. Comme ni l’une ni l’autre n’étaient en mesure de faire de leur point de vue la politique officielle du pays, elles se sont fâchées entre elles. Le gouvernement, lui, s’en fout de pareilles querelles, et c’est normal. Qui pourrait lui reprocher d’ignorer les opinions divergentes d’électrices qui se fâchent entre elles par impuissance ? Ce n’est pas la faute à la démocratie si le peuple, dans les ténèbres de son anonymat, aime se crêper le chignon. La paix civique est à ce prix.


ii.

L’été était encore là, presque en pleine force, et nous, comme des vieux, nous reposions sur un banc, un peu à l’écart, dans un recoin ombragé. La journée était particulièrement paisible, aussi parce que nous ne nous étions pas disputés depuis au moins vingt-quatre heures. Placide, je m’abandonnais à mes yeux qui divaguaient et finirent par découvrir, en dessous de la broussaille, de très petits fruits rouges qui, à les fixer de plus près, s’avéraient être des fraises des bois. C’était inattendu, cela faisait longtemps que je n’avais plus vu de telles fraises, puis je me suis dit qu’on était dans un parc tout de même et qu’elles n’avaient peut-être pas poussé toutes seules mais que, pour aussi discrètes qu’elles fussent, on les avait plantées à l’instar du reste, que c’étaient donc les fruits d’un effort et d’une volonté, comme le fait qu’on ne s’était pas engueulés dernièrement n’était pas non plus dû à notre nature intrinsèque mais également à un effort et à une volonté, bien que sur le moment cet état de choses nous semblât naturel. J’ai préféré laisser les petites fraises là où je les avais trouvées en me disant qu’il ne faut pas en abuser quand une journée est si calme que la paix a quasiment l’air d’une évidence.


iii.

La paix dont on jouit, ce n’est pas la paix tout court. De la paix tout court, nous ne savons pas grand-chose. Nous ignorons même si elle existe. La paix dont nous jouissons, par contre, nous est connue pour peu que nous en jouissions consciemment. Je ne sais pas si la paix dont on jouit saurait être universelle, je sais seulement qu’il ne faut jamais trop lui demander – elle se lasse très vite, et au moindre petit questionnement, elle est en ce sens comme une adolescente à la maison – et lui demander l’universalité est, certes, beaucoup demander. Mais à ceux qui ne lui demandent pas grand-chose, elle se montre souvent généreuse, avec son rire facile et un peu bébête, sa belle peau fraîche et ses manières gaiement désordonnées.


13 Septembre 2016

mardi 13 septembre 2016

Stillness and Motion

            “But forms of thought move in another plane”
                                                                          Donald Davie


1. On a Grin

One couldn’t miss this reaper’s grin, and thus
I feared it could be the last thing I’d see
Before a night of deadpan randomness
Would make all faces freeze eternally.

Surefooted life’s consistent with its ends
In that, despite their rictal miens, they are
Not even next-to-last in either sense
The one last thing in life being life so far.

Each grin can grow into a last thing though
Depending simply on when it occurs;
The odds are of that kind one cannot know
As long as life in life itself demurs.


2. On Unease


Starting as tight and narrow as it ends
And, in between, a vast of wistfulness
Life, so consistent with its trifles, tends
To come down to itchy feet or homesickness.

It’s hard to value peace in peacetime, it’s
A bore that anyplace your self got ways:
This vehicle of tiniest cogs and bits
Goes creaking if not greased up with malaise.

I gather that when traveling went tricky
Reasoning off was all your actual move
Backward or forward, an unease that sticky
To have you slipping into cushy groove.


September 11, 2016

dimanche 4 septembre 2016

Immovable


1. Got Around

I, having a shower.
Calcutta?
Not much of a stretch.

I, up on a ladder.
The Swiss Alps?
A pretty close guess.

I, bit by a gnat.
Amazonia?
As simple as that.

I, nights into days.
Down under?
Just so bang on, mate.

I, busy with muggins.
Back home then?
This was a tough one.


2. Unheard-of Spots

I think we only have these cloyingly
Calm summer nights so that I can hear far
And, as if some door hung dourly ajar
Far off, indeed, through damp, a company
Is regularly bursting out: I’ve their guffaw
Without the motive mots stuck in my craw.

If travelers must rise to overbear
Sheer life’s longueur, that horizontal wall
I’ve wound up settled, deafened to the call
Of made-up crests or purity of air
My remnant innocence being to leave
Distance alone, like dropping to its eave.

Day after day honing myself by rote
Existence, I dismiss the others’ version;
A mild disgust with humankind’s remote
Hilarity is sufficient diversion.
Strange Continents best cackle on their own;
Too bad they weren’t gladly kept unknown.


August 29, 2016  [Apparent Opposites I]

samedi 3 septembre 2016

Carmel


1. The Merry Gardener
                                   Jer. 2:7

Are some tomatoes in a trough
Actually powerful enough?
They are. This summer I won’t quit
I have to water them and shit:

Homegrown tomatoes are so sweet
To give misanthropy a treat
The poison in them is too strong
To miss where you just don’t belong.

Grim sentry of the garden land
I’ll stay all summer can-at-hand.


2. Une ascension

Je l’ai souvent vu de loin, tout seul
Et une seule fois de près.
Je n’en ai guère de souvenir
Je me rappelle uniquement comme
Incorporé dans la masse des touristes
J’ai essayé de faire abstraction
Sans vraiment y arriver.
Je me suis dit que ce pourrait être une procession
Au Moyen Âge, il a dû connaître ça, le fameux Mont St-Michel
Bien avant sa promotion au patrimoine de l’humanité
Mais mon effort même me trahissait. Alors, j’ai renoncé.
Avec tout le monde, j’ai monté les marches et j’ai renoncé.
Rien n’est perdu pour autant.

Je l’ai souvent vu de loin, tout seul
Et une seule fois de près
Et c’est comme si je ne l’avais jamais vu –
Voilà le secret du sacré.


31 Août 2016  [Apparent Opposites II]

vendredi 2 septembre 2016

Proof by absence

There are apparent opposites
In one, for instance, when one sits
On a church pew and lets one go;
Yet there is not one Holy Joe
Who’d think that stink to Faith is due.
Apparent opposites are true.

There are apparent opposites
In one, for instance, when one quits
This world and likewise comes to stink;
Yet there are none who’d ever think:
Once gone, that should be otherwise.
Apparent opposites are lies.

September 2nd, 2016  [Apparent Opposites III]

jeudi 25 août 2016

Geisthauch und Modefurz

Richtig, die Dinge sind eingeschlafen
Öde, im Gleis laufend, nichts
Will mehr leuchten.
Gegen so viel Verstaubtheit muss
Etwas unternommen werden.
Neuer Wind in die Bude
Neuer Geist her.

Wird allerdings hergerichtet
Schwindet unweigerlich jene Seele
Die schon immer im Heimlichen haust
In den Flecken und Schatten
Noch mehr aber den Halbflecken und Halbschatten
Da kann es der Herrichter noch so gut meinen
Und noch so kühn sein.
Hat er denn keine Religion?

Das Bessere
Ist vielleicht die Anbetung des Alten
Falls einer anbetet.
Die Anbetung des Neuen
Ist jedenfalls das Schlechtere –
Man sieht das jetzt jeden Tag.
Die funkelnden Sterne
Sind sie Älteres oder Neueres
Sobald ihr Bild hier unten eintrifft?

