dimanche 30 août 2009

The Bee, the Beekeeper and I

Man loves useful Bee
But busy Bee doesn’t know
Nor does she know that in
Man, without good cause, she might
Lose her sting and perish. Although
She ignores what she does to them, Bee
Knows quite well how to handle utter flowers
But, surprised by the apparition of
Unnecessary Man, she hasn’t learned yet
To radically leave this one in peace.

Sedulous Man, the one under
The beekeeper’s mask, behaves toward
Man like Bee behaves toward Man.
Man knows how to smell or cut utter flowers
But he hasn’t yet learned how to react
To the apparition of unnecessary Man, that
Depraved animal. He has no better feelers
For learning how to keep his sting in
Annoying presences, let alone
How to leave in peace and quiet.

I waste my days of no avail
As if I were utter flower, but all that is
Bee better leave me alone, there would be
Only wasting of sting on me and ways to vainly
Perish. I have long lost my sting and not yet
Perished, rather by lack of usefulness
Than by busy-beeish ignorance. A
Man like me needs not carry a
Beekeeper’s mask to keep
Out of business.

If those bees were even busier than they are
They wouldn’t have to learn about
Not wasting stings for nothing.
Unnecessary Man, in his most
Needless form is stronger than them all.
He has nothing else to do
Than to observe a little balcony garden
Breeding itself some utter flower
And simply stay away from
Bees buzzing by.

August 28, 2009

samedi 29 août 2009

Amarant





Was ich in den Balkonkasten gesät habe
Ist ein richtiger Baum geworden. Nimmt
Nun fast die gesamte Höhe des Fensters ein;
Bald ist der Dachvorsprung erreicht:
Dem Amaranten ist offenbar nicht klar
Wo er gewachsen ist.

Das ist kein Acker hier, es gibt doch kaum Erde
Unter der Wurzel. Merkt er das denn nicht?
Ich muss ihn nun jeden Abend gießen, so
Durstig ist er. Stört es ihn denn nicht
Dass er so von mir abhängt? Nur einen
Tag weg, und schon steht er schief
Mit gefährlich trockenen Blättern.

Wenn man von jemandem abhängt
Weil man kaum Erde unter den Wurzeln hat
Und als Zukunft nur einen Dachvorsprung, dann
Wächst man lieber nicht so gewaltig, dann
Bescheidet man sich, gerade, wenn man
Darauf angelegt ist, unter günstigeren
Umständen riesengroß zu werden.

Mensch, nimm dir ein Beispiel, Amarant
An dem Typen, der jeden Abend gießt!

29. August 2009


Amarante

Ce que j’ai semé dans la balconnière
Est devenu un vrai arbre, occupant entre-temps
Presque la totalité de la hauteur de la fenêtre ;
Bientôt, ça touchera à l’avancée du toit :
L’amarante ne semble pas avoir conscience
De l’endroit où elle a poussé.

Ce n’est pas un champ ici, il n’y a guère de terre
Sous la racine. Ne s’en rendrait-elle pas compte ?
Désormais, je dois l’arroser chaque soir, tellement
Elle a soif. N’est-elle donc pas le moins gênée
De dépendre entièrement de moi ? Une seule
Journée sans mes soins, et la voilà de travers
Les feuilles dangereusement sèches.

Si l’on dépend de quelqu’un
Parce qu’on n’a que peu de terre sous les racines
Et, pour avenir, rien qu’une avancée de toit, alors
On ne pousse pas comme une détraquée, alors
On reste modeste, particulièrement quand on a
Les dispositions pour devenir immense
Sous des conditions plus favorables.

Eh, l’amarante, prends plutôt en exemple
Le gars qui arrose chaque soir !

29 Août 2009

vendredi 28 août 2009

Un regard organique

Lorsque, couché sur des draps, je
Regarde le long de moi-même
Je ne vois, une fois de plus, que de la couenne ;
Mais c’est toujours à partir des organes
Que je pense. Et ce que je vois, en l’occurrence
Pense aussi à partir de mes organes. Voilà
Toute la différence : peau d’autrui, belle ou vilaine, ne
Pense pas à partir de mes organes, et pourtant
Je ne me vois pas mieux moi-même.

