jeudi 29 décembre 2022

 Connivence et hantise

Incident de rame. Après avoir charrié des enquestres, le chagrin me courbant le dos par-dessus le marché, totalement lessivé au retour, une fois poussé dans le métro j’y ai adroitement piqué la place à une vieille, une vielle aussi vieille que moi je suis vieux avec mes douleurs. Plus de galanterie de nos jours, qu’elle s’offusqua. Mauvais argument. Pas assez de parité, ça oui, mais finies les massues dantan. Ayant trouvé, elle aussi, où s’affaler, elle me cria, narquoise et triomphante : Belle revanche ! Un jeune con, assis en face, se poilait, se solidarisant, le gigolo, avec la veille, mais sans avoir cédé son siège auparavant. Bon, je me suis défendu en échangeant des vues avec une petite Africaine à côté de moi, une jolie petite Africaine dotée comme toutes les Africaines de la fibre sociale et comprenant tout de suite lorsqu’on s’explique sur ce plan-là – sur le plan des hernies, disons – une fort jolie petite Africaine naturellement experte en psychologie qui rapidement, humainement, s’est rangée de mon avis. J’étais près de tomber amoureux. En effet, belle revanche. Merci, la vieille, merci, le deuil.


Le solitaire n’est pas seul
Quand compagnie lui fait défaut
Seulement le seul en ressent l’absence.

La solitude est imposée
La solitarité, choisie
Mais l’une peut parfois entraîner l’autre.

Même le solitaire doit
L’apprendre lorsque brusquement
La solitude se présente à lui.

Tant que tu ne mords pas dedans
Ce fruit te paraît une pomme
Mais c’est un coing, petit, un coing d’enfer.

29 Décembre 2022

 [Nature morte avec enquestre (exemple). Heinrich Zille, vers 1900]

mercredi 28 décembre 2022

Enfin

On a fini par inventer les outils.
C’est pratique, un outil :
Avant, on ne pouvait pas faire grand’chose –
Le poing est trop mou pour enfoncer un clou
Et l’ongle se casse avant qu’il ne le chasse –
Mais depuis, les possibilités sont parties en flèche.

En même temps, les outils ont fait séparation :
Ceux qui se servent d’un marteau
Et ceux qui se servent d’une calculette
Et ceux qui se servent uniquement de leur cerveau
Tout cru, à l’ancienne, comme des bêtes
Ils s’opposent de multiple façon.

On aurait mieux fait de ne pas les inventer
Sauf que le cerveau s’y refusait : hélas conçu
Pour s’activer, et s’activer aveuglément
Le chéri se croit le nombril du monde
Tout en prenant ses inventions pour mineures
Car c’est lui l’outil par excellence, implacablement rêveur.

Les uns et les autres, désormais
Ils se comportent comme prédateurs et proies :
Au revoir, paradis
Bonjour, outils.
Enfin, on semble avoir tiré les conséquences.
Encore de la malédiction.

Sous la surface de la courtoisie :
Hostilité.
Tout se paye.
On se défend bec et ongles, on ne
Pardonne rien. Rien. Rien. Sinon, on se sent lésés.
Devoir payer pour tout, c’est ça, l’échange.

Cette vision très noire du monde, d’un monde d’égalité
Est surtout celle des classes laborieuses, élevées à la dure
Auxquelles l’existence a vite désappris toute fraternité
Jouissivement hostiles envers l’autrui accessible
Et souvent même dans le couple
Et même entre les générations d’une même famille.

Toi qui étais toute différente
Tant que tu faisais écran, je ne m’en rendais guère compte
Je ne le savais qu’en théorie, c’était trop lointain
Ta bienveillance toute proche rachetait tout, j’étais sauvé
Comme un enfant qui sous l’égide de sa mère
Peut vivre comme on rêve avec son petit cerveau excité.

Tu m’agaçais, affirmant qu’il ne sert à rien, mon marxisme
Qu’il ne faut simplement pas être comme eux.
Toi qui étais toute différente, généreuse, heureuse.
Issue du monde réel, d’une certaine façon, tu savais donc
De quoi tu me protégeais.
Souriante à tous, tu le savais.

Sur ce point, on était en désaccord. Et là
On ne me pardonne même pas d’avoir été aimé par toi.
Quelle conne, celle-là, de le couver ainsi !
Maintenant que tu es partie, on se venge
On en profite. On arrive à m’atteindre.
Enfin, leurs frustes marteaux montrent leur efficace.

28 Décembre 2022

mercredi 21 décembre 2022

Le oui et le non sont inséparables

Elle s’est faite enterrer dans sa robe de mariage
Impossible de ne pas s’en rendre compte.
Je ne sais même plus ce que je portais à l’occasion ;
Pourtant, on se fichait du jeu de rôles.

Avant, malade, elle souffrait physiquement, moi pas.
Quoiqu’en permanence auprès d’elle, je n’ai pu comprendre
De manière intime la dimension de sa souffrance ;
Je ne me sentais pas mieux portant pour autant.

Sinon, elle était d’un naturel bien plus heureux que moi
Impossible de ne pas le remarquer à chaque instant :
C’était son attitude face à la vie, indépendante de tout.
J’espère toutefois d’y avoir un peu contribué.

La séparation, foudroyante, ne fut pas
Le résultat d’un processus, sa perspective
Au lieu de nous détacher, nous soudant en un
Seul bloc inséparable, et néanmoins à la fin éclaté.

21 Décembre 2022

samedi 17 décembre 2022

Religion

„Und mittlerweile, blöde zurudernd / Die eigene Wenigkeit.“ Vorwelt, Nachwelt
 
      Die Frage nach dem Warum stellt sich häufiger
Bei den anderen, als bei einem selbst.
Warum haben sie das nur gemacht?
Hat ihnen die alte Küche denn nicht mehr gepasst?
Ihre neue ist auch nicht schöner, ganz im Gegenteil.
      Sich selbst stellt man meist keine solche Fragen, alles
Ist so offensichtlich
Wie der eigene Herrgott
Und letztlich auch so unvermittelbar
Irgendwie gnadenlos logisch.
      Gloria in excelsis cui? Begegnet man allerdings
Berühmtheiten, haben die eine regelrechte Aura um sich:
Weil man ihr Erscheinungsbild so gut kennt
Stimmt alles bei ihnen. Alles muss so sein, man
Hat schließlich wiedererkannt.

      Ist der charismatische Onkel, den ich so gut kenne
Etwa auch von einer Aura umgeben
Wenn ich ihn mal treffe?
Kaum. Nur bei öffentlicher Bekanntheit wird sie entwickelt
Die seltene Privataura zeichnet allein die wirre Sekte aus:
      Kein Gesunder ist privat heilig, auch nicht der Würdigste;
Fremd und doch bekannt zu sein, banale Prominenz –
Das verlangt die Aura, mein Kind. Die anderen, die anderen...
Bei wahren Göttern ist es ebenso; Privatreligion ist zwar
Möglich, doch ersetzt dann die Liebe den Nimbus.
      Hätte ein unbekanntes fleischiges Körperteil der Berühmtheit
Sähen wir es nackend geoffenbaret vor uns
Etwa auch sofort Aura, und gar im Übermaße
Des aufgesprengten Himmels, oder ist diese nun einmal
Auf das öffentlich Bekannte, der Gottheit hageres Antlitz beschränkt?

      Warum hat die strahlend hergerichtete Küche der Freunde, dieses
Neue Testament, denn so gar keine Aura?
Müssten wir etwa bei Berühmtheiten eingeladen sein
Um deren Renovierungswunsch nachzuvollziehen zu können?
Ist sogar das Moderne auratisch, sobald allgemein bekannt?
      Des Überlegens ist kein Ende
Davon lebt Religion
Mehr als von Gründen
Denn die sind höchstens privater Natur
Und keine Kollektivleistung.
      Man muss an den Strahlenkranz glauben
Aber auch Gründe dafür haben –
So widersprüchlich geht es zu
Und dennoch streng und dogmatisch
Bei der Frage nach dem letzten Warum.