Es zählen doch einzig die Lichtjahre den Chaldäern
Samt den Schattenjahren, Halbschattenjahren.
Der neue Wind, wenn man ihn spürt
Entfuhr einem Urgrund, in dem
Ewige Finsternis herrscht.

22. August 2016

mardi 23 août 2016

Scheme

What does it mean to be oneself? Locked in
That solitary cell for good, if you
Want company, grow alien to yourself.

Were there an easier way, I would not have
Been stuck with genitals nor would you show
My exact face. Grow alien to yourself.

Man in a man the life you serve shall turn
Into your very own, moon’s glow cut through
The bars, a glossy double of yourself:

One single fitful shadow on the cot
A night, endowed with presence and concern
Save you. Become an object to yourself.

August 23, 2016

jeudi 4 août 2016

Das Plakat

[Dans la pénombre, la couette, rabattue, malicieuse peut-être, découvre une ligne de chair : dos-fesses-jambes. Entre couette et drap – qui forment des lèvres – ça se présente, dirait-on, comme l’entrée dans une bouche.

D’autres, bien sûr, compareraient plutôt à une espèce de sandwich.

D’autres encore, j’en connais, d’humeur mystique, pour qui l’âme est un bernard-l’hermite à la recherche de sa coquille, supposeraient la chair en question animée par une âme qui l’aurait donc choisie pour coquille – la chair, non pas la couette. Et pourquoi, précisément, celle-là ? Parce qu’elle a dû lui sauter à l’œil, ça se comprend. Reste le mystère par où cette âme a pu entrer.

Pour une fois pas de doute : par le cul. Qui en a encore les joues toutes pleines, on aime bien ça. Jolie coquille dans laquelle l’âme a pénétré par le cul. Et pas uniquement l’âme. D’autres nourritures, terrestres, ont suivi. Sans y demeurer outre mesure. En ce sens-là, l’âme est simplement la plus téméraire – une fidélité à toute épreuve qui ne s’offusque même pas si des invités surprise la poussent un tantinet en avant.

Ceux qui penseraient juste à un corps pris en sandwich seraient alors un peu embêtés : faut décider, après tout, si ça bouffe ou veut être bouffé. Quant à moi, vu le contexte, mon opinion est faite.]


Ich habe einen Rückenakt
Gerahmt und unter Glas gepackt.
Betrachte ich den Rückenakt
Ist er jetzt nicht mehr ganz so nackt.

Dort spiegelt sich nun mein Gesicht
Und kleidet, was bekleidet nicht
Gewesen, und versinnbildlicht
Mit mir den Zweck der Rückansicht.

Es ist schon recht, dass jetzt das Bild
Mein bloßes Abbild fast verhüllt:
Die Lust nach Nacktheit ist gestillt
Doch auch der Nacktheit Wunsch erfüllt.

31. Juli 2016

dimanche 24 juillet 2016

Steel Sharpening Steel

En passant devant la glace
Furtivement comme un soupçon de moi enfant
Oui, ma bouille d’enfant
Sous la touffe de moi enfant, l’épi inclus.
Cette glace, plate et oublieuse en apparence
Mais qui m’a connu petit
Aurait-elle conservé des empreintes
Pour les sortir le moment voulu ?

Je vérifie et voilà de nouveau moi
Comme je suis en ce moment.
Déception rassurante.

L’acier aiguise l’acier
Et la réflexion, la réflexion :
Étais-je autrefois plus intensément moi-même ?
Le suis-je maintenant moins, ou de façon moins durable ?
L’impression, trop fugace, ne permet pas d’en juger
L’image qui reste étant celle du présent.

Elle se refuse à toute comparaison dans le calme
Cette glace, trop lisse pour qu’on la mette au pied du mur.
« Non, non, je n’ai rien dit ! » affirme celle
Qui n’est pas un témoin fiable.

Impossible de coincer ce qui est
Autrement que par d’autres présences.
Impossible également d’être frappé par autre chose
Que ce qui n’est plus.

23 Juillet 2016

mercredi 20 juillet 2016

La tâche du poète


i. Matin d’été

Au réveil
Le tableau suivant :

Ouvrir les yeux pour voir
Ouvrir les oreilles pour entendre
Ouvrir la bouche pour bâiller.

Trop tôt ? Un problème d’ouverture ?
La pièce proposée manquerait-elle d’intérêt ?

Dans ces cas
Quelle solution ? Je n’en vois aucune
En dehors de refermer la boutique.

L’effort que fait un homme peut être en vain
Tous ses sens en éveil.
Pour le moins, les orifices du bas sont restés clos.
Ça viendra.


ii. Chantier en été

Le chantier en face est bruyant
Ils travailleront l’été durant, semble-t-il
Et le poète reste en ville cet été.
Cet été comme les autres étés.
Le poète, donc sédentaire
Observe comme cette ville se vide
Le chantier restant bruyant.
Le poète n’a pas envie de se déplacer
Puisqu’il lui manque les moyens de le faire à sa façon
La perspective des récits de vacances
Qu’il devra entendre à la rentrée
Le dégoûte déjà
L’été à peine commencé.
Le chantier reste bruyant
Et ce poète se demande
Si ce n’est pas le meilleur cadeau
Que la ville, ironique, lui fait cet été.
Ils sont méchants, les clins d’œil de la ville.

18 Juillet 2016

samedi 16 juillet 2016

Avant, lorsque c’était la saison

Avant, lorsque c’était la saison
Le ruisselet se gonflait en torrent.
Alors, c’était beau à voir
Son irritation était belle
Avec ses tourbillons en cascade, écumant par-dessus la roche.
Maintenant, il reste calme l’année durant
Et c’est cette régularité qui énerve le plus.

Avant, lorsque c’était la saison
Des sentiments très forts, n’est-ce pas, vous voyez la symétrie.
Je me foutais si c’était beau à voir ou pas ;
Dans tous mes états, je ne me regardais pas dans la glace
Ça a dû donner ce que ça a dû donner
Mais toujours mieux que pareil au même l’année durant
Bien qu’il soit vraiment idiot de s’en plaindre.

Allez dans un zoo.
Vous y verrez des bêtes imperturbables
Et d’autres en éternel émoi
Et d’autres encore paraissant inertes avant de brusquement
___________________________________________bondir.
C’est tout ce beau monde qui fait un zoo
Et moi, je suis à classer parmi ça.
Trouvez-moi simplement la cage qui me redonne mon ancienne
___________________________________________liberté.

14 Juillet 2016

jeudi 14 juillet 2016

Courage

[Normalement, à l’heure où l’on aurait besoin de courage, le courage manque. Le courage, tel un sourire, n’est là qu’en période paisible. Mais pourquoi est-il si étourdi et n’arrive jamais quand il le faut ? Qu’est-ce qu’il a, ce courage, à répondre présent lorsque nous rêvassons sur notre canapé pour nous lâcher sur-le-champ dès qu’il a l’occasion de se montrer ? Aurait-il peur de son ombre ? Je ne pense pas. Je pense que le courage, en fait, n’existe que de loin, et en état couché pour ainsi dire, qu’il est un très joli tigre de papier qui à distance, et couché, ressemble un peu à un vrai. Et je pense en outre que c’est bien fait ainsi. C’est-à-dire que l’illusion du courage, ou disons plutôt : un épouvantail en loques nommé courage, suffit pour la vie d’ici-bas. Que c’est comme avec la dissuasion nucléaire.