C’est comme si ces organes vigilants
N’avaient aucune force, puisque je serais opaque.
À quoi bon scruter le long de moi-même
À poil sur mes draps si je n’arrive même pas
À me déshabiller un petit peu ? Est-ce que
Généré par mes organes, mon regard
M’apprend quelque chose sur moi
Que je ne saurai jamais d’autrui ?
Le doute est permis.

Vu qu’il n’y a rien à voir, tant qu’à faire –
Voyons ailleurs ! (Inefficace, l’œil
Est libre d’errer...) Puis, miracle, l’acuité
Se fait : guère plus loin, j’en arrive à deviner
Les organes sous les fauves bigarrures de
Certaine autre peau rencontrée ; j’en conclus
Que je n’ai pas pu percer mes propres secrets
Simplement parce qu’ils ne s’étaient pas assez
Détachés d’un fond de même camouflage.

27 Août 2009, La petite série des organes, 7

jeudi 27 août 2009

Utiles et intéressants

La matière humaine, on le sait, est constituée d’éléments
Plus ou moins utiles et plus ou moins intéressants.
Les uns sont parfois tout le contraire des autres.
Les reins, par exemple, sont fort utiles, mais assez
Peu intéressants. C’est la chute des reins qui intéresse.

Quelquefois, ce qui est utile est également intéressant.
Voyons ces sombres orifices, capables d’évacuer (ce qui est
Utile) et d’accueillir (ce qui est intéressant) et dont l’ami
Chibroque est singulièrement astucieux : il sert, dans le
Désordre, de trou, de bouche-trou, ou des deux ensemble.

Ce qui est utile pour l’un peut être intéressant pour l’autre.
Le lecteur s’écriera : « les mamelles ! » Quel bel exemple.
Passer d’un sein à l’autre, de l’utile à l’intéressant, n’est pas
Une mince affaire : il faut convaincre, se rendre soi-même
Utile ou intéressant, brouillant les frontières entre les notions.

Souvent, il en faut donc deux pour qu’un intérêt rejoigne l’utile.
De ce qu’on a en double, on peut, imitant le cyclope, l’amazone
Ou le monorchide, à la rigueur se passer de l’une des moitiés ;
Jamais en matière de fesse. Ici, sans la paire, point d’utilité ni guère
D’intérêt, car ce dernier s’est niché à la rencontre des jumelles.

Enfin, ce qui est peu utile est quelquefois peu intéressant –
C’est le drame de tout appendice rentré ; et parfois on ne sait
Même plus, les notions, inversibles, se contrariant dans l’absolu.
Nous pensons à l’antre matriciel dont l’utilité toute relative
Sait profiter de l’intérêt certain qu’en suscite le portail.

Moi, qui trouve l’utile utile et l’intéressant intéressant, je me
Demande du reste comment la prendre, cette matière humaine.
Faut-il s’accrocher au détail ou aveuglément embrasser le tout ?
L’intéressant naît des distinctions faites afin qu’ensuite
Le tout cède un bref instant sous son assaut des plus utiles.


19 Août 2009, La petite série des organes, 6

mercredi 26 août 2009

Excrétivité salissante

Celui-là, il est dégoûtant –
La bave lui colle aux commissures.
Il a certainement
L’interstice trempé, ça
Fouette la sueur de toutes parts
Et si nous insistons un peu, nous
Trouvons à coup sûr du jus de trique
Dans ses poils. Or, chez cet autre
Spécimen, tout est bouché, c’est
Resté propre et appétissant.

Le désir a ses contradictions : il dépend
Du bon fonctionnement des organes, mais
Il ne s’accommode que dans le feu de l’action
De leurs excrétions salissantes.

Les salissantes excrétions organiques
Compliquent l’affaire en apparence ; ce n’est
Que sous l’aspect des organes que cela reste clair.

C’est comparable à un poème qui raconte
Son histoire pathétique avec des mots simples
Alors que dans un épanchement, c’est le contraire.

Il faut donc, pour que tout fonctionne
Que les organes correspondent aux mots
Et que l’excrétion fasse l’histoire et non pas
Le contraire.

[Et qu’est-ce que tu en fais, du glacis
Chatoyant que tu estimes aussi vital ?
– Ce seront les humeurs desséchées.]

25 Août 2009, La petite série des organes, 5

mardi 25 août 2009

Arcimboldo

Nous avons l’habitude de comparer les parties
D’un corps alléchant à des fruits.
Or, ces parties ne sont pas des fruits.
Si l’antique désir de mordre dans une pomme, de
Sucer la poire ou de goûter l’abricot, est
Toujours vivace en nous, il n’y a là
Ni pommes, ni poires, ni abricots.