15. Dezember 2022

vendredi 16 décembre 2022

Versagen und Versagtsein

1. Goethe (Andante con moto)

Es dichtet immer mit der eigne Schatten
Es hungern geistig immer mit die Satten:
Wär Goethe ewig unbekannt geblieben
Dann hätt er auch was anderes geschrieben;
Des großen Meisters unverfasste Werkchen
Sind deshalb vielleicht leider auch die Stärksten.

Bleibt unerlebt das Nichtigkeitserlebnis
Enttäuscht sogar bei Goethe das Ergebnis.


2. L’éraste chaste (Allegro giocoso)

L’orgasme est un spasme
Ce qui en découle, dessoûle
Car le plaisir contredit le désir.
Ainsi, le vrai porc jamais ne la sort
Pour garder sa trique à jamais lubrique.

D’autres, innocents, y renoncent, et foncent.


3. Rife With Ripeness
(Larghetto)

Oh hoary boy
There is attrition
Seething underneath
The moral light of lightly.
Challenging youth’s ambition
I’d have that rusty sword unsheathed:
Renouncement. It’s the weapon of the sprightly.


December 16, 2022

jeudi 15 décembre 2022

Aftermath Apparition

Slightest of my slight ideas
Pour down teasing now and then
Farthest of my nearest dears
Do befall me once again.

There’s no flesh behind the silvering –
Mirrored, flat out spread is one
On cold surface, shivering
Yet, with fever, carnally wan.

Heard light steps, then heard it faintly
Whisper, even through that door:
I shall hang on somewhat saintly
But not enter anymore.

I shall join you up behind it
None the worse for wear, quoth I.
Mirrorwise we’ll end up blinded
And, opaquely, unify.

December 15, 2022



 

mardi 29 novembre 2022

Horizonte

Lieg noch im Bett und dichte.
Es soll auch Leute geben
Die aufrecht was erleben
Worauf ich gerne verzichte.

Viel lieber bleibe ich liegen
Und schau mir vom Bett an die Sterne
Und weiß, die andern lügen:
Sie sehn sie doch auch nur von ferne.

Ich nähre mich nun von Vergangenheit
Hortete davon in rauen Mengen;
Was ich so liebte in der Zeit
Beginnt erneut sich aufzudrängen.

Ist der begehrte Leib verschwunden
Bleibt, ungestillt, das Begehren
Sich in späteren – stilleren – Stunden
Noch lange danach zu verzehren.

Es sind erregende Situationen
Die ständig auferstehn, wie eingebrannt
Als würd sich das Leben nur lohnen
Im Kosmos des Sehnens, dem Wiederkehrland.

Was wiederkehrt, kehrt schweigend wieder
Es kann nicht mehr anders kommen
Sinkt in einsame Klausen hernieder
Von Gloriolen umglommen.

Beherrscht wird nur das, was entgleitet
Begriffen, was nicht mehr zu greifen
Es fällt wie der Schnee, wie das Reifen
Auf die Nacht vorbereitet.

28. November 2022

 

lundi 28 novembre 2022

Vom Niedergang

„Des großen Rades Talfahrt ward nicht kleiner.“
Loerke, Symbol
i.

Was für einen Schenkelknochen
Ich gehalten, hat der Fachmann
Mir erklärt als Zehenglied.

Fünfzehn Meter muss das ganze
Tier schon lang gewesen sein, und
Aufgebäumt auch fast so hoch.

Fänden wir noch mehr Gerippe
Könnten wirs zusammensetzen
Doch die Chancen stehen schlecht.

Mächtig stünds vor unsren Augen
Drohend aber nur vor Größe
Denn sonst ausgesprochen klapprig.

Kommt auch nur ein leichter Wind auf
Bläst er sowas auseinander
Und verteilt es viel zu weit.

Es ist traurig: solch ein Riese
Sagte ich, und nichts geblieben
Außer einem Zehenglied.

Immerhin ist es uns möglich
Sprach der Fachmann, allein dadurch
Uns die Vorzeit vorzustellen.


ii.

Die zarte weiße Blüte fällt
Es kommt dafür die dicke rote Frucht.
Wer das für Fortschritt hält
Weiß nicht, wonach er sucht.

Soll er sie pflücken, soll er sie
Halt stopfen in den Mund. Hinein! Wonach
Zu suchen, gibt es nie;
Es fiel, bevor mans brach.

De la déchéance

i.

Ce que j’avais pris pour un fémur
N’était en effet qu’une phalange
M’expliqua, serein, le spécialiste.

La bête a dû faire quinze mètres
De longueur, et une fois cabrée
Presque autant de mètres de hauteur.

Si nous trouvions d’autres ossements
On pourrait l’assembler en entier
Mais c’est peu probable en vérité.

Majestueuse elle se dresserait
Mais seulement menaçante en taille
Car sinon plutôt bringuebalante.

C’est qu’un tout petit vent suffirait
Pour la faire voler en éclats
Ensuite éparpillés bien trop loin.

Quel dommage, fis-je, un tel géant
Dont ne nous est parvenu plus rien
Hormis la phalange d’un orteil.

Pour le moins cela nous rend capable
Répondit l’éminent spécialiste
De nous faire une idée du passé.


ii.

La si tendre et blanche fleur
Chassée par tel fruit épais :
Qui y voit du progrès
Ne connaît pas son cœur.

Qu’il le tâte, qu’il le prenne
Qu’il le foute dans son four –
Ce qu’on veut part toujours
Avant qu’on ne l’obtienne.


26 Novembre 2022

lundi 14 novembre 2022

Gash and So

Deine Krankheit wird allmählich Teil meines Innern, und dass du sie nicht überstanden hast, zu einer jener geschichtlichen Gegebenheiten, ohne die sich die Welt überhaupt nicht mehr vorstellen lässt. Aber wie diese Katastrophe niemals akzeptiert werden kann, so auch deine Abwesenheit, weil sie nicht begründbar ist, weil sie nichts bewirkt hat, was sie irgendwie rechtfertigen würde – man hofft ja stets, dass einen etwas „vorwärtsbringt“ – sondern grundlos war und auf immer bleibt.

         Parfois le sexe de la femme est comparé à une blessure
Mais ce n’en est pas une, il n’a pas vocation à se refermer.
Le deuil qui reste ouvert
Est une blessure comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne jamais se fermer
Il ne guérira pas
Il restera éternellement blessure
Mais blessure qui n’en est pas une.

        Parfois le sexe de la femme est assimilé à une bouche
Mais ce n’en est pas une, il n’a pas vocation à causer.
Le deuil qui reste muet
Est une bouche comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne jamais parler
Il se passe de paroles
Il restera éternellement bouche
Mais bouche qui n’en est pas une.

        Parfois le sexe de la femme est rapproché d’un gouffre
Mais ce n’en est pas un, il n’a pas vocation à vraiment engouffrer.
Le deuil qui reste un vide
Est un gouffre comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne rien faire disparaître
Et sera en manque à jamais
Il restera éternellement gouffre
Mais gouffre qui n’en est pas un.

14 Novembre 2022

samedi 5 novembre 2022

Es war uns von Natur

Es war uns von Natur beschieden
Stets dasselbe zu begehren
Was ein Glück ist hienieden
Sollte es währen.

Was wir am Sehnlichsten wünschten
Blieb uns verwehrt
Doch, es gemeinsam zu wünschen
War uns beschert.

Hätten wir anderes ersehnt
Als ein und dasselbe immerfort
Und uns ans Versagtsein gewöhnt –
Wir wären verdorrt.

