jeudi 18 mai 2023

Pulsion, compulsion et fétiche

    On ne se connaissait pas encore, ou à peine
Et elle m’avait invité dîner en ville
Puis, au resto, avec tout son pouvoir d’achat
De celle qui bosse au lieu de glandouiller en fac
Elle a pris un tapis à un vendeur ambulant

    Un tapis marronnasse à vingt balles.
Je n’ai rien osé dire mais je trouvais ça compulsif.
Elle est chouette, la nana, en déduisis-je, mais elle a trop de fric.


    Bon bah, le goût se civilise, oublions donc.
Bien plus tard, elle m’avoua
Avoir voulu m’impressionner en faisant une B.A.
Le pauvre Pakistanais, quoi
Et que, bien sûr, le tapis était infâme

    Mais moi, n’est-ce pas, j’étais de gauche, non ?
Nous prenait-elle pour des benêts ?
Quelle adorable sotte !


    L’immigration pakistanaise, on la conçoit : le capital
Contraint ces misérables à tirer quelque maigre profit de l’atmosphère
De plus en plus pulsionnelle entre deux privilégiés occidentaux
Mais de là à leur acheter leurs peilles...
Déjà, la rose surgelée...

    Si cet essai de drague d’un freudo-marxiste
Avait réussi en dépit et non à cause de l’acte acquisitif
Au demeurant, elle n’a cessé de m’impressionner la vie durant.


    On l’a mise sous un fauteuil, la marchandise, pas trop en évidence
Mais conservée tout de même, et si je la possède encore
C’est qu’elle m’est précieuse, c’est mon tapis et le plus laid et le plus ____________________________________________cher.
Quand quelqu’un s’en étonne, je le devine sans souffler mot ;
Il faut toujours deviner.

    Dans nos erreurs d’appréciation, on s’est bien devinés, nous
Et de manière immédiate, et en définitive –
La preuve en est sur le parquet.

17 Mai 2023

mardi 2 mai 2023

Heilige Dinge

Man sieht Dingen wie Menschen ihre Heiligkeit nicht an
Aber hinter der Schranktür erwartet mich ruhig
Ein empfindliches heiliges Ding.

Diese heiligen Dinge sind verkörperte Wunschträume:
Sie erinnern auch im Wachzustand an diejenigen
Die nur noch im Schlaf lebendig erscheinen

Ihre Lebendigkeit ist deshalb verborgen denjenigen, denen
Die Bilder verwehrt sind, deren Tage kaum am Leben
Und deren Nächte selber todesstarr sind.

Sie sind helle Nacht in dunklen Tagen, wie der Traum
Reger Tag ist in dumpfer Nacht – ohne sie wäre
Kein Tag mehr, und auch nie einer gewesen.


Choses saintes

La sainteté des choses est voilée comme celle des êtres ;
Or, derrière la porte du placard, tranquillement
Une fragile chose sainte m’attend.

Ces choses saintes incarnent des vœux :
Elles rappellent à l’éveil la présence de ceux
Qui n’ont plus d’existence en dehors du sommeil.

C’est pourquoi leur vivacité ne peut être aperçue par celui
Qui est sans images, dont les jours sont peu vivants
Et dont les nuits, elles, sont raides mortes.

Elles sont la nuit claire des jours sombres, comme le rêve est
Jour vivant au plus profond de la nuit morne – sans elles
Il n’y aurait plus de jour, et il n’y en aurait jamais eu.


1er Mai 2023

 

mardi 11 avril 2023

Fidélité

אילו הוציאנו

1. Lo dayénou

Être nés, d’abord l’un et puis l’autre, ne nous aurait pas suffi.
Nos chemins croisés au hasard – pas suffisant non plus.
Simplement faire connaissance – pas suffisant.

Avoir tout de suite une idée derrière la tête – pas suffisant.
Coucher ensemble – pas suffisant, parbleu !
Poursuivre – pas suffisant, tu parles.

Emménager ensemble – toujours pas suffisant.
Faire un gosse – pas mal, mais même ça ne nous a pas suffi.
Passer trente-cinq ans ensemble – trente-cinq, pas suffisant, merde.

Puis, la facture a été présentée pour tout ce qu’on a eu :
Il a fallu que l’un de nous fasse bêtement l'ange
Tandis que l’autre reste là comme un con.

Inévitable peut-être, mais pas assez
Pour que je me mette à louer le destin, moi.
On aurait dû l’avoir, diable, ce qui nous aurait suffi.

[Chagall, La traversée de la mer rouge (détail)]

 

2. Jam Story

Tiré de la mouise, je veux bien, mais tombé où, en fin de compte ? À quoi bon cette fidélité ? Si elle peut convenir aux fanatiques, elle ne relève d’aucune nécessité, d’aucune obligation, tout au contraire. Le privilège de naissance, s’il en est un, se paye aussi cher que celui d’un héritier de tableaux de maître incapable de s’en séparer malgré sa déchéance : coincé au beau milieu d’objets d’une valeur inestimable, il bouffe des nouilles à l’eau, emmitouflé dans une couverture mitée car sans le sou pour se chauffer. En fier châtelain ruiné, quoi. Voilà ce qu’elle fait de toi, ta fidélité à la haute lignée. Alors, garde-les, tes chefs-d’œuvre ! Est-ce qu’ils te remplissent la panse ? Est-ce qu’ils te réchauffent le cœur ? – Ah, oui, ça oui, et comment ! – Tu vois.