Dans ce meilleur des cas, la peau de pêche ne veloute
Nulle pêche, et les tendres pruneaux suspendus n’en sont point.


Si le corps alléchant était fait de fruits véritables, les
Malheureux seraient vite dans un état lamentable
Et nous, tout barbouillés et de jus et de pulpe
Du fait d’un tripotage bien trop insistant ;
Car, en réalité, il n’y a rien que des sucs à bouffer, on
S’est encore fait des idées pour finir par s’énerver.
Voilà la triste vérité.

Voyant notre rage impuissante, le monde
Dirait : Mais regardez-les, quels salopiots, quels sagouins !


Le rappel d’un autre plaisir, plus simple et
Authentique, nous entraîne donc vers un laisser-aller
Peu ragoûtant lorsque nous nous attaquons
À ces supposés fruits, caoutchouteux en somme.
Ce ne sont que des leurres, et la civilité
Qu’on nous a inculquée à la table familiale
Fait alors place à des manières autrement grossières.

Tout compte fait, félicitons-nous que les parties
D’un corps alléchant ne soient pas consommables comme les
______________________________________________fruits.


19 Août 2009, La petite série des organes, 4

lundi 24 août 2009

Voile et ventilateur

Lorsqu’il fait très chaud
Un joli corps se prélasse sous le ventilateur.
Il me fait un peu envie, mais
Ce n’est pas le moment d’y toucher.
Lorsque la fesse recherche, toute nue, du réconfort
Sous un ventilateur, l’attouchement est malvenu.

Ce sont, en mauvaise saison, les épidermes emmitouflées
Qui ne rechignent pas à la patte brûlante
Qui précautionneusement, sans faire passer du vent, se
Faufile sous le lainage. Las ! quand ce sera
Autrement simple, elle ne fera que déranger, cette
Patoche farfouilleuse.

Lorgnons donc vers les silhouettes camouflées
Dès qu’un échauffement nous effleure.
Or, c’est risqué, ça demande de l’imagination et
De l’anticipation hasardeuse ; cela devient une affaire
De croyance, et cela nous amène tout droit
Au paradoxe oriental.

Beau paradoxe si, pour satisfaire à ton érotisme des chaleurs
Tu n’as rien de mieux à proposer que de m’envelopper
En pleine canicule d’un tchador. C’est donc ça, dis ?
– On pourrait conjuguer voile et ventilateur
À l’instar des bateaux sous la brise
Ou la surprise faite à Marilyn.

S’il suffisait seulement
Que je souffle.


20 Août 2009, La petite série des organes, 3

dimanche 23 août 2009

Pet Organ

The human body needs a soul, and this soul needs pets.
Pet concepts, pet ambitions, pet hates, pet regrets.
Do we have special organs for that?
Sure we do, and I happen to know them all. I mean, it’s
Always the one you know. It’s mine too. So
Let’s start petting!

My pet organ isn’t yours, I’m afraid. Can’t perform
A proper petting with that spleen, I suppose.

Is your pet organ a spleen? Are you
Into spleens, poor kinky boy?

I am not into that spleen, I even
Ignore its specific contribution to my staying here;
I am just a little bit spleeny these days.

August 23, 2009, La petite série des organes, hors série

mercredi 5 août 2009

Plus bête qu’une bouteille

Je suis, à l’intérieur, plein de jus.
Je le sais mais ne m’en rends pas compte.
Je pense avoir atteint depuis longtemps le
Stade de la stabilité, le douteux privilège
De ce qui a coagulé dans le sec et le solide.
La réalité est tout autre : je suis resté très liquide.
Mais il ne suffit pas de s’érafler le genou
Pour s’en apercevoir.
En fait, je ne suis pas capable de comprendre
L’insaisissable vérité. Je suis encore
Plus bête qu’une bouteille. Je
Coule dans le noir, dansant étant volcan
Ignorant que je dois tout à la fluidité formidable
Qui, bouillante, me parcourt.