30. Oktober 2022

vendredi 21 octobre 2022

Aweliuth

Auswandern kann einer, keiner muss, wo er geboren
Stetig verweilen, doch wird ihm im Leben ein anderer
Körper zur Heimat, weil alles dort stimmt, ist der Wanderer
Wenn er ihn plötzlich verliert, plötzlich völlig verloren.

Gut möglich ist es, sich ganz einzuleben ins Fremde
So wie man schnell eine andere Sprache erlernt
Nicht aber, dem Heimatleib, der sich einem entfernt
Anders zu folgen als mit seinem eigenen Ende.

Wüsste ich, wo du verblieben, ich holte dich heim
Doch keine Erde, kein Grab ist mir heimisch so sehr
Dass ich dich finden kann, suchen kann ich nur am Meer
Auf das wir immer hinausschauten als ein Daheim.

Mehr noch als Blicke aus nahen und ruhigen Augen
Fehlt das Gefühl, in den Mutterschoß zurückzutauchen.

21. Oktober 2022

dimanche 9 octobre 2022

Voix

Telle une voix
Tu flottes dans l’air
Tu es intouchable
Tu es la plus présente
Entourée de silence.

Tu as beaucoup enregistré.
Si je voulais, je pourrais entendre ta voix des heures durant
L’entendre parler, lire, chanter
Mais je ne le fais pas
Je n’ouvre pas les écrins qui la contiennent
Je n’ouvre que les écrins qui contiennent tes bijoux
Puisque je peux les toucher.
Ça ne peut pas aller plus loin :
Le Saint des saints, on n’en déchire pas le rideau
On attend de plus haut de le faire.

Ta voix s’est faite voix
Et n’importe laquelle, tienne ;
Nulle autre ne saurait porter plus loin.
Nulle autre ne saurait retentir aussi longtemps.
Je tendrai l’oreille jusqu’à ce que ta main m’effleure.

9 Octobre 2022

mardi 13 septembre 2022

Guérir comme un chien

Un chien n’est pas médecin
Il n’a pas fait d’études
Il ne connaît qu’une seule méthode pour soigner
Et puisqu’il aime son maître
Il va sentir avec sa truffe où il a mal
Pour le lécher à l’endroit précis.

Il arrive toujours à trouver, et il sait par nature
Qu’il faut lécher.
Si tu es amoureux, il n’y a pas non plus trente-six remèdes :
Il faut embrasser, sortant la langue sans rien dire
Pour faire partir n’importe quelle douleur.
Je me soigne désormais moi-même

Là où je peux
J’use de la salive, il n’y a rien de mieux.
Je suis seul, je ne l’ai pas su d’instinct comme un chien
Mais si je n’ai plus personne pour s’occuper de moi
Ce n’est pas très grave
Car avant, j’avais quelqu’un pour m’apprendre.

10 Septembre 2022

mercredi 31 août 2022

L’ange de propreté

La sagesse des anciens oblige le veuf
Elle lui dit : Fais de sorte que...
Promène-toi en ville en type digne mais sans trop
Ne tire pas ta gueule de circonstance

Mets-toi un faux nez sur le nez et joue au clown
Tout est mieux que de rester seul.
La sagesse des anciens est une sagesse sage
Il faut lui reconnaître des vertus

Mais qui croit se porter bien ne consulte point
Il n’en voit pas l’intérêt.
Ce n’est pas la souffrance connue
C’est un tout nouvel effroi qui te fait courir chez le docteur.

*


Je me lève tard tout seul
La cuisine est dans un état toute seule
L’aspiro est au chômage, la lessive attend, le lit reste défait tout seul
Je ne me rase plus guère, j’endosse toujours les mêmes trucs

J’ai l’estomac tout barbouillé tout seul –
Serait-ce une raison ?
Je tire la gueule que je veux
Je me promène en type digne mais échevelé

Je joue parfaitement au clown comme la loi me le prescrit.
Car il n’y a pas seulement le clown blanc
Il y a aussi l’auguste cracra
Le clown sans toi.

30 Août 2022

mardi 30 août 2022

Two Posthumous Sonnets

1. Cemetery Birds

Birds live in trees and sometimes you may see
Through leaves some feather color of the sky
And when they quit a twig, it quivers. My
That’s all there’s to it since eternity.

Do I watch birds, I judge we weigh too much
We should be just as lightsome as they are
This morbid overweight has led too far
Once faced with birds, I suppose we should be such.

We didn’t want to have us burned despite
The truth that soft flesh, not stiff bone had made
Us rise and stand and love, barely afraid
To leave for a brief spell this uterine night.

Do I consider you down there I think
Of cemetery birds as our closest link.


2. Walls

Your love perfused the bricks where it remains
To keep the house alive, its walls in place.
Sheltered, comforted, windowed by your face
I put my trust in cracks and water stains.

Inside grows outside throughout life, somehow
A skeleton of everlasting youth
These narrow walls form an adventure booth
And hamper less than what they dare allow.

Back then, we had no brickwork to dissever
No cold nor mold to keep us close and tight
Both bathing in one same natural light
Secured by this dear falseness of forever.

Walls look like beacons when so full of past.
I poke in bearings that went out too fast.


August 29, 2022

mercredi 24 août 2022

Vom geneigten Ohr

Ça prend facilement le temps d’une vie de parvenir à amener quelques braves à bien vouloir prêter un minimum d’attention aux élucubrations du contemporain. Je paraphrase là le bon docteur Williams, poète moderniste à ses heures. Mais c’est valable partout. Quasiment rien de ce que je me permets d’élucubrer est compris. Et pourtant ce sont le plus souvent de pures évidences, il me semble. Celle qui les avait pigées sans faute a dû s’en aller, et s’il n’y avait qu’une en fin de compte, c’était elle. Trop longtemps, je ne savais pas qu’il fallait tant d’abnégation pour porter ne serait-ce qu’une once de réel intérêt aux dires du prochain, écartant violemment l’idée que pour jouir de ce privilège, il fallait d’abord se faire aimer.

Hab den ganzen Tag verschlafen
Hab die ganze Nacht verträumt –
Hab ich etwa was versäumt?

Will mich selbst doch nicht betrügen:
Seh mich doch im Loch schon liegen
Zugescharrt und weggeräumt.

Hab doch noch das Häuflein Erde
Das mich zudeckt wie ein Freund
Der es immer gut gemeint

Ohne mir groß zuzuhören
Oder mich auch nur zu stören
Hab ich Tränen nachgeweint.

22. August 2022

vendredi 19 août 2022

Bhakti domestique

i.

Rien à faire
Tu ne voyais pas de différence
Entre une machine à couper le pain et une scie circulaire.

Hors question d’en acheter une.
Que toute cuisine allemande en soit pourvue
Ne la faisait pas moins dangereuse à tes yeux français.

Comment te faire changer d’avis ?
J’avais beau poser un doigt, mettre en marche
Puis montrer à l’ahurie que ce doigt était resté indemne.

J’ai dû me faire une raison :
Tu avais toute confiance en moi mais pas d’yeux
Qui auraient pu se laisser convaincre par la simple évidence.


ii.

Sans prêtrise ni office
Point de culte fait maison –
Ressentir, rite ou raison
Ont leurs lois qui les régissent.

Sortilège ou artifice :
On s’en foutait des prémisses
De l’acte cérémoniel
Ou du numéro du ciel.

Préférer l’amour au rite
L’émotion à la raison
Fait de l’émotion un rite
Et d’amour une raison.


17 Août 2022



jeudi 18 août 2022

She knew

Je me rattrape.
C’est que, de ton vivant, je ne t’ai jamais écrit de lettre d’amour, pas une seule si je me souviens bien, même pas au début, ce n’était simplement pas mon genre. Toi, qui le savais, tu me laissais plein de petits mots, de minuscules déclarations d’autant plus grandes, parfois cachées dans un récipient. Tu ne les gribouillais pas pour ça, mais j’étais très ému lorsque je les découvrais, et je les redécouvre encore, et j’en suis encore ému, remué par ta préparation à rester à mes côtés au-delà de la mort.
En ce sens c’est bien fait que tu sois partie en premier, car si c’était moi le mort et toi la vivante, tu n’aurais rien à te mettre sous la dent en tant que message d’outre-tombe. Quelle tristesse quand j’y pense.