An old friend once told me
That having secretly tasted a spoonful of jam before time
African education made him gobble up the whole pot
So that sweetness cloy his childish heart forever

And when Jam Day came to pass
There was nothing of it left
For no one. His fault.
He remembers.

Now you suffer and you wouldn’t
If you hadn’t met her in the first place.
She was this fruit: Do not taste, otherwise
You’ll be chucked out through mere separation.

Not immediately, though
Allowing you to get used to each other.
Quite a jolt, isn’t it, after taking
It all for granted, kiddy.


April 9, 2023

lundi 3 avril 2023

Du choix

i.

J’ai un copain qui n’est pas bête
Mais chaque fois qu’il va au cinéma, il en sort déçu :
Ils ne tournent que des merdes de nos jours.
S’il le dit.

Un aprèm, je l’ai emmené voir un film, moi.
Il accepta en traînant des pieds :
Encore une de tes bluettes coréennes je suppose.
– Eh ben, taïwanaise, pour être exact.

Comme prévu, il n’y comprenait rien
Mais quelques mois plus tard il m’a confié
Que les images s’étaient gravées dans sa tête
Au point qu’il se souvenait encore de chaque scène.
Drôle de pellicule.
Que veux-tu, fis-je, ils sont sournois, les bridés.
Tu choisis toujours de ces conneries, répliqua-t-il.

Je ne suis pas retourné au cinoche avec lui.
Sans images obsédantes, l’homme reste libre
Et la déception est un sentiment qui se respecte.


ii.

C’est le choix qui nous aide à vivre.
Sans choix, pas de libre arbitre.
La pauvreté (ou ce qui en reste) y contribue beaucoup :
Qui n’a pas un grand pouvoir d’achat
Doit choisir dans la vie.
Aujourd’hui, ça sera pâtes à l’ail, c’est bon, ça
Puisque j’ai fait un tour en librairie ;
Entre bifteck et bouquin, le choix est vite fait
Mais choix tout de même.

Je ne sais comment font les CSP+ en ce domaine.
Sans choix, pas de vie, pas de vie riche en tout cas ;
Or, Porsche ou Mercedes, ce n’est même pas un choix
C’est pile poil pareil.
Cornélien ou couru d’avance
Le vrai choix est réservé à nous autres.


iii.

Quand je t’ai choisie
Ou plutôt quand tu m’as choisi
Ce n’était pas du vrai choix
C’était une sorte de prédétermination :
Il aurait été impensable de laisser filer l’occasion.
Les plus importants choix n’en sont point ;
Quand ça compte, on ne choisit jamais
C’est l’évidence qui s’impose.
Ça t’enlève peut-être quelques illusions
Quant à la possibilité de choisir
Mais c’est mieux comme ça.
Ceux qui se sont trompés
Ont dû faire un choix, les pauvres
Au lieu de se résoudre à l’inévitable.


iv.

Wären mir die Beine zusammengewachsen
Könnte ich hoppeln, aber nicht laufen;
So aber habe ich die Wahl.

Wären mir die Lippen zusammengewachsen
Könnte ich denken, aber nicht reden;
So aber habe ich die Wahl.

Wäre mir der Kopf nicht zusammengewachsen
Müsste ich schrecklich aufpassen;
So aber habe ich die Wahl.


v.

Quand je n’ai plus eu de choix
Je m’en suis contenté.
Forcément.
L’absence de choix ouvre des voies insoupçonnées.
Le ciel s’éclaircit exactement à l’instant
Où la nuit s’apprête à tomber
C’est un coucher de soleil impressionnant de brusquerie
Et l’obscurité qui s’ensuit sent tellement bon.
Pas aussi bon que ça, en vérité
Mais j’ai toujours le choix de le prétendre
Et sans prétention, pas de choix.


3 Avril 2023

mercredi 8 mars 2023

De la vivacité de l’esprit chez les morts

J’ai un problème avec la vivacité de l’esprit –
Celle des vivants autour de moi.
Ils me paraissent terriblement lourds
Ne pigent rien du premier coup ;
Je n’ai pas ce problème avec les morts
Ou plutôt : je ne l’ai pas eu avec eux.

Souvent, ces morts étaient nés avant les vivants –
Souvent, mais pas toujours.
La date de naissance ne rentre donc pas trop en compte
C’est n’est donc pas que plus on est jeune, moins on est vivace ;
La raison de la perte de vivacité chez le vivant
Doit se trouver ailleurs. Serait-ce que
Plus on est vivace, moins on risque de partir en retard ?
Théorie séduisante, mais des plus hypothétiques.

Le fait observé que, de leur vivant, mes morts
Ont toujours ri bien plus promptement
Que ceux qui se targuent d’être encore en vie
Ne semble pas en relation directe avec leur décès ;
Néanmoins, il a une grosse influence sur moi.
L’étonnante présence d’esprit de nos chers disparus
Est une donnée historique
Mais elle ne se explique pas vraiment, et ceci
À l’instar de tant d’autres choses dans une biographie
Qui la tirent peu à peu vers le tragique.

Couramment
Une vie dépend
De ce qui meurt avec les morts.


Von der Geistesgegenwart der Toten

Ich hab ein Problem mit der Geistesgegenwart –
Die der Lebenden um mich herum.
Sie scheinen mir schrecklich schwerfällig
Kapieren nichts auf Anhieb;
Mit den Toten habe ich dieses Problem nicht
Oder hatte es vielmehr nicht.