Et que dire de ceux qui, face au danger, au lieu de confier leur défense à un épouvantail ou tigre en papier, en font preuve à l’instant voulu, leur courage debout et droit comme un i ? Eh bien, il se peut que ce courage-là, à le regarder de plus près, ne soit pas, lui non plus, du bon courage mais plutôt une habitude qui, endormie, continue son train-train mécanique alors qu’elle ferait mieux de se raviser et cesser toute activité. Il se peut donc que ce courage soit simplement dû à l’exécrable inertie de l’habitude, qu’il soit de la passivité coupable devant l’épreuve, passivité tellement molle et monstrueuse qu’elle empêche le courage de prendre la poudre d’escampette et transforme la personne toute entière en somnambule. Alors, je vous le demande, n’est-ce pas mille fois pire que rester couché ?]

Boldness and mettle typically coming unlettered
I guess it’s cowardice that breeds the epic poem.
I wish I knew if this condition could be bettered
By having heroes drop their guts or just forgo ’em.

Feat’s trigger may be petty, chants the poet
Grandeur needs some editing out to elicit things
Reality is far too nondescript to show it –
So let us hark at gutsy bellie when it rings.

Would it enhance the story or would it be quite as
Reductive as the penning of a porno drama
To tell the cramps and bowel movements of the fighters
Before the battle as part of the panorama?

Sure, fleshly impotence breeds the heroic cocktail
Boldness and mettle typically coming unlettered;
He who has got a gelded tiger by the bobtail
Couldn’t care less if this condition should be bettered.

July 13, 2016

mercredi 13 juillet 2016

Where Angels Fear to Tread


i.

[Die Hauptrollen des einen Lebens sind nun einmal die Nebenrollen des anderen. Es kommt auf den Blickwinkel an: steht das Herrenhaus im Mittelpunkt oder das des Gesindes.]

Le rocher, sauf accident majeur, ne bouge pas
Et la mer, si elle s’agite un instant
Finira de nouveau étale.

C’est toujours un simplet
Qui se prendra pour le Sauveur
Et allumera la flamme, dite éternelle.

Le désordre, engendré par la méprise
N’atteindra ni rocher ni mer, le royaume de la flamme
N’est pas de ce monde-là, il est du nôtre. Le simplet est du nôtre.

Il est bien qu’il y ait des limites entre les éléments
Des séparations infranchissables
Même pour le vent

Qui soufflera sur la flamme éternelle
Avant que les eaux ne l’éteignent.
Le rocher, lui, ne bougera pas.


ii.

[Ja, die einen sagen nicht, was sie denken, und die anderen denken nicht, was sie sagen, ob nun Herr oder Gesinde. Vielleicht sagt der Herr zum Gesinde, was er denkt, und das Gesinde zu anderem Gesinde, vielleicht sogar der Herr zu anderem Herrn, doch sicherlich nicht das Gesinde zum Herrn.]

Dérangées, les chauves-souris s’envolent.
Tout d’un coup, le ciel se noircit en théâtre de
Dérangement. Puis, comme toujours, ça s’arrange.

On peut préférer le calme éternel aux brusques
Affolements qui l’assombrissent
Mais la nature est indécise.

Fois après fois, l’appréhension s’oppose au calme
Car, vue de près, la nature est petite et
Ses limites la séparent du grand

Qui n’a ni peur
Ni besoin de simplets
Imitateurs de chauves-souris.

Grandeur ressemble en cela à la grotte
De nature sombre d’où ça s’est barré au grand large
Brusquement affolé, supposons-nous, par l’apparition d’ombres.


iii.

[In einer Welt, in der jeder weiß, dass er einen Blickwinkel hat, darf auch jeder wissen, was sein Stand ist und wann sein Standpunkt gilt, aber da, wo keiner weiß, dass er ja nur so seinen Blickwinkel hat, ist auch das Wissen um die Stände verloren gegangen; da lügt man sich lieber gemeinsam in die Tasche und faselt etwas von Demokratie.]

Tant de raisons d’espérer !
Espère parce que tous espèrent
Espère parce que personne n’espère

Espère parce que quelqu’un espère, ou
En espérant que quelqu’un espère
Ou espère pouvoir espérer.

Le rocher, lui, ne bougera pas.
Raison de plus d’espérer
Ou de désespérer ?

Il y a bien de ces seuils entre les éléments
Seulement ils sont sans efficacité
À la recherche d’une vérité.

C’est que l’essaim réagit
Au semblable, pas au dissemblable.
Réagir au dissemblable serait le grand art.

13 Juillet 2016

mardi 5 juillet 2016

Dry Season

Die Trockenblumen waren auch schon mal lebendiger. Die vertrockneten Gesichter ebenfalls. Vom vertrockneten Leben ganz zu schweigen. Aber man hat ja die Erinnerung. An vergangene Frühsommernachmittage beispielsweise. Was präzise ablief, daran erinnert man sich noch recht gut – vor allem das „Gefühl“ ist geblieben – doch hier im Gedicht soll es nicht vermerkt werden. Das Gedicht ist die Trockenblume, nicht dasjenige, worauf sie hinweist. Wer Fleisch möchte, sollte keine Trockenblumen in Betracht ziehen, sondern verwesende Kadaver. Von denen hat er mehr. Das bisschen Metaphysik, das sie in bleibende Kunstwerke verwandelt, kann er sich dazudenken. Wofür sind Kadaver denn da, und wofür ist er denn Leser?

When tears are dry, you may remember them –
Your mug is dry;
As long as they roll down, there is no way
To see behind.

Keep weeping, otherwise you will not touch
Me, I’m as blind
As wailers are, there is some justice in
This wet-and-dry.

Let this then be our solace: All things lost
Are of one kind;
To be recovered they are burning for
A burnished eye.

July 4, 2016

mercredi 15 juin 2016

One Early-Summer Afternoon

Ne possédant ni jardin, ni terrasse, ni balcon, et habitant cette très grande ville surtout chiche en espaces verts, je me trouve rarement face au ciel. En dessous du ciel, toujours, mais face au ciel, quasiment jamais. Hier dans l’après-midi, j’ai quand même fait un effort et réussi à me réserver, loin de ma tanière, un petit bout de verdure inoccupé où j’ai pu m’allonger à ma guise. Alors, j’ai enfin eu les cimes des arbres et le ciel face à moi. Il y a des gens qui peuvent l’avoir dès qu’ils le souhaitent, mais pour moi c’est un luxe. J’en profite donc tant que je peux. Se trouver rarement face au ciel n’agrandit pas le ciel, mais le temps. C’est en tout cas l’impression que la situation m’a donnée. De là à penser que dans l’espace-temps le temps est l’unique variable, n’est qu’un petit pas que j’ai allègrement franchi, moi, sur mon petit bout de verdure, occupé par rien d’autre que mon insignifiante personne étendue. Leurs jardins, leurs terrasses et balcons, et leurs transats de tous les jours, je les leur laisse. Moi, c’est la rareté qui m’élève, la rareté en tout ; le seul ciel ne suffit pas en l’occurrence.

Had walked a long way under heaven
To stretch out opposite the skies
For benediction wasn’t craving
Nor yearning after cheap advice.

I’d wished to feel the face of something
Subdued by all the void of it
And that flat spot I lay on yawning
Was basically one opposite.

Yeah, skies are poised to impregnate
The grassy counterpart they vault
But I, sprawled between mate and mate
Wist neither drouth nor thunderbolt.

No lightning sowing deathless seed
No want to soak and have it entered –
Just me, and peaceful patch of mead
Body and soul together, centered.