She knew wee ways to tell her truth
I knew just one I guess
I wouldn’t call myself uncouth
But I knew so much less.

Had I the knack to tell things ere
The cherished ears are far
I would comply, but to be fair
I’m rarely up to par.

Whoever prays: Come, stay around!
Foreknows what fate will bring:
There stays a song of bitter sound
When it’s too late to sing.

August 14, 2022

mardi 9 août 2022

Trop tard

Ma bibliothèque, assez substantielle, contient pas mal de livres que je n’ouvre presque jamais, et si je le fais, c’est pour les refermer quasiment aussitôt. Ce sont notamment des œuvres d’illustres poètes trop survoltés à mon goût, parfois morts jeunes, d’excitation. Je me dis que peut-être un jour me parleront-ils, on ne sait jamais, ils cesseront peut-être de m’agacer, et je leur pardonnerai leur grandiloquence agitée, leur vanité, leur égocentrisme, leur jeunesse en somme. On devient plus indulgent avec l’âge, des portes s’ouvrent, même sur les gigotements de l’emphase. En même temps, je crains qu’il ne soit trop tard. C’était surtout toi qui me poussais à être généreux envers le flot de paroles qui caractérise l’immaturité. Pourtant, tu étais comme moi, tu avais à cœur d’être sobre et réfléchie en ce qui concernait toi-même. Mais tu avais les réflexes, ou plutôt dons, d’une mère.


Beauty that doesn’t serve any purpose
Is unpleasant to the learned eye
She cloys the mind.

Few have enough purpose in beauty
To satisfy both the learned and the unlearned
But they do shine wherever they set foot on this earth.

By chance, vacuous glitter comes blinded
By her own dazzling might
A scanty skill.

Miserable and ashamed
She would curl up and die, but so
She may keep delighting the happily ill-educated.

Confiding eyes are easy prey:
The plain view of you
Has honed mine.

August 9, 2022



samedi 6 août 2022

Encore

i.

Chaque nuit, je me couche dans un lit vide
Un lit toujours à deux places, et
Chaque nuit qui viendra, je m’y coucherai.

Si ta mort a arrêté ma vie, elle ne l’a pas arrêtée :
Je me couche, je vis
Une vie arrêtée qui ne l’est pas

Une vie sans carburant, je me couvre, elle
Tourne à vide, le moteur éteint, en descendant
De plus en plus rapidement la pente.

Arrivé en bas, elle s’écrasera
Mais morte depuis un moment.
Je m’endors pour me réveiller pareil.


ii.

[On peut prononcer des mots qui ne veulent rien dire, c’est même courant.
Ils ne veulent rien dire parce qu’ils non pas le désir d’exprimer quelque chose, il leur suffit d’être dits, ils sont un peu narcissiques, ils veulent être le bruit de la pluie qui est censé être beau et signifier quelque chose du simple fait de sa beauté, ce qui, pour des mots, est subtilement décevant, et à vrai dire assez con.
Quand nous étions ensemble, nous échangions au possible des paroles voulant dire quelque chose car tel était notre plus naturel désir. D’habitude, il ne nous suffisait pas de prononcer celles à la beauté du bruit de la pluie, ou de parler rien que pour la beauté du geste buccal, voire d’inventer de ces mots décidément poétiques. Tous les deux, on était rigoureux en ce domaine : point de poésie inutile. En compensation, nous nous racontions plein d’histoires vraies, c’était ça le truc.
Tu es partie, je ne parle plus qu’à moi-même en voulant exprimer quelque chose. Je me trouve assommé de calembredaines, je m’en sens tout seul, et très con.]

Noch oder darüber hinaus
Wenn es eigentlich unnötig ist
Wenn es zu spät ist
Aber dennoch, immer noch
Noch als ob
Aus reiner Unfähigkeit nun.


6. August 2022

mardi 2 août 2022

Sur un tombeau égyptien

Tu n’es pas partie seule dans ton tombeau
Tu y as emporté des vertus qu’ont eu d’autres
Toi descendue, ils les ont soudainement perdues
Comme si ç’avait été toi qui les leur avais conférées.

Telle une reine d’Égypte
Tu reposes entourée de ces qualités
Offrandes funéraires plus précieuses encore
Que les merveilles dont on use dans la pénombre des palais.

Je suis resté veuf, privé non seulement de toi, mais
Aussi des vertus de certains, paumés sans toi :
Pour comble de misère, j’ai dû découvrir
Les réelles dimensions de ton âme.

Tu n’as pu t’en aller
Sans entraîner avec toi
Le meilleur de ton cortège
Tant tu étais plus que toi-même.

2 Août 2022 


 

jeudi 21 juillet 2022

Having Become the Soul of a Song

Ce n’était pas mon idée, ni la tienne
Loin de là, mais
Tu y es maintenant, et au cœur même.
Il faut être jeune pour comprendre de travers
Il faut être jeune pour ne rien comprendre
Mais si nous n’avions pas été jeunes
Nous ne nous serions même pas arrêtés.

Quand on se croise en station
Le tour est joué
Et pourtant, peu sont ceux qui le font éveillés :
Faut s’arrêter nulle part, au petit bonheur, en pleine nature
Avec, autour de soi, rien que la nature
Pleine d’oiseaux et cetera, sous le soleil ou pas.
Puis, il vaut mieux ne rien comprendre.

Ce n’était pas mon idée, ni la tienne
Loin de là, mais pétales
D’un rameau
, on s’est voletés autour, sans raison apparente.
La nature du transport, pas de nuages là-bas
C’était l’été ou l’hiver, je ne me rappelle plus –
Une fois qu’on était arrivés sur le trajet
Le tour était joué, ma belle morte.

21 Juillet 2022

mardi 19 juillet 2022

Des pieds et des mains

i.

J’ai hérité d’elle tout un stock de produits pour les pieds : pieds secs, fatigués, crevassés, autrement abîmés, froids. Je ne les ai guère utilisés de son vivant, sauf quand elle s’occupait des miens ; dans ces cas-là, rien à faire, j’y avais droit. 
Ses pieds étaient son trésor, pieds qui parcouraient inlassablement des distances énormes en ville, nécessairement en ville, Montreuil-Levallois aller-retour par exemple, et pas par le chemin le plus court. Je marchais moins, je chérissais moins mes pieds, je chérissais, moi aussi, les siens, très beaux du reste, à l’instar de ses mains. Ses pieds de marathonienne en ballerines, presque toujours en ballerines. Ses pieds de mine de rien.

Qui a des pieds comme ça
N’a pas de souci à se faire, ce sont
Des pieds pour partir tôt et revenir tard.

Moi, j’ai tant aimé te voir partir, trop heureux
D’attendre ton retour sûr et certain.
Voilà le secret d’une vie.

Uniquement
Quand ils ne t’ont plus
Permis de partir, tu n’es plus revenue.

Et ce n’est même pas vrai. En réalité, tu es
Partie si tôt, qu’avec de tels pieds
L’espoir est toujours permis.


ii.

Ses mains commençaient à avoir des taches de vieillesse, en rapport avec son teint mat. Je trouvais que ça lui donnait un air de femme rupine, très fortunée, malgré ses bijoux de fantaisie. Je ne lui ai pas dit, j’ai tacitement apprécié. En perdant ses mains de jeune femme, bénie à tout âge elle avait acquis des mains de millionnaire. Et ce millionnariat-là, je l’ai adoré.

Tu avais des mains pour des bagues
Des mains de luxe, d’oisive
Et pourtant, elles faisaient mille choses
Mille choses, et autant de caresses.
Elles cachaient bien leur jeu, ces mains.