Häufig wurden diese Toten vor den Lebenden geboren –
Häufig, aber nicht immer.
Das Geburtsdatum ist also nicht dafür verantwortlich
Es gilt demnach nicht: Je jünger, desto ungegenwärtiger;
Der Verlust an Geistesgegenwart beim Lebendigen
Muss andere Gründe haben. Wäre es möglich
Dass die Gegenwärtigeren einfach früh genug zu gehen wissen?
Eine verführerische, wenn auch sehr hypothetische Theorie.

Die Beobachtung, dass meine Toten zeit ihres Lebens
Immer sehr viel schneller gelacht haben als jene
Die sich damit brüsten, noch am Leben zu sein
Wird wohl keine direkte Todesursache darstellen
Hat aber dennoch einen großen Einfluss auf mich:
Die erstaunliche geistige Gegenwart der von uns Gegangenen
Ist eine geschichtliche Tatsache
Die sich nicht wirklich erklären lässt
Wie vieles andere, das die Eigenheit hat
Eines Biographie zuverlässig zu verfinstern.

Gar nicht so selten
Hängt das Leben von dem ab
Was mit den Toten stirbt.


7. März 2023

Vivacité de l’esprit / Geistesgegenwart
(Illustration à titre d’exemple / Symbolbild)

samedi 4 mars 2023

Rose

If I hadn’t gathered the rose
I still would have seen her face
I wouldn’t have known it from close
And still had my dreams and ways.

My nights would be fed of ice
My deedless days shiver away
I still would have known her face
But in the true light of dismay.

Deserted, I’d be drunk of sand
Far fountains would spit out death
It still would all run through my hands
I still would desire your breath.

March 3, 2023

jeudi 2 mars 2023

Abenteuerlust

 “Played record after record, idly,
Wasting my time at home”
                           Larkin, Reference Back

    Von Büchern umgeben
Um das zu erleben
Was Vorstellungskraft
An Wildem erdacht:
    Wem in solcher Welt
Zu wandeln gefällt
Dem scheint nur vergönnt
Was ihn davon trennt.

    Nur ist schon auch wichtig:
Nichts ist wirklich richtig
Und was dich verschont
Hat dennoch gelohnt.
    Ob du es erträumt
Ob du es versäumt –
Es funkelt im Innern
Dasselbe Erinnern.

    Ob Held oder Zwerg:
Das Leben ist Werk
Und scheint es Erscheinung
Besteht es aus Meinung
    Und bleibt immer klein
Mischt die sich auch ein.
Kein Zwerg und kein Held
Herrscht über die Welt.

2. März 2023

[Della Bella, Duell zweier Zwerge]

mercredi 1 mars 2023

Morals

i.

No wiser guide than a sealed book
Too meaningful to grant a look.


ii.

If right or wrong, one should not mind
Lest it be rong or wright.
It doesn’t matter to be blind
To smell a moonless night.


iii.

Some smart ass said: Don’t buy their stuff
There’s nobody up there, because
There ain’t no ladder long enough.
I swiped his, checked, and so it was.

The place was something... hard to tell
I better held it back in me.
Y’all may well gather down in Hell –
I’ll join that lonely apple tree.


iv.

Since we all have to go away
So something else can show
We have no right to throw away
Ourselves before we go.

A garbage can is all we have;
We should not stuff it, though:
Right from the cradle to the grave
We clutter up and grow.

If I could lose the waste I use
To cherry-pick plain litter
It would be possible to choose
But life is far too bitter.


March 1st, 2023

samedi 25 février 2023

Un salaud

Ma chérie, j’étais impossible
Même presque jusqu’au bout.
Quand tu t’étais allongée après la chimio
Une fois, j’ai mis Heifetz avec le premier de Bruch
Et lorsque tu as dit : Qu’est-ce que c’est beau ! C’est quoi ?
J’ai répondu : Tu ne le connais pas ?
Non ! as-tu murmuré, fatiguée, me connaissant.
J’aurais dû mourir de honte.
Je t’embrasse les pieds dans ta tombe
Pour te demander pardon de ma goujaterie.
À chaque fois que je l’entends
Ce maudit concerto
J’y pense. J’y pense. J’y pense.

25 Février 2025

mercredi 15 février 2023

Psautier

Lorsqu’à un hiver doux suit un été pluvieux
On n’a pas à s’en plaindre ;
Lorsqu’en perdant sa foi, le vieux demeure pieux
C’est aussi à défendre –
Car quand le diable est plus fidèle que les dieux
On n’a plus rien à craindre.

Lorsqu’on s’entiche par ennui, faute de mieux
On finira par feindre ;
Lorsque le con est vertueux, le ton vicieux
Le dégât est bien moindre –
Car quand le ventre mou est plus grand que les yeux
On a envie de rendre.

Lorsque la vérité s’attaque au corps, spongieux
Pas sûr que tout s’effondre ;
Lorsqu’elle l’envahit, tels des vers insidieux
Il vaut mieux se détendre –
Car quand, l’heure venue, l’âme s’envole aux cieux
N’en restent que des cendres.

5 Février 2023

vendredi 27 janvier 2023

vendredi 20 janvier 2023

Joli nez rouge

Pas plus tard qu’hier, j’ai eu affaire à une très jeune trotskiste –
J’étais tout content qu’il en existe encore.
Il faisait froid, je n’étais pas bien couvert en ouvrant la porte ;
Elle si, emmitouflée sous un bonnet qui lui allait à merveille.

Si elle avait sonné, c’était pour distribuer des tracts –
J’étais tout content qu’on en imprime encore.
J’ai tenté de lui dire des choses, mais elle savait déjà tout.
Dans ces cas, l’échange devient quelque peu illusoire.