June 13, 2016

mercredi 8 juin 2016

Eigensinn und eine Art von Altersweisheit


1. Fast eine Freude

Ich fühl ein kleines Stechen links
Und weil ich ein sehr klares
– Wenn sicherlich auch falsches – Bild
Von meinem Innern habe
Weiß ich auch gleich, was mich da sticht.

Es ist ein wahrer Segen
Zu wissen, was in einem sticht.
Zum Glück hab ich ein klares
– Wenn sicherlich auch falsches – Bild
Von meinem Innenleben.


2. La simplicité a gagné du terrain

J’aimerais bien pouvoir dire ce que je pense, mais « dire » et « penser » sont deux activités bien distinctes, peut-être aussi différentes que « manger » et « nager ». Or, on ne peut pas manger ce qu’on nage, ni nager ce qu’on mange. Ainsi en va-t-il avec « penser » et « dire ». Ce n’est pas grave. On dit ce qu’on dit, et on pense ce qu’on pense. Comme ça, nul ne peut se sentir offusqué et tout le monde est content. C’est la modernité même. Aveu de faiblesse, peut-être, mais modernité même, c’est sûr et certain. 

Le poisson, lui, mange en nageant, il est même obligé, mais pour lui, nager est naturel. C’est un poisson dans l’eau, comme on dit, un poisson muet qui ne fait que penser, un vieux de la vieille ; tandis que pour l’homme, échappé sur une terre de plus en plus ferme, le fait de penser n’est pas dans la nature. C’est acquis, bien mal acquis, ou pire : hérité. C’est donc déjà un luxe, comparable soit au château, soit à la pittoresque chaumière, tous les deux trop beaux vestiges des temps imparfaits. Alors, il préfère dire ce qu’il ne pense pas. Ainsi, on ne peut pas le traiter de demeuré, ou de gosse de riche.

These days are reaching far into the blackness of a night
These nights are reaching far into the bleakness of the light
Wouldn’t have seen it if by now hadn’t forfeited sight
By futile night and daylight musing, dolorous and trite.

Found out that where the good lands dry up badlands must begin;
No neither-good-nor-bad could ever hold its truce within.
If sunsets do their job, past afterglow no waverin’:
Just heard the thicker silence loom into the thinning din.

Call it wisdom of age, a geezer’s grumble, once you will
Discover too: no outlook for old Moses on the hill
But milk-and-honey vastness – always promised to the still
Majoritarian – yet no commitment to fulfill.

June 3, 2016

mardi 7 juin 2016

Vom Nichts, das sich einbildet

    „eine nie zuvor erreichte Stufe des Menschentums erstiegen zu haben“
                                                                                                        [Max Weber]
i.

Einer hat mich um etwas gebeten
Und ich habe es fortgegeben – nicht verschenkt, fortgegeben
Und nur keinen festen Preis dafür bestimmt.

Ich sagte jenem, er solle
Mir allerdings geben, was das wert sei
Worum er mich gebeten hatte.

Freudig hat er genommen
Doch hat mir nichts dafür gegeben, nichts.
Also war das, was er haben wollte, in seinen Augen nichts wert.

Zu nehmen
Und gleichzeitig für nichtig zu halten
Ist ein Zeichen von Modernität.

Es fällt mir aber schwer
Umzudenken;
Ich kann keine Logik darin erkennen.


ii.

Ist der zentrale Wert eines Menschen seine Erfolglosigkeit
Würde jeder Erfolg ihn entwerten.
Doch wie unter solchen Umständen leben?

Den Erfolglosen fragt man nicht
In einer Art von bewunderndem Ton: Wie hast du es gemacht?
Sondern: Warum hast du es gemacht?

Denn es ist klar:
Seine Bausteine sind
Die Enttäuschungen.


iii.

Hätte in einer anderen Welt etwas aus ihm werden können?
Hätte einfach zuerst der Erlöser kommen müssen
Um das Provisorium aufzuheben?

Erfolglosigkeit ist von der Sorte
Dass auch ein erfolgreicher Erlöser
Nichts dagegen ausrichten kann.

Erfolglosigkeit
Ist keine Vorbedingung für das Erscheinen des Erlösers
Erfolglosigkeit ersetzt den Erlöser.


7. Juni 2016

lundi 30 mai 2016

Vom Pazifismus

Ich kann mich kaum mehr an die ersten Male erinnern
Als ich mich an die letzten Male erinnern kann, echt.
Auch die mittleren Male entziehen sich meinem Gedächtnis.
Was bleibt, sind Male allein, blaue Flecke
Die ich mir nicht recht erklären kann.

Ja, so ein mahnendes Mal scheint die Erinnerung jeweils
Vorteilhaft zu ersetzen.

„Nie wieder Wehtun!“ ist
Dabei das vorzüglichste Motto
Denn man kann sich an einem Mal
Das derart saudumm in die Landschaft ragt
Schon auch mal selber versehentlich anschlagen.

25. Mai 2016

dimanche 8 mai 2016

Der Mantel

Ein Mantel hing im Kleiderschrank
– Es war ja nicht die Jahreszeit –
Und ich sah diesen Mantel dort
Und sah mich selber hängen.

Es war ja nicht die Jahreszeit
Kein Wunder, dass der Mantel hing.
Im Sommer hänge ich im Schrank.
Das sei mir eine Lehre.


Le manteau

Comme il n’était pas de saison
Un manteau pendait au placard
Et l’y voyant, ce manteau-là
Je me voyais pendre en personne.

Comme il n’était pas de saison
Pas étonnant qu’il pendait là.
L’été, je pends dans un placard.
Que ça me serve de leçon.


The Cloak

A cloak hung in the cloakery
It wasn’t the season for it
And as I saw it, it was me
I figured hanging instead.

Since it was not a time to wear
A cloak, the cloak was there.
I’m summering hung in a cloakery –
Let that be a lesson to me.


May 7, 2016

vendredi 6 mai 2016

Vision und Karriereplanung

Ich hatte mir etwas davon versprochen
Versprochen worden war mir aber nichts
Als ich aus meiner Nacht hervorgekrochen
In den Herrschaftsbereich des Tageslichts.

Wenn nichts versprochen wurde und man sich’s
Nur selbst versprach, kann man auch auf nichts pochen
Man kann nicht klagen, etwas sei gebrochen
Es gibt kein Recht des eigenen Gerichts

Und dennoch schien nicht grundlos dies mein Hoffen
Doch ohne Grund die Logik des Verzichts
Fand ich mich, statt von Sonnenlicht getroffen
Im Schatten des noch größeren Gesichts.

6. Mai 2016

vendredi 29 avril 2016

Kopula

Wenn zwei sich gegenseitig gefallen
Sich erwählt zu haben scheinen unter allen
Was ist daran Glück, was Imitation
Eines fremden Verlangens? Wer, zum Teufel, weiß das denn schon.

Wenn die sich gegenseitig kopieren
Und tun, als hätten sie sich auserkoren
Sich klammernd wie Schiffbrüchige, und spüren
Vielleicht nicht einmal, was sie miteinander verloren:

Kein Liebesgott hat ihre Augen getrübt
Damit sie vor Beidseitigkeit aneinander vergehen
Narziss aber, in einen Onan verliebt
Den Spiegel mit eigener Hand aufgewühlt, um zu sehen.

Das Bild ist geschaffen, sich selbst zu erhalten
Und überall bilden sich neue, geformt aus den alten;
Wer Augen hat, sieht nichts als Zwittergestalten –
Eindeutig genug, sich in feindliche Hälften zu spalten.