C’est que les plus belles sont toujours celles
Qui cachent leur jeu.

S’il n’y avait pas de ces mains-là
Il n’y aurait pas de belles choses faites.
On aurait le luxe séparé de la beauté
La contemplation séparée de la création
Le travail pour soi-même séparé de celui pour les autres.

19 Juillet 2022

lundi 18 juillet 2022

Presque noires

1. Un dernier pas

Τάχα γάρ σε κατακτανέουσιν Ἀχαιοὶ πάντες ἐφορμηθέντες.
                                                                          Iliade, Chant VI, 410

La perte est incommensurable.
Je ne suis plus personne pour le monde.
Bien fait.
Le morts non plus ne sont plus personne pour le monde.
On est partis ensemble en quelque sorte
Je suis déjà auprès de toi –
Toi, sortie, et moi, nié du monde.
Mais je ne le pardonne pas aux vivants ;
Toi, vivante, tu savais me faire leur pardonner.

Par chance, je suis plus malheureux que dégoûté.
C’est en quoi tu me sauves encore.


2. Two Prayers of Commitment

 i.
 
No celebration without liberty.
You taught me liberty
You taught me celebration.
How shall I celebrate from now on?

Continue to free me from beyond the grave, since
Thou desirest and art able to do so.
Whatever future celebration will be thine
Dancing on my side.

Ever so slowly, I’m getting quite used to pray a
Goddess transfigured. 
 
 
ii.

Chaque circonstance où j’ai eu tort
Te blessant par un mot de travers
Maintenant, je la paye très cher :
Au-delà de ta mort, mon remords.

Viens dans mon rêve et rassure-moi
Fais-moi les caresses de ton corps
En pardonnant cet idiot qui dort
Dans sa sépulture, comme toi.

Je ne vais plus jamais te blesser
Je ne serai plus cet imbécile
Et ce sera diablement facile
Puisque tu as dû me délaisser.


18 Juillet 2022

mardi 12 juillet 2022

Fêtes

i.
 
Il m’est extrêmement difficile de faire la cuisine pour moi-même. Je ne fais plus rien de très compliqué, renonçant à la plupart des recettes dites gastronomiques dans lesquelles je m’étais lancé avant. C’est que je n’y vois plus l’intérêt pour moi tout seul. Un copain m’apporte les restes d’un plat élaboré ; normal, il encore sa famille à sustenter.
Qu’on ne me méprenne pas : je ne mange pas mal, je n’ai jamais mal mangé, je me nourris juste un peu moins bien que de son vivant. Elle m’inspirait, j’avais envie de nous faire de bonnes choses. À présent, je m’alimente comestible, point barre. Toutefois,
es schmeckt mir nicht so mehr richtig depuis son départ.
En conséquence, j’ai perdu pas mal de poids. Si je mourrai mince, ce sera donc à cause de toi, ma chérie. Je te rejoindrai mince et beau, et ça sera ta faute, et ça sera la fête, je me vengerai en nous concoctant un frichti d’enfer là-bas, agrémenté des meilleures racines ainsi que de rognures de notre viande faisandée, facilement détachées, puisque nos os au repos, ils seront mieux sans.


Und wäre es wieder wie früher
Und wäre es schön –
Wir würden es wieder gar nicht merken
Und blind weitergehn.

Traumwandlerische Sicherheit
Die Erwachen nur stört.
Glück weiß nicht von sich
Wenn es dir widerfährt.

So war schon das Diesseits, das
Wir unsterblich durchlebten
Beschaffen, dass wir darin
Wie jenseitig schwebten.

[Et si le passé revenait / Et aussi beau qu’avant / Avançant aveuglément / De nouveau, on ne s’en rendrait pas compte. // Ô, funambules somnambules / Ne vous réveillez pas ! / Pendant le temps qu’il est là / Le bonheur ne sait rien, rien de lui-même. // Ainsi, l’univers d’ici-bas / Que nous habitions immortels / Était déjà une sorte de ciel / Tant nous y flottions en suspens.]

ii.
 
Tiens, il me faut quelque chose de positif, quelque chose qui nous sépare. Disons alors : Il n’aurait pas fallu. Tu n’as pas eu le droit. Ton corps, ton joli corps, n’a pas eu le droit de nous faire ça.
Remémorer l’instant m’est trop douloureux, je ne veux même plus savoir, j’étais là, ça doit suffire.
J’ai voulu être présent à tout prix, physiquement inséparable. J’ai pu dire : Tu es encore auprès de moi. Puis, j’ai dû dire : Tu es partie, loin. Les secondes entre les deux sont les plus importantes que j’ai vécues.
Tu n’avais pas le droit, ton joli corps n’avait pas le droit. Je m’arroge le droit de te dire que tu n’as pas eu le droit, et j’attends, ma chérie, que tu me répondes. Sinon, ça sera ta fête ! Je m’attends à des explications circonstanciées, entends-tu ! Tu ne vas quand même pas rester silencieuse face à de telles accusations. Défends-toi, dis quelque chose ! Je suis tout ouïe.

Als du da drin lagst, warst du es nämlich noch.
Selbstverständlich warst du es noch.
Nur der Hauch war gegangen.

Wärst du nur Hauch und nicht auch Stoff gewesen
Wärst du gar nicht gewesen – ich liebte
Beide, man muss beide lieben.

Nun hat der Stoff Zeit
Selbst zum Hauch zu werden.
Er wird es noch nicht geworden sein

Wenn auch bei mir der Hauch geht.
Wir werden uns kaum unterscheiden –
Noch weniger als im Leben, noch viel weniger.


12. Juli 2022

mercredi 29 juin 2022

Présence

Sens fait de non-sens
Présence légère
Pesante présence
Que l’on espère.

Tout perd son vieux poids
Mort dans la lumière
Un arôme à toi
Parfume l’air.

La nuit se fait jour
Mais jour qui s’embrume
Léger devient lourd
Lourd comme une plume.

28 Juin 2022



 

mardi 28 juin 2022

Heureux encore

Heureux encore d’avoir un côté rue et un côté cour
Un côté matin ainsi qu’un côté soir –
Et que ce dernier prime
Désormais.

Heureux encore d’avoir trois étages et des escaliers
Qui, tous, montent et qui, tous, descendent
Et montent pourtant davantage
Qu’ils ne descendent.

Heureux encore que la chambre, au troisième, soit côté soir :
Si j’en laisse la fenêtre ouverte, ce n’est pas
Pour que tu puisses t’envoler, mais
Pour que tu puisses y revenir.

28 Juin 2022


 



dimanche 26 juin 2022

Vignette

Je ne sais pas si la vie d’une moule a ses moments
De grâce, ses joies de perlière et ses désagréments ;
Je trouve l’existence d’un lombric bien plus intense :
Se tortillant du bout, il peut faire ta connaissance.

La moule, fidèle au rocher, le ver qui vagabonde –
Nous, vivants, voyageurs, puis morts, attendant la rencontre
Sans plus bouger, puis moi qui, seul, accomplis mon destin
M’enfouissant et t’attendant accroché, peut-être en vain.

25 Juin 2022

samedi 25 juin 2022

Näher herankommen

1. Glasbruch

Jeder Tag entfernt –
Das ist eine Binsenweisheit
Doch die Dinge überleben das Entfernen
Gerade auch dann, wenn sie sehr zerbrechlich sind.

Jetzt, da du nicht mehr altern darfst
Altern die Dinge für dich, und zerbricht eines
Das mich an dich erinnerte
Erinnert es noch im Zerbrechen und darüber hinaus.

Jeder Gedanke, jeder Einfall, den du hattest, wird heilig.
Du hattest dieses Weinglas gekauft, es muss
Dir also gefallen haben; nicht
Unbedingt ‚mein‘ Stil. Nun ist es heilig.