Puis, sous son joli bonnet de militante, le nez rouge –
J’étais tout content que j’arrive encore à m’en émouvoir –
Elle insistait à m’appeler « monsieur » au lieu de « camarade »
Bien que je lui eusse conseillé de lire Marx au plus près

Car ces jeunes qui croient tout savoir
Ne savent même plus comment parler aux vieux.
En effet, me suis-je dit, l’histoire bégaye et se fait farce
Étant moyennement content que les mots du maître se vérifient _______________________________________encore.

19 Janvier 2023

jeudi 19 janvier 2023

Eine Gewissensfrage

    Ich sehe häufig einen Herrn erscheinen
Er sieht mir etwas ähnlich im Gesicht
Und könnte glatt entfernt mit mir verwandt sein
Doch übertreiben wollen wir es nicht:
    Es ist an ihm auch einiges recht anders.
Er ist mir strenggenommen richtig fremd
Und interessiert wohl niemanden besonders
Der alte Mann in seinem Unterhemd.

    Es käme mir durchaus nicht ungelegen
Wenn er nicht stets, hab ich im Bad zu schaffen
Auch einfach so vor meinen Spiegel träte
Doch scheint er viel im Leben nicht zu raffen:
    Er wird aus Einsamkeit Gesellschaft suchen
Schweigt mich jedoch hartnäckig an, wirkt völlig
Kontaktunfähig, es ist sture, pure
Aufdringlichkeit, mit der er mich behelligt.

    Ich fragte mich schon: Soll ich ihn verscheuchen
Und meinen Beckenspiegel abmontieren?
Hab aber kaum noch Freunde und befürchte
Damit auch noch den letzten zu verlieren.

15. Januar 2023

mardi 17 janvier 2023

Trois variations d’après Thomas Hardy

1. Faithful Wilson

N’ai-je pas épousé le plus beau cul sur terre ?
S’excite son mari. Calme ta joie, pépère !
Se dit l’ancien amant, car ces divines fesses
Sont fatiguées, ils sont bien loin, leurs jours d’ivresse.
Sauf qu’un fidèle époux doit refuser d’admettre
Que l’inconstance même puisse disparaître.


2. We say we shall not meet

Nous ne nous verrons plus
Sous d’aussi cléments cieux !
Nous disons-nous, le cœur
Lourd lâchant un adieu.

Nous nous moquons de cet
Adieu mélancolique
Quand l’ami regretté
D’aventure rapplique.

Nous nous donnons congé
Sans trace d’effusion
Partant pour nous revoir
Lorsque c’est pour de bon.


2. I look in her face

    Je lui ai dit en face :
Chante-moi ta chanson
D’amour comme autrefois –
    Je voudrais bien l’entendre !
Elle restait de bois.

    Alors, si ça te lasse
Lui ai-je dit, changeons :
Chante-moi tes chagrins !
    Rétive à se répandre
Elle n’en soufflait rien.

    Fallait que je me casse
Pour percevoir des sons
Lointains, mêlés de mots
    Trop bas pour les comprendre
Surgissant d’un caveau.


17 Janvier 2023

dimanche 15 janvier 2023

Winter

Es sollte manchmal Winter sein im Leben
Bin sonst um das Naturerlebnis gebracht
Es sollte Schnee gefallen sein in der Nacht
Erwachend zu erlauschen an der Stille.

Vorahnend sollte ich zum Fenster treten
Berührt von Spuren im vollendet Schönen
Sollte die Stirn ich an die Scheibe lehnen.
Doch fiel kein Schnee. Noch fehlte mir der Wille.

Alterslos liegt das Dach mit bleichen Ziegeln
Dass mir im Anblick des Unüberschneiten
Gewahr wird: Nur, was nicht ist, kann beflügeln

Und vor dem nackten, sturen, zeitbefreiten
Dem stumpfen Stets ich ihn erkennen muss:
So also sieht er aus, der Tod, der Schluss.

12. Januar 2023

dimanche 8 janvier 2023

Pure Pursuit of Happiness

1. Small World

You were afraid of landscape: too much green;
I didn’t mind that much about the size.
Immensity or thumbnail on a screen –
Who cares while colors match proportion-wise?

Tiny or vast, a view is quite a view
The grand stays great, as nutshell or unfurled;
Suspicious of the scale queens, me and you
Had them nearby, them wonders of the world.

Put into meter, ancient rhyme and all
One could call our rare outings sham or lie
But nature’s bliss-compartments have no wall
Only still waters mirror open sky

Trouting enough to cast the modest lure
And bait our best of life in miniature.


2. Rast und Unrast

i.

Es gibt nervöse Tiere und ruhige.
Die nervösen sind quasi von ihrer Natur her nervös
Die ruhigen von ihrer Natur her ruhig.

Ist das Raubtier ruhiger als das Wild?
Es hätte einigen Grund dazu, doch auch Wild
Grast ruhig, solange kein Raubtier droht.

Du, Raubtier und Wild, grasest oft grundlos fickerig
Du zitterst auch dann und läufst plötzlich davon
Wenn keinerlei Gefahr naht.

Andererseits
Wartest du meistens nicht stundenlang reglos
Auf deiner Jagd.

Ist es eitel Vorfreude oder ständige Furcht
Was so erregt, wenn man sich unschlüssig ist
Ob man zu den Räubern oder zur Beute gehört?

Was geht bloß so viel an Unnützem
In einem vor
Um das nicht zu wissen?


ii.