28. April 2016

jeudi 21 avril 2016

De la terreur

Job 20, 4-5

[C’était le moment. Comme chaque année j’ai changé de terre et resemé mes graines. Je prends des mélanges, sans savoir ce qui en sortira. Actuellement, ça a déjà un peu poussé, mais les petites feuilles sont encore toutes pareilles. Donc vraiment pas moyen de prévoir ce que j’aurai. J’ignore s’il y a des fleurs qui se distinguent dès qu’elles sortent de terre ; les miennes pas. Ou à peine. Mais je sais déjà qu’il y a parmi elles des plus fortes et des plus faibles. Quand elles seront plus grandes, une espèce de lutte pour la survie commencera. Les plus fortes terroriseront les plus faibles. C’est assez ridicule, des fleurs qui en terrorisent d’autres, mais c’est comme ça. Alors, je serai encore obligé de sévir : c’est moi qui arracherai quelques-unes des plus terrorisantes pour qu’elles n’envahissent pas tout le bac en étouffant les autres. Elles ne savent pas encore que la terreur ne paye pas, parce qu’il y a un jardinier qui surveille. Un jardinier amateur avec une idée plutôt floue, mais quand même une idée derrière la tête. Et cette terreur-là est la plus efficace en l’occurrence. Car elle s’abat pour la bonne cause. Je n’admets pas le darwinisme floral sur mon balcon, je corrige, tout comme l’État-providence qui corrige, lui, parmi les hommes, et également au service des plus faibles. La terreur qui protège, c’est moins ridicule que la terreur entre fleurs. On ne peut simplement pas laisser faire la nature, le résultat serait toujours le même, horrible, on ne veut pas de ça. Donc, sans merci, il faut rebattre les cartes. On est trop naturellement terroriste, nous. C’est les idées floues qu’on a derrière la tête. Sans elles, où irait le monde ?]


The fighting flowers in my trough
Don’t know there is someone above:
A heart that cares for big and small
A hand to terrorize them all.

Some of those darlings got to pay
Some others get away with it.
Who’d ever judge that anyway
Once pushing up the daisies’ pit?

There is some force in any floret
There is some strife in any clod
In every verdict plots a god
For his own grave, hate or adore it.


21 Avril 2016

dimanche 3 avril 2016

Voilà une réponse

[Ich lese sehr gerne die Amerikaner, unterhalte mich auch sehr gerne mit ihnen, doch halte es nicht aus in ihrem Land. Kaum angekommen, will ich schon wieder weg. Nichts gefällt mir dort, bei der Ernährung angefangen, die doch weder unorganisch noch organisch sein sollte, sondern schlicht genießbar. Die Oberfläche des weiten Landes weist mich ab wie eine wasserabweisende Fläche, ich armer Tropf rolle ab an ihr. Und dieses Bild, so falsch es auch immer ist – denn nichts ist glatt am groben, zerklüfteten Amerika – scheint zu gelten für die gesamte Modernität, für die es bekanntlich die Verantwortung trägt. Ich war niemals angezogen vom tatsächlichen Land, nur von seinem Begriff, und diesen Begriff habe ich stets verteidigt, genau wie den von Modernität. Es ist ein überwältigender Faktor, der auch in einem selbst bestehen muss, stellt insofern die Wahrheit dar, falls es eine geben sollte, und dennoch finde ich mich davon abgestoßen, komme ich einmal damit in Berührung. Kein Wunder, dass so nichts aus mir werden konnte. Man sollte nur verteidigen, was einem nützt. Aber das scheint mir dann doch auch wieder der moderne amerikanische Pragmatismus, und insofern abstoßend. Ich ziehe es vor, noch dem eigenen Spiegelbild zu misstrauen, nur ist das eben hoffnungslos als Verfahren.]

Quand au milieu de lourds silences
Comme abîmé dans des intenses
Absences, il se fait surprendre
Puis, désarmé, veut s’en défendre
Par un réflexe inefficace
Qui fait que tout devient surface :
Il est certain que face à moi
J’ai un miroir de mon émoi.

C’est vrai, il me fait toujours peur
Quand je lui parle avec mon cœur
Et lui, répond avec ses yeux
Puisqu’il ne peut pas faire mieux
Oui, je le sais et je l’excuse
Trouvant quand même qu’il abuse
Vu le museau qu’il me renvoie
En miroir calme de mon moi.

2 Avril 2016

mercredi 30 mars 2016

Postoperative Complications

 anapestic trimeter

Had old Adam had any more spare ribs
The Lord could have created more Eves
Could have even contrived other tidbits
For all those who have different beliefs.

– But he did, don’t you see how it is?
Just look at your own range of desires.
If there is any option to miss
This is due to one’s personal bias.

Did it not fan out each strain or streak
When He took the piece out of his toy?
Spread metastases, some gay, some bleak
And all for the same heavenly joy.

March 29, 2016

vendredi 25 mars 2016

Début de printemps


i.

Le matin, le lit tremble
Non pas parce que ces deux personnes-là font l’amour
Mais parce que l’une s’adonne à son rite matinal

Gymnastique qui consiste à pédaler avec les jambes ;
C’est pour se garder en forme
Car la vieillesse, sclérosante, menace.

Les oiseaux chantent, les fleurs repoussent
Les porcs-épics grognent –
Tout ça a l’air d’une belle idylle.


ii.

Le printemps qui s’éveille sous un crâne
Est, somme toute, un printemps étiolé.
Pompé de sa sève par trop de commentaire désabusé.

Trop de tout savoir d’avance :
Si c’est sous un crâne, il n’y a pas d’alternative ;
C’est ça la gymnastique du crâne, c’est ça qui maintient.

Ces prairies printanières, je les longe certes sur mon vélo
D’appartement, et il faut bien que j’en aie conscience
Pour ne pas me tromper à la croisée des chemins.


iii.

Le savoir et le printemps – je sais parfaitement
Que ça ne va pas ensemble ; or, si c’est l’ignorance
Qui fraye et qui éveille, comment trouver où chercher ?

L’ignorance est statique, elle ne va même pas
Par les quatre chemins, et le printemps, il faut aussi
Aller à sa rencontre. C’est sans issue.

À partir d’un certain stade de conscience
Tout ça ne sert plus à rien, tu peux donc tranquillement
Continuer à faire des moulinets avec tes jambes.


24 Mars 2016

jeudi 24 mars 2016

Del tuétano intraducible

Ça fait vraiment longtemps que j’ai lu les pages sur le sentiment tragique du Maître ou ce que, du haut de sa Salamanque, en roi rugueux et tragique il tenait à nous raconter, soit du Christ de Vélasquez, soit des cocottes en papier. Parlait-il de choses différentes ou d’une seule et même chose ? De si loin, tout se mélange. Or, si je ne me souviens plus très bien de ce qu’il y avait dans ces écritures d’un autre âge, il m’en reste une vague sensation néanmoins distincte, des allusions vagues liées à des résonances précises – d’abord la belle, quasiment éternelle, sonorité Unamuno el salmantino, si peu appropriée à sa manière d’être. Puis m’arrivent déjà, voletant comme de ces cocottes, les conchas. C’est peut-être sexuel, mais qu’importe, tout est sexuel à la fin, même la barbe du crucifié. S’ensuivent des sons ascétiques et fougueux tel Bergamín, Fuenterrabía... et nous y revoilà : carne de lidia. La langue est une chair of its own. Ressuscitée uniquement parce que je viens de passer par une boutique de fringues quelconque, branchément appelée « desigual ». Leurs mannequins vraiment très peu en rapport n’y sont pour rien.

I strayed along the sloping street
No map or plan to check my wayward feet
The musing mind of any slant or wheeling freed.