Wäre es ‚mein‘ Stil gewesen, hättest du mir nur eine Freude
Damit machen wollen; aber dadurch, dass es ‚dein‘ Stil war oder ist
Oder du vielleicht nur meintest, meinen Stil getroffen zu haben
Wird es heiliger als die Heiligkeit, die es erlangt hätte

Wenn du mir nur eine Freude damit hättest machen wollen
Und dir das vollständig gelungen wäre.
Je mehr du dich selbst in etwas offenbarst
Und nicht allein deine Zuneigung zu mir, desto heiliger.

Gingen dir manchmal Gläser kaputt, und waren es ‚meine‘
Versuchtest du stets, sie zu ersetzen, trafst meinen
Geschmack aber nicht unbedingt trotz
Jahrzehntelanger Symbiose.

Du offenbartest dich also unabsichtlich selbst.
Ich hätte dir auf Knien dafür danken müssen
Denn nur dadurch bist du noch so lebendig
Und sei es in einem zerbrechlichen Glas.





 

 

 

 


 2. Roadkill

Ich erschrak.
Es lag etwas mitten auf der Straße.
Ein überfahrenes Tier?
Von Weitem sah es ganz danach aus.
Ich kam näher, es war nur ein Packen braunes Papier.

Es scheint aber keine Sinnestäuschung
Dass es dich nicht mehr gibt
Obwohl ich an die Sache nicht näher herankommen kann.


Venir plus près

1. Bris de verre

Chaque jour éloigne –
Voilà une de ces banalités
Mais les choses survivent à l’éloignement
Et surtout les plus fragiles et vulnérables parmi elles.

Maintenant que tu es interdite de vieillir
Les objets vieillissent pour toi, et si l’un de ceux
Qui me font penser à toi, se casse
À cet instant encore il ne fait que t’évoquer, et bien au-delà.

Chacune de tes idées et trouvailles est devenue sacrée.
Si tu as acheté ce verre à vin, c’est qu’il a dû
Te plaire ; il ne correspondait pas
Forcément à ‘mon style’. Désormais, il est sacré.

S’il avait été ‘mon style’, tu aurais simplement
Voulu me faire plaisir ; mais parce que c’était le tien, ou
Parce que tu t’étais trompée en croyant tomber juste
Il devient plus sacré qu’il n’aurait pu être

Si tu avais complètement réussi dans ta tentative
De me faire plaisir. À mesure
Que tu t’y dévoiles toi-même, et pas seulement
L’affection que tu me portes, tout gagne en sainteté.

S’il t’arrivait de casser de ces verres ‘à moi’
Tu as toujours eu à cœur de les remplacer
Mais sans fatalement taper dans le mille
Malgré notre symbiose de trente ans.

Tu t’es donc dévoilée sans faire exprès, j’aurais dû
T’en remercier en tombant à genoux devant toi
Car c’est pour ça que tu es encore si vivante
Ne serait-ce que dans un verre cassable.




 

 

 

 

 

 

2. Chat écrasé

J’ai eu peur.
Quelque chose gisait au milieu de la chaussée.
Un animal écrasé ?
Vu de loin, c’en avait tout l’air.
En m’approchant je constatais que c’était du papier d’emballage.

Il ne me paraît pas simplement une illusion
Que tu n’existes plus
Bien que je sois incapable de me rapprocher de la chose.


24 Juin 2022

dimanche 19 juin 2022

Cannibalisme et éducation

J’avais hésité, c’est une petite bête tellement mignonne, mais enfin
Je me suis préparé ce lapin qu’on m’avait proposé en réclame.
En y incorporant un peu de moutarde, je pensais à Gretel
Qui le cuisinait à merveille, celui de son fils inclus.
Quel drame, une telle éducation.

Le lapin, Gretel, son fils, morts. Je me nourris de mort.
Tous morts, et toi dans le lot, juste une de plus
Parmi tant d’autres – mais ma morte.
Ma seule et unique, en fait.

Je ne sais plus
Comment vivent les gens
Qui n’ont pas leur morte à eux
Qui n’ont pas subi cette éducation-là.
Je les prends le cas échéant pour des salauds.

17 Juin 2022

 





samedi 18 juin 2022

L’or des pagodes

i.

Ta mort ne m’a pas coupé la parole, elle l’a accaparée.
Plus aucun autre sujet
Que celui consigné pour celle qui ne le lira plus.

Vivante, tu étais ma lectrice
Morte, tu le restes.
Tu restes la destinatrice de mes paroles, rien n’a changé.

Narcissiquement, je te vois par rapport à moi
Mais amoureusement, je te vois par rapport à toi-même
Et aujourd’hui plus que jamais, la mort t’ayant rendue entièrement ___________________________________________à toi.

Je t’observais du coin de l’œil, ma lectrice, guettant le petit sourire
Et l’entr’apercevant, en cachette
Je savais que j’avais réussi quelque chose.

En fait, égoïstement, je pense à ce sourire qui me manque
Lorsque je dis que tu me manques
Petit sourire immense, tout.

Toi toute seule, mais avec un peu de moi –
Comme si le texte avait été retranscrit de ta main
Devenant ainsi le nôtre.


ii.


J’ai le plus grand mal à jeter le moindre bout de papier
Sur lequel tu avais gribouillé quelque chose
Ne fût-ce qu’une liste de courses.
C’est l’écriture qui est devenue sacrée.

On est là au début même des saintes écritures.
On s’en fout, n’importe quoi, du récit sans intérêt :
C’est la main traceuse qui compte
C’est elle qui rend canonique.

Je ne les lisse surtout pas
Ces feuilles pliées et chiffonnées.
Telles quelles, je les mets dans un écrin
Et l’écrin, je l’entrepose dans ma gueniza personnelle.


iii.

Si je souhaite
Que tu reviennes vers moi
Que tu sois de nouveau avec moi
Je ne souhaite certainement pas l’impossible.
Depuis quand le monde obéirait-il à un ordre rationnel ?
Alors, un miracle de plus ou de moins...

Les sortilèges décident ; sinon pas d’explication.
Nous, on n’a jamais quitté l’âge mythique
L’âge homérique, héroïque, fatidique
Baigné de l’or de notre enfance.
Toi vivante, je le devinais ;
Désormais, je le sais.


17 Juin 2022

vendredi 17 juin 2022

Bestioles

Sitôt après ta mort, j’ai vu cette bestiole
Monter le mur, se dirigeant vers la fenêtre ouverte
Et j’étais à peu près sûr qu’elle était ton âme qui s’en allait.

Longtemps, je n’ai plus pu virer aucune bestiole
En me demandant sérieusement si ce n’était pas toi
Qui me visitais sous une forme qui t’était encore permise.

La normalité est revenue.
De nouveau, je claque les moustiques
Mais en m’excusant auprès de toi, au cas où.

Quoi qu’il en soit, me dis-je
Après, tu seras une autre bestiole
Si l’envie te reprend de venir me voir.

Tierchen

Gleich nach deinem Tod erblickte ich dieses Tierchen
Das die Wand hochkrabbelte, dem geöffneten Fenster zu
Und war fast sicher, dass es deine entschwindende Seele ist.

Lange Zeit konnte ich kein Tierchen mehr rauswerfen
Denn ich fragte mich allen Ernstes, ob nicht etwa du es bist
Die mir in dieser dir noch erlaubten Gestalt einen Besuch abstattet.

Die Normalität ist zurückgekehrt.
Ich klatsche zumindest die Schnaken wieder tot
Mich allerdings sicherheitshalber bei dir entschuldigend.

Wie auch immer, sage ich mir
Hinterher bist du dann eben ein anderes Tier
Wenn dich die Lust packen sollte, bei mir aufzutauchen.


16. Juni 2022

jeudi 16 juin 2022

Nachwachsen und anschauen

i.