Comment faudrait-il donc que je me sente ?
Devrais-je craindre d’être secoué
Car je pourrais éclater ?
Devrais-je m’inquiéter lorsqu’un ami
S’approche de moi muni d’un tire-bouchon
Ou redouter qu’on me lâche par maladresse
Une fois empoigné au col par quelqu’un ?
Devrais-je m’attendre à finir vide jusqu’à la lie ?
De toute façon, devrais-je appréhender le néant ?
Ou du moins la noirceur d’une cave sans fin ?
Nullement informé sur mon contenu
J’ai acquis le droit de me sentir
À défaut sec et solide.

4 Août 2009, La petite série des organes, 2

lundi 3 août 2009

Il est très bien fait que


1. Comme neuf


Il est très bien fait que nous ayons
Les couilles empaquetées
Et le cerveau dans une boîte.
Le cerveau, à l’abri dans sa boîte
Se conserve pendant longtemps
Et les couilles, au besoin nous pourrions
Les déballer pour les montrer aux gens
Mais c’est rarement nécessaire.


2. Comme un singe

Il est très bien fait que nous ayons
Des pieds qui ressemblent un peu aux mains.
Les mains occupées, nous lorgnons
En désespoir de cause vers nos pieds
Pour nous rassurer : voilà encore deux
Presque aussi beaux que les mains ! Or
Des mains, dès qu’elles seront libres, on
Pourra les caresser, ces jolis pieds.


3. Comme parure

Il est très bien fait que nous ayons
Des cheveux sur la tête.
La tête est cette partie noble du corps
Qui mérite d’être parée de cheveux.
Parce que le cheveu se mérite.
Ce qui est moins le cas du poil.
Le poil ne se mérite point, il a juste
Poussé, et parfois il agace, même sur la tête.
Le cheveu, s’il dérange, n’est pas loin
De la beauté qui dérange.


4. Comme deux contre un

Il est très bien fait que nous ayons
Des yeux pour voir et rien qu’un nez pour sentir.
Les yeux qui sentent sont plutôt inquiétants
Et le nez, s’il se voit, il est trop grand.
On préfère deux yeux qui brillent
À un unique nez luisant, et tel nez crochu
Ô combien à plusieurs yeux en bec d’aigle.
Parce que cela ne s’est jamais vu. On préfère
Les larmes à la morve – on est méchant, on est
Injuste envers ce pauvre nez tout seul !


5. Comme charnière

Il est très bien fait que nous ayons
Des genoux et des coudes.
Comparé à la plupart des bêtes
L’homme est assez raide ;
Alors sans genoux et coudes...
Quand on parle du maillon manquant
Entre le singe et l’homme
On parle certainement d’un être
Fruste mais pourvu
D’excellentes charnières.


6. Comme des pyramides

Il est très bien fait que nous ayons
Pas tout le monde des tétons
Mais tout le monde des tétins.
Les tétins de ceux
Qui n’ont pas de tétons
Paraissent un peu superflus. Mais
Nous admirons les vestiges ensevelis
Des anciennes hautes cultures avec
Émerveillement.


7. Comme un derche

Il est très bien fait que nous ayons
Des fesses. Et juste situées à leur place.
Par rapport à la face où il s’en passe de belles
Le dos n’est guère gâté : si on s’en branle
Des grandes surfaces, il n’a pas lerche à offrir
Comme distraction, et ce n’est pas parce qu’on
Ne le voit pas soi-même que c’est justifié. Mais
Plus loin, il tente de se rattraper avec les fesses
Qui peuvent s’avérer plus captivantes que toutes
Les fanfreluches du devant. Surtout dans le contexte.

2 Août 2009, La petite série des organes, 1

samedi 1 août 2009

Interlude

Lorsque je n’ai rien à dire
Au lieu de briser mon mutisme
Avec des trucs que des plus malins que moi
Ont peut-être appris dans leurs ateliers d’écriture
Je m’adonne à l’un de ces jeux de cartes sur ordinateur.

Le freecell, chez moi non plus, ne libère aucunement
Telle énergie cachée dans mes cellules neuronales
Mais au moins, lorsque je me remets à écrire
Je suis sûr que je ne joue plus au freecell.

Jouer aux cartes quand il n’y a rien à écrire
Fait de quelqu’un plus certainement un écrivain
Qu’écrire lorsqu’il vaudrait mieux jouer aux cartes.

Quant à tous ceux à la recherche de l’art de s’exprimer :
Je propose qu’au lieu de leur enseigner l’écriture
On leur apprenne à se contenter des cartes
Tant qu’il leur manque la parole.

19 Juillet 2009