Speech sound that lingers on beyond forgetfulness
Good language, long died out, is faintly heard
No more a life but language of some life
And still conforming to its very rules

Just of a day what night might be of it
No more a landscape but its poignant pattern:
This journey, if not finished yet, draws to a close
Stirring the sightless more than any view he’d ever had.

Immobile presence woven of “no-longer” and “not-yet”
Seems a mirage, such airy turmoil tends to tell
That only past and future can exist.

March 22, 2016

mercredi 16 mars 2016

Seed-Saucer Act II

Definitely one bird.
There is one bird left. And, sure, a
Seed saucer where this one bird continues to shop.

It wasn’t planned this way, this one wasn’t
Supposed to visit personally unto the thick of nowhere
But the flock has migrated and only one is left. “My” bird.

Birdie, it shouldn’t have occurred to me
To call a vagrant chirper “mine”, but you’re this constant
And I didn’t ask someone to stay and come.

So, it must be unsolicited love
Or something close to that
Sort of actual bother.

I don’t know your manners, bird, I do know mine.
And I do know the sinister significance conveyed by
A lonely bird haunting an otherwise deserted seed saucer.

March 16, 2016

[Cf. Aucun regret possible]

mardi 15 mars 2016

Émission nocturne

[Je m’endors.
Je me garde un peu un paysage et presque une logique derrière. Ils semblent aller ensemble, les deux, et c’est pour me protéger, on dirait. Or, dès que je me retourne, tout change. C’est inexorable, quel oubli : pas une miette ne peut être retenue. C’est comme dans un kaléidoscope : tu bouges un tout petit peu et tout est autre. Souvenir : zéro. Il faut que je me reconstitue un milieu à partir de rien. Et la logique, bien sûr, surgit, elle aussi, tout autre. Aussi peu descriptible, mais rien à voir. En fait, elle est juste l’esclave du milieu. Et tout ça uniquement parce que j’ai décidé de me tourner un peu dans mon lit.
Quand je pense que, debout, éveillé, dans la clarté du jour, c’est à peu près la même chose, je prends peur. Je me rends compte combien le milieu pèse peu. Je suis plongé dedans en entier, mais le monde est si fragile qu’il dépend de la position de ma tête s’il peut rester tel quel ou doit changer radicalement d’apparence et de logique. C’est qu’il constitue, plutôt que multiplicité de possibles, une suite aléatoire d’astreintes.]

Cette nuit, j’ai assisté à une émission
Dont j’avais entendu parler, j’ai voulu voir
Mais n’y ai pas tenu plus de quelques instants –
L’homme est ainsi, il veut savoir et pas savoir.

C’était un rendez-vous criard, grouillant de fats
Avec un art de raconter abominable ;
Je n’avais aucune envie d’y participer
Et me suis donc sans bruit dissipé de la table.

Je n’ai pas attendu l’entrée de la pitance
Je n’ai même pas dit au revoir à l’hôtesse
Et si, discrètement, j’ai traversé la porte
C’était par gêne plutôt que par politesse.

La belle blague ! Ayant regagné mes esprits
J’ai compris comme en rêve l’étendue du leurre :
En fait, j’avais été leur invité fantôme
Pour être là, il avait fallu que je meure.

Puisqu’ils ont besoin de fantômes pour leurs fêtes
Le corps devient astral trop près de ces vedettes ;
C’est seulement ainsi qu’on franchit un écran –
Vivants, nous sommes trop épais, trop lourds, trop bêtes.

13 Mars 2016

lundi 14 mars 2016

Arbres


1. Constatation indécente

Des arbres en face, deux longs rameaux se sont rencontrés ;
Maintenant, c’est comme s’ils se donnaient la main.
On ignore si c’est le vent qui en est responsable
Ou si c’est à l’initiative des rameaux
Mais ils se donnent la main en public.
Plus concrètement, ils enlacent leurs doigts très fins
Montrant ce faisant leur affection mutuelle.
C’est sûr, autrement on ne saurait rien sur eux.
On ne peut pas regarder dans le cœur de la nature
Pour savoir, il faut des signes.

On est encore en hiver et je trouve un peu gênant
De les voir ainsi, tout nus, en face
Ces rameaux qui se donnent la main.
L’avoir constaté et ne pas détourner l’ œil
Me semble plus indécent
Que la nudité même des arbres.

– Désolé, mon ami, mais ta vue est bien courte.
La plupart de nos semblables ne voient pas d’inconvénient
À mettre des plantes jusque dans leurs alcôves ;
Si tes voisins d’en face te rendent la pareille, ne t’en offusque pas
Et ne fais pas non plus ta chochotte.
Il faut le regarder sous cet angle-là.


2. Tombeau pour deux arbres

Le voisin qui dispose déjà d’énormément de place
M’a averti qu’il agrandira encore sa maison.
Cet agrandissement m’ôtera la vue sur deux beaux arbres, les
_______________________________derniers de ce côté-ci.
J’aurai à la place un mur blanc
Sur lequel mon imagination pourra s’exercer.
On n’est pas poète pour rien, n’est-ce pas.
Serait-ce un cadeau qu’il me fait ?
On verra plus tard.
Actuellement, je regarde tout le temps ces deux arbres
Qui sont encore nus, mais peut-être ne verrais-je plus leur
_________________________________prochaine floraison.
En tout cas, ça sera la dernière.

J’essaie donc d’en profiter au maximum, comme
Si je pouvais engranger pour l’au-delà, tout en sachant
Qu’on n’y amène rien, pas de trésor égyptien, ni de dernière vue
Et que, sous cet aspect-là, je serai comme mort, après.
Le voisin m’a condamné à une mort partielle :
Mort par rapport à ces deux arbres
Et à la place une surface de projection
Comme l’est le ciel pour ceux
Qui s’imaginent une vie éternelle.

Le paradis, juste un mur blanc devant des arbres (dont un
________________________________________pommier) ?
La perspective n’est pas moins effrayante.
Il faut l’entendre, la vérité schillérienne sur la vie du pieux et
___________________________________le méchant voisin.


1er - 12 Mars 2016


jeudi 10 mars 2016

Knack of Tongues


1. A Borne Poet

L’autre jour encore
Un traducteur fantaisiste
Très sérieux, mais fantaisiste, ça va ensemble
A pris « borne » pour « born ».
Chez Hart Crane on s’en fout, quoi.

Toi aussi, tu finiras par écrire de ces trucs
Où l’on s’en fout.
Si un jour, ils sont traduits
Par un fantaisiste
On te prendra au sérieux.
La fantaisie, ça déteint.


 2. Unanswerable

Tu te poses une question ? Pose toujours.
Chez le poète à foi on s’en fiche aussi.
Pas la peine de t’exciter, parce que
Là, c’est toujours Lui qui gagne :
Enterré pour gagner à la fin –
À tous les coups une astuce.
Va savoir de quoi je parle.
(Une piste : Pentecôte.)


3. On a Third Neighborhood Row

Oui, le don des langues, c’est quelque chose.
Si on les entend dans la tête, ce don est double ; et si
En plus, on entend ce qu’on veut ou croit entendre, il est triple.

Ce triple don est le plus répandu.
Hier encore je m’en suis rendu compte – j’ai
« Discuté » avec mon prochain et on a dû entendre des langues.

Oui, il suffit d’un triple don
Pour une seule idée qu’on se fait d’une chose.
Un monde entier s’est construit à partir de la multiple entente.


1er - 10 Mars 2016

mardi 8 mars 2016

N’enfonçons point les émergents !