Das Lebendige wächst nach
Das Tote nicht.
Die Toten bleiben Tote;
Was nachwächst, sind Lebendige
Die allerdings Toten nachwachsen.
Man versteht es nicht so recht.

Ich wachse dir entgegen –
Mehr kann ich nicht tun
Solange ich noch am Leben bin.


ii.

Schaue ich mir ein Photo von dir an
Um mich zu trösten
Tröstet es mich nicht
Und tröstet mich doch.
Ich bin so verloren in der Stille
Dass ich keinen Unterschied mehr wahrnehme
Zwischen Trost und Trostlosigkeit.


Repousser et regarder

i.

Ce qui est vivant, repousse
Mais pas ce qui est mort.
Les morts restent morts ;
Ce qui repousse, c’est des vivants
Repoussant pourtant les morts.
C’est dur à comprendre.

Je pousse dans ta direction –
C’est tout ce que je peux faire
Tant que je suis vivant.


ii.

Si je regarde ta photo
Pour me consoler
Elle ne me console pas
Et elle me console.
Je suis tellement perdu dans le silence
Que je ne ressens même plus de différence
Entre consolation et désolation.

16 Juin 2021

samedi 21 mai 2022

Idyll

Ich ruh nun oft draußen und lasse
Die Abendstunden verstreichen –
Ich gehöre nun zu den Reichen
Auf meiner neuen Terrasse.

Einbalsamiert vom Jasmin
Schau ich auf alles herab
Weil ich die Zeit dazu hab
Und all so erhaben bin.

Müßigsein macht dich zum Gast;
Und wer dann auch noch fast
Auf Kirchturmuhrhöhe döst
Ist schon quasi erlöst.

Bin eigentlich schon tot
Und wie verschwunden im Nichts
Sich verabschiedenden Lichts
Über Dächern von dunkelndem Rot.

Noch nerven zum Glück dumme Stimmen
Noch hindert mich dies und das
Noch stört mich halbwegs was
Kurz vor meinem Verglimmen.

20. Mai 2022

mardi 17 mai 2022

Abomination, apparition

Cette abomination a fini par s’installer partout.
Tu l’avais écartée telle une amulette ;
Il a suffi que tu t’en ailles pour qu’elle trouve la voie libre.

Désormais, chaque coin que tu ne remplis plus
Elle s’y étale en moisissure
Avançant chaque jour, pas à pas.

C’est incroyable, le travail que, mine de rien, tu avais fait
Pour lui barrer l’accès pendant toute une vie ;
Même nos murs, rien que souriants de toi.

Tapie dans l’ombre, elle attendait, maintenant elle est là
Et tout le monde semble mettre un point d’honneur à la favoriser
Y compris ceux qui me sont encore les plus chers.

Il n’y a plus que ton souvenir
Pour la chasser, parfois, un peu.
Gymnastique périlleuse.

Saleté de saleté :
Comment m’en débarrasser ?
En détournant mon regard de ces murs suintants ?

Or, j’y attends ton apparition
Toujours ton apparition
Solaire à travers eux.

14 Mai 2022


 

jeudi 7 avril 2022

Guerre et paix

i.

Tout n’est qu’affaire de bonheur.
Tu n’étais pas heureuse, là-bas dans ta vie confortable.
Et dès que tu m’as vu, tu m’as voulu.

Ça m’arrangeait beaucoup, dis donc :
Tu n’étais pas moins belle qu’amoureuse.
On ne peut faire mieux sans violence.

Eh ben, quand on s’ennuie dans le confort, il faut
De l’inconfort, me disais-je, afin que tout aille pour le mieux.
Voilà ce que j’avais à te proposer.

L’inconfort acquis, la ténacité
Devenait la vertu la plus essentielle.
Et à vrai dire, ce n’était point couru d’avance.

Longtemps, bêtement, tu n’étais pas sûre de moi
Mais il n’y avait pas de doute à avoir ;
Dès le début, l’affaire était pliée.

Il fallait juste me chercher, car
Je ne sors pas comme ça de ma tanière.
Dans ta folie tu as simplement fait le nécessaire.

Qui a tous les atouts dans la main
Ne peut pas ne pas choper.
C’est la paix assurée.

Or, il y a des aveugles
J’en ai connu plein, vraiment à la pelle
Et je pense aux désastres de la guerre en pensant à eux.


ii.

Qui cherche sans cesse du nouveau
Ne craint pas le nouveau.
Ce n’est pas une question de gauche ou de droite.

C’est par pur conservatisme
Que l’on finit progressiste. La fidélité
Serait-elle question de courage ou de lâcheté ?

S’installer dans la paix, pour beaucoup
Ne relève que de la survie, non pas du confort
Mais l'on peut s’installer paisiblement dans l’inconfort.

Et cette douce paix se révèle trop ardue
Pour ne pas être du champ de la lutte éternelle ;
Quant à la guerre guerrière, elle reste à jamais passagère.


iii.

Puisque la guerre n’est que passagère
La paix est éternelle, et si fortement éternelle
Que la guerre doit l’interrompre de temps en temps.

Nos querelles à nous ne l’ont pas interrompue
Mais en faisaient partie. Une bonne paix
Telle la nôtre, est toujours armée.


2 Avril 2022

samedi 2 avril 2022

Drei Kriegsgedichte

1. Mut

Ich habe vor vielen Jahrzehnten desertiert – nicht aus „Pazifismus“, sondern einzig und allein, weil ich mir von keinem vorschreiben lasse, wofür und wie ich zu kämpfen habe, und über meine Beweggründe auch niemanden täuschen wollte – und wurde von Freunden, die in vaterländischen Kriegen an vorderster Front standen, dafür bewundert. Ich habe das nie verstanden; ich bewunderte eher sie, denn sie waren so durchaus unmilitärisch veranlagt wie ich. Jeder bewundert, was er selbst nicht zustande bringt. Meine Kriege der heroischen Frühzeit waren im Übrigen solche gegen die meist jugendlichen Ordnungskräfte einer Diktatur, die ihrigen solche gegen ins Feld gehetzte Soldätchen von Diktatoren. Sie fanden, dass das ja ungefähr dieselben Schlachten waren; ich wiederum hielt die meinigen für deutlich ungefährlicher. Was man kennt, fürchtet man kaum. Nur wer nichts kennt, fürchtet alles.

Mut ist eine seltsame Frucht:
Was für den einen Mut ist
Ist für den anderen Feigheit.

Der Erste desertiert mutig
Der Zweite zieht mutig in den Krieg
Der Dritte wird feig in ihn hineingezogen.

Wer sich in ihm als mutig erweist
War im Frieden manchmal mutlos.
Der Krieg verändert den Menschen.

Gäbe es ihn nicht, diesen Krieg
Wüsste man also nicht viel von den Leuten
Und wie immer ist es besser, keine Ahnung zu haben.

Wenn man es aber weiß
Weiß man trotzdem noch nicht
Was angebrachter ist – Mut oder Feigheit.


2. Recht und Unrecht

Der Parteilichste tarnt sich, er tut so, als sei er das Rote Kreuz und der Papst zusammengenommen, und hat damit auch nicht ganz unrecht. Wenn es darauf ankam, standen die Schweiz und der Vatikan stets unfehlbar auf der Seite, die für sie die günstigere war, und ganz besonders dadurch, dass sie Neutralität heuchelten. Tatsächlicher Unparteilichkeit geht es nicht um das eigene Wohlergehen.

Ihr hättet gerne, dass im Kriege keiner Recht besitzt –
Derart ist jene Heiligkeit
Die immer nur dem einen nützt.
 
Der wär viel lieber liebend eingedrungen
Doch hat ihr Zieren zu Gewalt gezwungen
Und lässt sie sich nun einmal schlecht verführen
Muss sie der Liebe Feuer anders spüren.

Wer ist nun schuld an Krieg und Ungemach?
Doch nicht der Hund, dem sie ins Auge stach...