Ich wollte nie in Urlaub fahren
Ich wollte stets im Urlaub sein
Und nun, nach all den langen Jahren
Im Urlaub fährts in mich hinein:

Ich hätt in Urlaub gehen sollen
Wie es die andern Leute tun.
Immer im Urlaub leben wollen
Ermüdet ohne auszuruhn.


8. Januar 2023

jeudi 29 décembre 2022

 Connivence et hantise

Incident de rame. Après avoir charrié des enquestres, le chagrin me courbant le dos par-dessus le marché, totalement lessivé au retour, une fois poussé dans le métro j’y ai adroitement piqué la place à une vieille, une vielle aussi vieille que moi je suis vieux avec mes douleurs. Plus de galanterie de nos jours, qu’elle s’offusqua. Mauvais argument. Pas assez de parité, ça oui, mais finies les massues dantan. Ayant trouvé, elle aussi, où s’affaler, elle me cria, narquoise et triomphante : Belle revanche ! Un jeune con, assis en face, se poilait, se solidarisant, le gigolo, avec la veille, mais sans avoir cédé son siège auparavant. Bon, je me suis défendu en échangeant des vues avec une petite Africaine à côté de moi, une jolie petite Africaine dotée comme toutes les Africaines de la fibre sociale et comprenant tout de suite lorsqu’on s’explique sur ce plan-là – sur le plan des hernies, disons – une fort jolie petite Africaine naturellement experte en psychologie qui rapidement, humainement, s’est rangée de mon avis. J’étais près de tomber amoureux. En effet, belle revanche. Merci, la vieille, merci, le deuil.


Le solitaire n’est pas seul
Quand compagnie lui fait défaut
Seulement le seul en ressent l’absence.

La solitude est imposée
La solitarité, choisie
Mais l’une peut parfois entraîner l’autre.

Même le solitaire doit
L’apprendre lorsque brusquement
La solitude se présente à lui.

Tant que tu ne mords pas dedans
Ce fruit te paraît une pomme
Mais c’est un coing, petit, un coing d’enfer.

29 Décembre 2022

 [Nature morte avec enquestre (exemple). Heinrich Zille, vers 1900]

mercredi 28 décembre 2022

Enfin

On a fini par inventer les outils.
C’est pratique, un outil :
Avant, on ne pouvait pas faire grand’chose –
Le poing est trop mou pour enfoncer un clou
Et l’ongle se casse avant qu’il ne le chasse –
Mais depuis, les possibilités sont parties en flèche.

En même temps, les outils ont fait séparation :
Ceux qui se servent d’un marteau
Et ceux qui se servent d’une calculette
Et ceux qui se servent uniquement de leur cerveau
Tout cru, à l’ancienne, comme des bêtes
Ils s’opposent de multiple façon.

On aurait mieux fait de ne pas les inventer
Sauf que le cerveau s’y refusait : hélas conçu
Pour s’activer, et s’activer aveuglément
Le chéri se croit le nombril du monde
Tout en prenant ses inventions pour mineures
Car c’est lui l’outil par excellence, implacablement rêveur.

Les uns et les autres, désormais
Ils se comportent comme prédateurs et proies :
Au revoir, paradis
Bonjour, outils.
Enfin, on semble avoir tiré les conséquences.
Encore de la malédiction.

Sous la surface de la courtoisie :
Hostilité.
Tout se paye.
On se défend bec et ongles, on ne
Pardonne rien. Rien. Rien. Sinon, on se sent lésés.
Devoir payer pour tout, c’est ça, l’échange.

Cette vision très noire du monde, d’un monde d’égalité
Est surtout celle des classes laborieuses, élevées à la dure
Auxquelles l’existence a vite désappris toute fraternité
Jouissivement hostiles envers l’autrui accessible
Et souvent même dans le couple
Et même entre les générations d’une même famille.

Toi qui étais toute différente
Tant que tu faisais écran, je ne m’en rendais guère compte
Je ne le savais qu’en théorie, c’était trop lointain
Ta bienveillance toute proche rachetait tout, j’étais sauvé
Comme un enfant qui sous l’égide de sa mère
Peut vivre comme on rêve avec son petit cerveau excité.

Tu m’agaçais, affirmant qu’il ne sert à rien, mon marxisme
Qu’il ne faut simplement pas être comme eux.
Toi qui étais toute différente, généreuse, heureuse.
Issue du monde réel, d’une certaine façon, tu savais donc
De quoi tu me protégeais.
Souriante à tous, tu le savais.

Sur ce point, on était en désaccord. Et là
On ne me pardonne même pas d’avoir été aimé par toi.
Quelle conne, celle-là, de le couver ainsi !
Maintenant que tu es partie, on se venge
On en profite. On arrive à m’atteindre.
Enfin, leurs frustes marteaux montrent leur efficace.

28 Décembre 2022

mercredi 21 décembre 2022

Le oui et le non sont inséparables

Elle s’est faite enterrer dans sa robe de mariage
Impossible de ne pas s’en rendre compte.
Je ne sais même plus ce que je portais à l’occasion ;
Pourtant, on se fichait du jeu de rôles.

Avant, malade, elle souffrait physiquement, moi pas.
Quoiqu’en permanence auprès d’elle, je n’ai pu comprendre
De manière intime la dimension de sa souffrance ;
Je ne me sentais pas mieux portant pour autant.

Sinon, elle était d’un naturel bien plus heureux que moi
Impossible de ne pas le remarquer à chaque instant :
C’était son attitude face à la vie, indépendante de tout.
J’espère toutefois d’y avoir un peu contribué.