[Ce que je possède, en partie je l’ai acheté, en partie je l’ai fait. Uniquement ce que j’ai fabricoté moi-même m’appartient vraiment. Ce que j’ai acheté, je peux le revendre et alors il ne m’appartient plus. Mais ce qui est de mon cru, même si je réussis à le fourguer à quelqu’un, m’appartient encore. La question « De qui est-ce ? » pourrait aussi être « À qui est-ce ? » Une fois aliénée, ma production personnelle m’appartient même encore plus. Tout ça vit maintenant sans moi et me remplace d’une certaine manière. Tout ça m’appartient désormais comme je m’appartiens moi-même, autant en grande star sur la photo dédicacée qu’en petit délinquant sur le mug shot.]

Frustré d’être inutile, moi aussi
Sur ce qu’on veut me vendre, je me jette
Puis, infichu d’apprécier mes achats
À leur juste valeur, je les regrette.

Sensible aux vies laborieuses dans
Leurs lointaines usines, ma paresse
Me coûte jusqu’au tout petit plaisir
Que j’ai eu payant tel bidule en caisse.

Puisque je ne sais pas en profiter
Je jure alors au Fabricant Suprême
Que, si j’ai besoin d’un nouvel ersatz
Je le bricolerai dès lors moi-même.

Mais vite je renonce, le bonheur
De trop de gueux dépend de ma déprime.
Si l’on cessait d’en être le mécène
La frustration s’avilirait en crime.

8 Mars 2016

lundi 29 février 2016

Betroffen


i.

Wie das Hündchen
Das sich so freuen und so trauern kann
Aber nichts von Moral weiß, nur von Meute.


ii.


Sich kümmern, bekümmern
Um das, was man nicht ändern kann.
Kein Schlemihl, einfach moralische Standpunkte.

Wie soll einer auskommen ohne? Moral
Ist wie dies Leben selbst, das der Lebendige
Einmal verlieren wird, bloß hat er ja nichts anderes.

Ohne die geschenkte Moral
Tritt er aus dem Nichts nicht hervor;
Mehr als Liebhaberwert haben Grundsätze jedoch nicht.

Nur für dich da, prekär
Falls auf dem Prüfstand, und auf alle
Fälle nicht ausreichend jenseits des Engsten.

Uneingeschränkt in
Ihrer Beschränkung, die natürliche Moral
Gleicht auch darin völlig jenseitsloser Lebenszeit:

Beide, curo wie non curo
Kennen in diesem Leben keine Grenzen
Oder Größenverhältnisse, denn das dürfen sie nicht.

Ein unendlicher Eintageskosmos, Mikro- oder Makro-, egal.
Dass, wenn es hart kommt, bald Schluss damit ist
Wird nicht das Übelste dran sein.


iii.

Wo einer der unsrigen hintritt, wächst kein Gras mehr
Und das weiß auch das Hungergetier
Wie es die Wege begleitet.

Schlecht ist niemand.
Schlecht ist auch nicht das Gesetz
Das es so eingerichtet hat, im Gegenteil:

Das beste und menschlichste ist schon
Aasfresser folgen zu lassen
Auf jenen Wegen.


28. Februar 2016

samedi 27 février 2016

Bewegte Rückfahrt

Ist er gut, weiß der Mensch ja, was er zu sagen hat
Es ist ihm kein Vorwurf daraus zu machen;
Glaubensdinge sind nun einmal Glaubenssachen
Und der Winter verlangt warme Kleidung. Die Fahrt

Mit der uralten Freundin vom Ausflug zurück
Wurde schwierig: Umwege, Nachtnebel drang vor;
Schlecht erleuchteten Schildern galt mein ganzer Blick
Und den Schrecken der Welt mein bemüht halbes Ohr.

Spät kamen wir, doch unbeschadet ans Ziel
Heil auch durch alle Schrecken der Welt
Denn der Menschheit ist klar, was sie will und nicht will
Und was letztendlich nur zählt.


Emotional Return

Candor and honesty have things to say
You cannot blame them for concern or grief;
Matters of faith are issues of belief
And winter calls for winter gear. The way

Back home with this old friend grew tough: satanic
Detours and nightly fog, the desperate eye
Squinting at signposts while the ear would try
To stay deaf to the horrors of the planet.

Though late, we got in safe and sound, withal
Unscathed by humankind’s predicament
For there’s no doubt about our sort’s intent
And what is most important after all.


February 26, 2016

vendredi 26 février 2016

Waldgedicht

Die Falterspur, der Häherschrei
Der Mond schon, ein Bovist
Sind solche, die von fern herbei
Zum Zentrum dringen. List

Und Tücke feiern die Natur;
Das Menschenherz ist dumm:
Pilz, Vogel, Mond und Falterspur
Führns an der Nas herum.

Wärs klüger, würd es garantiert
Die Schatten übersehn
Die, wenn es durch den Wald spaziert
Im Innern schwirren gehn.


Poème sylvestre
 
Trace de papillon, jase de geai
Et la lune déjà, et la vesse-de-loup
Sont de celles qui, venant de loin
Poussent vers le centre. À coups

De ruse la nature célèbre sa fête ;
Le cœur humain est si bête :
Geai, lune, lycoperdon et telle trace
Le mènent par le bout du nez.

Mais j’en suis sûr, s’il était plus perspicace
Lorsqu’il se promène en forêt
Ces ombres qui volètent en lui
Il ne les apercevrait plus.


Woodland Poem

A trail of fritillary, a jaybird’s call
The moon already up, a true puffball
Are of those which from far away
Push into the center. Decoy

Is nature’s celebration guise;
The human heart isn’t this wise:
Orbs, puffballs, butterflies and jays
Lead it a merry chase.

While strolling through some stretch of wood
A wiser heart I’m sure it would
Quite miss the shades that inside it
Whirr, buzz and flit.


February 25, 2016

jeudi 25 février 2016

Sprachlehre. Von der Zeichensetzung


i.

Man kann die Dinge einfach sehn,
Jedoch auch doppelt, das ist schön.
Mach ich am Ende einen Punkt
War das ein Satz, und der ist um

Denn setz ich einen Doppelpunkt
Dann deshalb, weil noch etwas kommt:
Direkter Rede, als Zitat
Jemand noch was zu sagen hat.

Ich weiß nicht recht, ob Ungeduld
Den Punkt setzt, und den Doppelpunkt
Geduld, noch weiß ich, worans liegt
Wenns das noch nicht gewesen ist.


ii.

Was störts dich, wenn bescheiden
Wir beiden bei den Sätzen
Zum Fragezeichen greifen
Statt zum Ausrufezeichen?
Du darfst dich selbst entscheiden!

Du kannst dasselbe Zeichen
Ohne es zu verletzen
Auch in die Länge ziehn
Zum Ausruf, oder stauchen
Zur Frage immerhin.


iii.

Der Strichpunkt ist nicht Fisch noch Fleisch;
Transsexuell der Strichpunkt ist;
Es geht ein Punkt hier auf den Strich;
Ob zum Vergnügen? Frag mich nicht.

Doch fährst du durch den dunklen Wald
Triffst du den Strichpunkt in Gestalt
Dunkler Personen, weit verstreut
Lichtpunkte in der Dunkelheit.

Und hältst du mit dem Wagen an
Bei einem Strichpunkt, tritt heran
Die Lichtgestalt mit rundem Mund
Weil auf dem Strich doch steht ein Punkt.


iv.