3. Unmut

Mit dem Lieben ist es auch so ein Ding. Liebe kümmert sich nicht um die Gefühle des anderen und muss es von vornherein auch nicht. Sie muss es erst, wenn sie besitzen möchte, und dieser Zwang ist ihr – wie jeder andere – eigentlich fremd. Da Liebe nun aber allzu häufig Besitz ergreifen möchte, geht es mit ihr auch allzu häufig daneben. Nur wer die Ohrfeige anstelle des Ohrfeigenden liebt, kann über Ohrfeigen erobert werden. Die Frage ist allerdings, ob es sich dann noch um Liebe zwischen Menschen handelt und nicht eher um zwei Eigenlieben, die voneinander nichts wissen wollen – oder allein das, dass dabei auch Haut auf Haut trifft, mithin das Oberflächlichste auf das Oberflächlichste.

Er wollte sie besitzen
Und warb, wie er’s verstand
Mit Mörsern und Haubitzen
Aufs offne Mutterland.

Es sind die vollen Brüste
Von Kratern übersäht;
Ach, wenn er doch nur wüsste
Weshalb sie ihn verschmäht.

Er fragt die Generäle;
Die wissen auch nicht mehr
Was diese sanfte Seele
Verführt zu Gegenwehr.

Es kann nicht einer siegen
Nur, weil er sich vernarrt;
Das Herz wird vom Bekriegen
Nur sturer und verharrt.

Und würd er sie bezwingen –
Der Liebe wär nicht viel.
Es reicht nicht zum Erringen
Das eigene Gefühl.


2. April 2022

mercredi 9 mars 2022

Du vide

„So wie der Mensch unabläßlich vor Alter stirbt, so werden andere Sachen unabläßlich durch Alter gut. Es geht mit unserer Weisheit nicht besser.“                                 Lichtenberg, Sudelbuch L, [971]

i.

L’inestimable valeur qu’acquièrent les choses simplement en  ________________________________________vieillissant
Est la même qu’acquièrent les êtres de cette manière-là ;
Si cela n’est plus vu, tout se meurt.

On ne meurt pas de vieillesse
Mais de jeunesse qui n’en finit pas.
On disparaît de ne plus se souvenir de rien.

ii.

Bien sûr, il faut du vide pour pouvoir remplir
Mais le vide complet n’est plus rien qu’une infatuation.
Qui ne se limite pas, ne mérite pas d’amour, la vie est à ce prix.

L’amour est là où il suffit d’un petit creux pour s’y lover
Il n’y a que le vide modeste
Qui l’aimante.

Le grand vide prétentieux
L’immensité toute dégagée, neuve
N’est le début de rien, mais la fin de tout.

Attends ta mort
Pour rentrer dans le néant
De tes rêves.


2 Mars 2022

mercredi 23 février 2022

L’ancre

i.

Si je la cherche, c’est que je sais
Qu’elle existe ;
Sinon, je ne la chercherais pas.
Mais, invisible ou introuvable
C’est comme si elle n’existait pas.

Ailleurs ou nulle part, quelle différence !
Pourtant, je cherche
Et c’est comme si je prenais un antamnésique
En prévision.

Toi, partie
De là où tu es
Quel conseil peux-tu me donner ?


ii.

La nuit, efficace conseillère ?
Le conseil qui sort d’elle
Dans le noir
Ressemble au vertige
Dans le haut.
Faut-il voir pour l’avoir ?
Quelle conception naïve !


iii.

Un sein s’échappe
La noirceur devient son décor.

Tu avais des bijoux qui n’allaient
Qu’à ta peau jeune, si lisse
Dont cette ancre en argent et en or, reliée
À une corde.

Depuis longtemps, tu ne la portais plus ;
Maintenant, elle est là
Et me rappelle la douceur de notre première rencontre.
Tout m’échappe maintenant
Et tout reste là.


iv.

Jadis et naguère
Fondus dans une ancre :
L’argent de jadis
L’or de naguère
Et la corde rugueuse pour les confondre
Sur la peau d’une jeune femme
Qui, intelligente et confiante, ne la dégrafe même pas.
Elle est revenue. Elle n’est jamais partie. Ancrée très tôt.


7 Février 2022

 


mardi 22 février 2022

Unerreichbar

Unerreichbarer als die Tote sind manche Lebenden
Und ich muss nun ohne die Tote
Mit solch Unerreichbaren leben.
Wärest du mir näher geblieben als im Grabe
Hätte es in deiner Hand gelegen
Unerreichbare erreichbar zu machen.

21. Februar 2022

jeudi 27 janvier 2022

dimanche 16 janvier 2022

An Irony

After a drug-free life you had galore
Of them, and then, as gently as before
You had refused the stuff, just drank your pills
When remedies they weren’t any longer
Too late for any ‘either it kills
You or it makes you stronger’ –
Your resting strength, then, was to outscheme
The hopeless chemistry of a deathly dream.

January 15, 2022

mercredi 12 janvier 2022

Glückspilz

Je tombe sur mon Glückspilz.
Plus précisément, ç’avait été toi qui étais tombée dessus
Puis, en connaissance de cause, tu me l’avais offert.
Le Glückspilz appartient à la pharmacopée des sorcières ;
C’est bien lui, l’amanite, qui les fait s’envoler sur leurs balais.
En français, c’est un verni, il n’y a pas de traduction directe.

Ici, c’est le logo d’une marque autrichienne de spiritueux
Mais n’importe, quelle trouvaille alors !
Difficile de faire mieux dans le genre popu profond – c’est
La plus pure des merveilles nées de ta relation avec Guerrisol.
Trop subtil comme message pour tolérer le plein jour
Je n’osais m’en revêtir que dans les secret de l’alcôve, en pyjama.

Maintenant je ne peux plus le porter
Même mon intimité n’autorise plus de tels écarts de conduite, de
Pareils aveux sur tee-shirt.
À quoi bon, du reste ? Personne ne le lira sur moi.
Tout est parti avec toi.
Tout de ce qui a rendu le vie simple et compréhensible
Tout de ce qui l’avait vulgarisée dans le meilleur sens du mot
Tu me l’avais mis à ma portée.

9 Janvier 2022

 

mardi 11 janvier 2022

Tätigkeit

War auf der Ausstellung Soutine-de Kooning und dachte: Das, was leicht von der Hand ging, ist einem einfach weniger lieb als das, worum man kämpfen musste, weil das Kämpfen selbst einen Wert darstellt. Dass das kein künstlerischer ist, ändert nichts an dieser Vorliebe, die bei mir beispielsweise jetzt größer ist als früher. Wenn das Künstlerische und Leichtgängige zusammenkommen, dann kommt es eben zusammen, und das darf es ja auch – etwas anderes fällt mir zu seiner Verteidigung nicht mehr ein. Dass ich mir ein sichtbar erkämpftes Gemälde nicht an die Wand hängen würde und froh bin, wenn ich es nicht mehr sehen muss, steht auf einem anderen Blatt. Auch in diesem Fall ist einem das Fernste das Liebste. Damit kenne ich mich nun aus.

Tätigkeit ist nichts zum Essen:
Tätigkeit lässt nicht vergessen.
Mit dem Ende wär auch Schluss
Hätt sie einen Zuckerguss.

Wäre Tätigkeit zum Trinken
Könnte alles schön versinken.
Doch auch trinkbar ist sie nicht:
Noch im Tun gedenke ich.

Nicht ist Tätigkeit ein Stürmen
Um den Tätigen zu schirmen;
Viel ist sie, nur kein Genuss
Weil ich mich erinnern muss.

Tätigkeit ist Weiterlieben
Wird von Wehmut umgetrieben:
Gegenwart, Vergangenheit –
Klar im Kopf ist Tätigkeit.

11. Januar 2022 

[La colline de Céret. 1921]