La séparation, foudroyante, ne fut pas
Le résultat d’un processus, sa perspective
Au lieu de nous détacher, nous soudant en un
Seul bloc inséparable, et néanmoins à la fin éclaté.

21 Décembre 2022

samedi 17 décembre 2022

Religion

„Und mittlerweile, blöde zurudernd / Die eigene Wenigkeit.“ Vorwelt, Nachwelt
 
      Die Frage nach dem Warum stellt sich häufiger
Bei den anderen, als bei einem selbst.
Warum haben sie das nur gemacht?
Hat ihnen die alte Küche denn nicht mehr gepasst?
Ihre neue ist auch nicht schöner, ganz im Gegenteil.
      Sich selbst stellt man meist keine solche Fragen, alles
Ist so offensichtlich
Wie der eigene Herrgott
Und letztlich auch so unvermittelbar
Irgendwie gnadenlos logisch.
      Gloria in excelsis cui? Begegnet man allerdings
Berühmtheiten, haben die eine regelrechte Aura um sich:
Weil man ihr Erscheinungsbild so gut kennt
Stimmt alles bei ihnen. Alles muss so sein, man
Hat schließlich wiedererkannt.

      Ist der charismatische Onkel, den ich so gut kenne
Etwa auch von einer Aura umgeben
Wenn ich ihn mal treffe?
Kaum. Nur bei öffentlicher Bekanntheit wird sie entwickelt
Die seltene Privataura zeichnet allein die wirre Sekte aus:
      Kein Gesunder ist privat heilig, auch nicht der Würdigste;
Fremd und doch bekannt zu sein, banale Prominenz –
Das verlangt die Aura, mein Kind. Die anderen, die anderen...
Bei wahren Göttern ist es ebenso; Privatreligion ist zwar
Möglich, doch ersetzt dann die Liebe den Nimbus.
      Hätte ein unbekanntes fleischiges Körperteil der Berühmtheit
Sähen wir es nackend geoffenbaret vor uns
Etwa auch sofort Aura, und gar im Übermaße
Des aufgesprengten Himmels, oder ist diese nun einmal
Auf das öffentlich Bekannte, der Gottheit hageres Antlitz beschränkt?

      Warum hat die strahlend hergerichtete Küche der Freunde, dieses
Neue Testament, denn so gar keine Aura?
Müssten wir etwa bei Berühmtheiten eingeladen sein
Um deren Renovierungswunsch nachzuvollziehen zu können?
Ist sogar das Moderne auratisch, sobald allgemein bekannt?
      Des Überlegens ist kein Ende
Davon lebt Religion
Mehr als von Gründen
Denn die sind höchstens privater Natur
Und keine Kollektivleistung.
      Man muss an den Strahlenkranz glauben
Aber auch Gründe dafür haben –
So widersprüchlich geht es zu
Und dennoch streng und dogmatisch
Bei der Frage nach dem letzten Warum.

15. Dezember 2022

vendredi 16 décembre 2022

Versagen und Versagtsein

1. Goethe (Andante con moto)

Es dichtet immer mit der eigne Schatten
Es hungern geistig immer mit die Satten:
Wär Goethe ewig unbekannt geblieben
Dann hätt er auch was anderes geschrieben;
Des großen Meisters unverfasste Werkchen
Sind deshalb vielleicht leider auch die Stärksten.

Bleibt unerlebt das Nichtigkeitserlebnis
Enttäuscht sogar bei Goethe das Ergebnis.


2. L’éraste chaste (Allegro giocoso)

L’orgasme est un spasme
Ce qui en découle, dessoûle
Car le plaisir contredit le désir.
Ainsi, le vrai porc jamais ne la sort
Pour garder sa trique à jamais lubrique.

D’autres, innocents, y renoncent, et foncent.


3. Rife With Ripeness
(Larghetto)

Oh hoary boy
There is attrition
Seething underneath
The moral light of lightly.
Challenging youth’s ambition
I’d have that rusty sword unsheathed:
Renouncement. It’s the weapon of the sprightly.


December 16, 2022

jeudi 15 décembre 2022

Aftermath Apparition

Slightest of my slight ideas
Pour down teasing now and then
Farthest of my nearest dears
Do befall me once again.

There’s no flesh behind the silvering –
Mirrored, flat out spread is one
On cold surface, shivering
Yet, with fever, carnally wan.

Heard light steps, then heard it faintly
Whisper, even through that door:
I shall hang on somewhat saintly
But not enter anymore.

I shall join you up behind it
None the worse for wear, quoth I.
Mirrorwise we’ll end up blinded
And, opaquely, unify.

December 15, 2022



 

mardi 29 novembre 2022

Horizonte

Lieg noch im Bett und dichte.
Es soll auch Leute geben
Die aufrecht was erleben
Worauf ich gerne verzichte.

Viel lieber bleibe ich liegen
Und schau mir vom Bett an die Sterne
Und weiß, die andern lügen:
Sie sehn sie doch auch nur von ferne.

Ich nähre mich nun von Vergangenheit
Hortete davon in rauen Mengen;
Was ich so liebte in der Zeit
Beginnt erneut sich aufzudrängen.

Ist der begehrte Leib verschwunden
Bleibt, ungestillt, das Begehren
Sich in späteren – stilleren – Stunden
Noch lange danach zu verzehren.

Es sind erregende Situationen
Die ständig auferstehn, wie eingebrannt
Als würd sich das Leben nur lohnen
Im Kosmos des Sehnens, dem Wiederkehrland.