Da kommt vielleicht ein Komma her und trennt
Was ungetrennt kein blödes Herz kapiert
Weil, ordnungslos, bloß das Gefühl regiert
Und man solch Chaos schon von früher kennt.

Du Beistrich sollst es richten, Komma, hier
Die Ursuppe, nun aber frisch ans Werk:
Hineingeschüttet, Schnittlauch, umgerührt –
Heißt hierzulande „Ordnung“, glaub es mir.


22. Februar 2016

jeudi 18 février 2016

Fliegen können

Ich konnte plötzlich fliegen.
Hob zuerst nur ein paar Zentimeter ab, so dass es nicht auffiel, wagte mich dann aber immer mehr in die Höhe, und schließlich hielt mich nur noch die Decke auf, denn – das muss schon auch gesagt werden – ich flog nur in der eigenen Stube, und zwar waagrecht und bäuchlings, als läge ich weiterhin im Bett.
Dennoch konnte ich von da oben gut erkennen, wie unten alles kleiner wurde, mithin auf seine eigentliche Größe zu schrumpfen bereit war, wenn ich das nur wollte. Es ist schon etwas, fliegen zu können in der lebenslangen Matratzengruft.

Lass ab von deinem Klagen
Die Not ist nicht so groß;
Hast du etwas zu sagen
Dann sag es umstandslos.

– Ich hab genug zu sagen
Und sag es möglichst schlicht
Mit hoffnungslosem Klagen;
Die Not berührt das nicht.

Vögel, die sich von Getier
Nähren, fliehn zur bösen Zeit
In den Süden, weil dann hier
Nichts mehr rumschwirrt weit und breit.

Vögel aber, die von Samen
Leben, bleiben; solche Kost
Findet sich in Gottes Namen
auch im Nebel und im Frost.

Ob sie vorher aufgefressen
Oder keimen in der Erde:
Soll ichs hoffnungslos vergessen
Dies verfluchte „Stirb und werde“?

18. Februar 2016

mardi 16 février 2016

Moissonneur, Bronze von Maurice Constant

Es steht in meinem Buchregal
Halbnackt ein hübscher kleiner Tagelöhner
Und seine Bronze macht es gleich viel schöner
Das harte Leben anno dazumal.

Der junge Kerl wischt elegant
Sich von der Bronzestirn den Arbeitsschweiß;
Hat nachgeharkt, der Sommertag war heiß
Bevor Herr Claas den Hercules erfand.

Doch Bücher gabs auch damals schon
Und er steht neben solchen seiner Zeit.
Ob er am Abend nach der Fronarbeit
Was las, die Bronze im Petroleumton?

Ich weiß es nicht und bin so frei
Die Welten zueinander zu gesellen
Um so etwas ins Buchregal zu stellen:
Zum Goldschnitt, Schnitters bronzne Schufterei.

16. Februar 2016

lundi 15 février 2016

Mein Tenach

Meine hebräische Bibel ist nicht meine Bibel, aber es ist meine. Denn ich habe mit einem Freund vor langer Zeit die Bibeln getauscht, so wie Indianer ihr Blut miteinander tauschen, wobei wir beide mit dem Tausch augenblicklich höchst zufrieden waren. Mein Freund bekam so ein feines, quasi neuwertiges Exemplar, das ich eigentlich nur zu Repräsentationszwecken besaß, und ich ein ganz einfaches, dem man allerdings nicht nur ansah, dass es über Jahrzehnte eines Menschen enger Begleiter gewesen war, sondern das in einer Uniformjackentasche sogar einen wahrhaftigen Krieg recht und schlecht überlebt hatte.

Aber so zerfleddert wie seither diese Bibel selbst ist, so muss einer wie ich auch die in ihr stehenden Sätze zerfleddern, bevor er sie versteht. Ich kann diese Sätze nicht einfach lesen; ich muss sie zuerst mühsam auseinanderklauben, will ich hinter den Sinn kommen. Es passt also alles zusammen.

Ich habe die von mir weggegebene Bibel seither nicht mehr unter die Augen bekommen, doch vermute sehr, sie ähnelt mittlerweile der dafür ausgetauschten, denn der Freund hat eine Bibel weiterhin deutlich nötiger als ich. Aus der meinen wurde durch Gebrauch die seine, doch aus der seinen wurde mangels Gebrauch nicht so recht die meine. Dennoch ist sie es, und jedes seltene Mal, wenn ich sie in die Hand nehme, freue ich mich darüber, dass sie viel erleben durfte – wenn auch nicht mit mir. So geht das mit Sammlerstücken im Gegensatz zu Gebrauchsexemplaren.

Ist das bei mir nun etwa Angeberei in Bibeldingen?
Es entspricht auch nur dem, was das kanonische Buch enthält. Der Künstler akzeptiert, dass es ein wildes Leben außerhalb des eigenen gibt – Philisterkriege und vergleichbaren Firlefanz, die ihren Sinn aber durch erst noch Hineinzudenkendes, aus ihnen Herauszuschälendes, bekommen. Es braucht da noch einen Schöpfergott, sonst ist das alles schlicht Mord und Totschlag, das reine Chaos. Und liebt einer das hiesige Leben, lebt er doch dafür, es vielleicht nur zu beobachten, beobachtend mitzuerleben. Er braucht es, und er braucht es für sich selbst doch auch wieder nicht. Er kann es eintauschen.


Ma Bible hébraïque

Ma Bible en hébreu n’est pas ma Bible, et pourtant elle l’est. C’est qu’il y a bien des années, j’ai échangé avec un ami des Bibles, comme les Indiens d’Amérique échangent leur sang, et nous étions aussitôt très satisfaits de ce troc. Mon ami recevait ainsi un bel exemplaire quasiment neuf, exemplaire que je ne possédais que pour des raisons de représentation, et moi, un tout simple, dont on voyait non seulement qu’il avait longuement accompagné un homme de très près, mais qui de plus, embarqué dans la veste d’un uniforme, avait survécu, tant bien que mal, à une véritable guerre.

Depuis, cette Bible est en loques ; et de la sorte, quelqu’un comme moi doit disloquer les phases qu’elle contient avant de les comprendre. Je ne peux pas simplement les lire, je dois d’abord les disséquer avec minutie afin d’en saisir le sens. Tout concorde donc.

Je n’ai plus revu la Bible que j’avais donnée ; or, je suppose qu’elle ressemble entre-temps à celle-ci, car l’ami a toujours bien plus besoin d’une Bible que moi. En l’utilisant, il l’a à coup sûr faite sienne, tandis que cette autre-ci, faute d’être compulsée, n’est jamais vraiment devenue mienne. Et pourtant elle l’est, et toutes les rares fois que je la prends en main, je suis heureux qu’elle ait pu vivre autant de choses – seulement, pas avec moi. Ainsi en va-t-il des pièces de collectionneur par rapport aux exemplaires d’usage courant.

Serais-je un peu fanfaron en affaires bibliques ?
Cela correspond, une fois de plus, au contenu du livre canonique. L’artiste accepte qu’il y ait une vie turbulente en dehors de la sienne – des guerres contre les Philistins et autres conneries du genre qui ne reçoivent un sens qu’au moment où on leur en donne un, où on les en charge. Ce qui nécessite un dieu créateur. Sinon, on reste au niveau du massacre, du meurtre gratuit, du pur chaos. Et si quelqu’un aime cette vie ici-bas, il vit peut-être uniquement pour l’observer, pour l’accompagner en contemplant. De cette vie, il a à la fois besoin et pas du tout. Il peut la récupérer en la troquant.

14 Février 2016