Was wiederkehrt, kehrt schweigend wieder
Es kann nicht mehr anders kommen
Sinkt in einsame Klausen hernieder
Von Gloriolen umglommen.

Beherrscht wird nur das, was entgleitet
Begriffen, was nicht mehr zu greifen
Es fällt wie der Schnee, wie das Reifen
Auf die Nacht vorbereitet.

28. November 2022

 

lundi 28 novembre 2022

Vom Niedergang

„Des großen Rades Talfahrt ward nicht kleiner.“
Loerke, Symbol
i.

Was für einen Schenkelknochen
Ich gehalten, hat der Fachmann
Mir erklärt als Zehenglied.

Fünfzehn Meter muss das ganze
Tier schon lang gewesen sein, und
Aufgebäumt auch fast so hoch.

Fänden wir noch mehr Gerippe
Könnten wirs zusammensetzen
Doch die Chancen stehen schlecht.

Mächtig stünds vor unsren Augen
Drohend aber nur vor Größe
Denn sonst ausgesprochen klapprig.

Kommt auch nur ein leichter Wind auf
Bläst er sowas auseinander
Und verteilt es viel zu weit.

Es ist traurig: solch ein Riese
Sagte ich, und nichts geblieben
Außer einem Zehenglied.

Immerhin ist es uns möglich
Sprach der Fachmann, allein dadurch
Uns die Vorzeit vorzustellen.


ii.

Die zarte weiße Blüte fällt
Es kommt dafür die dicke rote Frucht.
Wer das für Fortschritt hält
Weiß nicht, wonach er sucht.

Soll er sie pflücken, soll er sie
Halt stopfen in den Mund. Hinein! Wonach
Zu suchen, gibt es nie;
Es fiel, bevor mans brach.

De la déchéance

i.

Ce que j’avais pris pour un fémur
N’était en effet qu’une phalange
M’expliqua, serein, le spécialiste.

La bête a dû faire quinze mètres
De longueur, et une fois cabrée
Presque autant de mètres de hauteur.

Si nous trouvions d’autres ossements
On pourrait l’assembler en entier
Mais c’est peu probable en vérité.

Majestueuse elle se dresserait
Mais seulement menaçante en taille
Car sinon plutôt bringuebalante.

C’est qu’un tout petit vent suffirait
Pour la faire voler en éclats
Ensuite éparpillés bien trop loin.

Quel dommage, fis-je, un tel géant
Dont ne nous est parvenu plus rien
Hormis la phalange d’un orteil.

Pour le moins cela nous rend capable
Répondit l’éminent spécialiste
De nous faire une idée du passé.


ii.

La si tendre et blanche fleur
Chassée par tel fruit épais :
Qui y voit du progrès
Ne connaît pas son cœur.

Qu’il le tâte, qu’il le prenne
Qu’il le foute dans son four –
Ce qu’on veut part toujours
Avant qu’on ne l’obtienne.


26 Novembre 2022

lundi 14 novembre 2022

Gash and So

Deine Krankheit wird allmählich Teil meines Innern, und dass du sie nicht überstanden hast, zu einer jener geschichtlichen Gegebenheiten, ohne die sich die Welt überhaupt nicht mehr vorstellen lässt. Aber wie diese Katastrophe niemals akzeptiert werden kann, so auch deine Abwesenheit, weil sie nicht begründbar ist, weil sie nichts bewirkt hat, was sie irgendwie rechtfertigen würde – man hofft ja stets, dass einen etwas „vorwärtsbringt“ – sondern grundlos war und auf immer bleibt.

         Parfois le sexe de la femme est comparé à une blessure
Mais ce n’en est pas une, il n’a pas vocation à se refermer.
Le deuil qui reste ouvert
Est une blessure comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne jamais se fermer
Il ne guérira pas
Il restera éternellement blessure
Mais blessure qui n’en est pas une.

        Parfois le sexe de la femme est assimilé à une bouche
Mais ce n’en est pas une, il n’a pas vocation à causer.
Le deuil qui reste muet
Est une bouche comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne jamais parler
Il se passe de paroles
Il restera éternellement bouche
Mais bouche qui n’en est pas une.

        Parfois le sexe de la femme est rapproché d’un gouffre
Mais ce n’en est pas un, il n’a pas vocation à vraiment engouffrer.
Le deuil qui reste un vide
Est un gouffre comme ce sexe.
        Dire que mon deuil a tout du sexe féminin
Rassure à la longue :
Il a le droit de ne rien faire disparaître
Et sera en manque à jamais
Il restera éternellement gouffre
Mais gouffre qui n’en est pas un.

14 Novembre 2022

samedi 5 novembre 2022

Es war uns von Natur

Es war uns von Natur beschieden
Stets dasselbe zu begehren
Was ein Glück ist hienieden
Sollte es währen.

Was wir am Sehnlichsten wünschten
Blieb uns verwehrt
Doch, es gemeinsam zu wünschen
War uns beschert.

Hätten wir anderes ersehnt
Als ein und dasselbe immerfort
Und uns ans Versagtsein gewöhnt –
Wir wären verdorrt.

30. Oktober 2022

vendredi 21 octobre 2022

Aweliuth

Auswandern kann einer, keiner muss, wo er geboren
Stetig verweilen, doch wird ihm im Leben ein anderer
Körper zur Heimat, weil alles dort stimmt, ist der Wanderer
Wenn er ihn plötzlich verliert, plötzlich völlig verloren.

Gut möglich ist es, sich ganz einzuleben ins Fremde
So wie man schnell eine andere Sprache erlernt
Nicht aber, dem Heimatleib, der sich einem entfernt
Anders zu folgen als mit seinem eigenen Ende.

Wüsste ich, wo du verblieben, ich holte dich heim
Doch keine Erde, kein Grab ist mir heimisch so sehr
Dass ich dich finden kann, suchen kann ich nur am Meer
Auf das wir immer hinausschauten als ein Daheim.

Mehr noch als Blicke aus nahen und ruhigen Augen
Fehlt das Gefühl, in den Mutterschoß zurückzutauchen.

21. Oktober 2022

dimanche 9 octobre 2022

Voix

Telle une voix
Tu flottes dans l’air
Tu es intouchable
Tu es la plus présente
Entourée de silence.

Tu as beaucoup enregistré.
Si je voulais, je pourrais entendre ta voix des heures durant
L’entendre parler, lire, chanter
Mais je ne le fais pas
Je n’ouvre pas les écrins qui la contiennent
Je n’ouvre que les écrins qui contiennent tes bijoux
Puisque je peux les toucher.
Ça ne peut pas aller plus loin :
Le Saint des saints, on n’en déchire pas le rideau
On attend de plus haut de le faire.

Ta voix s’est faite voix
Et n’importe laquelle, tienne ;
Nulle autre ne saurait porter plus loin.
Nulle autre ne saurait retentir aussi longtemps.
Je tendrai l’oreille jusqu’à ce que ta main m’effleure.

9 Octobre 2022

mardi 13 septembre 2022

Guérir comme un chien

Un chien n’est pas médecin
Il n’a pas fait d’études
Il ne connaît qu’une seule méthode pour soigner
Et puisqu’il aime son maître
Il va sentir avec sa truffe où il a mal
Pour le lécher à l’endroit précis.

Il arrive toujours à trouver, et il sait par nature
Qu’il faut lécher.
Si tu es amoureux, il n’y a pas non plus trente-six remèdes :
Il faut embrasser, sortant la langue sans rien dire
Pour faire partir n’importe quelle douleur.
Je me soigne désormais moi-même

Là où je peux
J’use de la salive, il n’y a rien de mieux.
Je suis seul, je ne l’ai pas su d’instinct comme un chien
Mais si je n’ai plus personne pour s’occuper de moi
Ce n’est pas très grave
Car avant, j’avais quelqu’un pour m’apprendre.

10 Septembre 2022

mercredi 31 août 2022

L’ange de propreté

La sagesse des anciens oblige le veuf
Elle lui dit : Fais de sorte que...
Promène-toi en ville en type digne mais sans trop
Ne tire pas ta gueule de circonstance

Mets-toi un faux nez sur le nez et joue au clown
Tout est mieux que de rester seul.
La sagesse des anciens est une sagesse sage
Il faut lui reconnaître des vertus

Mais qui croit se porter bien ne consulte point
Il n’en voit pas l’intérêt.
Ce n’est pas la souffrance connue
C’est un tout nouvel effroi qui te fait courir chez le docteur.

*


Je me lève tard tout seul
La cuisine est dans un état toute seule
L’aspiro est au chômage, la lessive attend, le lit reste défait tout seul
Je ne me rase plus guère, j’endosse toujours les mêmes trucs

J’ai l’estomac tout barbouillé tout seul –
Serait-ce une raison ?
Je tire la gueule que je veux
Je me promène en type digne mais échevelé

Je joue parfaitement au clown comme la loi me le prescrit.
Car il n’y a pas seulement le clown blanc
Il y a aussi l’auguste cracra
Le clown sans toi.

30 Août 2022

mardi 30 août 2022

Two Posthumous Sonnets

1. Cemetery Birds

Birds live in trees and sometimes you may see
Through leaves some feather color of the sky
And when they quit a twig, it quivers. My
That’s all there’s to it since eternity.

Do I watch birds, I judge we weigh too much
We should be just as lightsome as they are
This morbid overweight has led too far
Once faced with birds, I suppose we should be such.

We didn’t want to have us burned despite
The truth that soft flesh, not stiff bone had made
Us rise and stand and love, barely afraid
To leave for a brief spell this uterine night.

Do I consider you down there I think
Of cemetery birds as our closest link.


2. Walls

Your love perfused the bricks where it remains
To keep the house alive, its walls in place.
Sheltered, comforted, windowed by your face
I put my trust in cracks and water stains.

Inside grows outside throughout life, somehow
A skeleton of everlasting youth
These narrow walls form an adventure booth
And hamper less than what they dare allow.

Back then, we had no brickwork to dissever
No cold nor mold to keep us close and tight
Both bathing in one same natural light
Secured by this dear falseness of forever.

Walls look like beacons when so full of past.
I poke in bearings that went out too fast.


August 29, 2022

mercredi 24 août 2022

Vom geneigten Ohr

Ça prend facilement le temps d’une vie de parvenir à amener quelques braves à bien vouloir prêter un minimum d’attention aux élucubrations du contemporain. Je paraphrase là le bon docteur Williams, poète moderniste à ses heures. Mais c’est valable partout. Quasiment rien de ce que je me permets d’élucubrer est compris. Et pourtant ce sont le plus souvent de pures évidences, il me semble. Celle qui les avait pigées sans faute a dû s’en aller, et s’il n’y avait qu’une en fin de compte, c’était elle. Trop longtemps, je ne savais pas qu’il fallait tant d’abnégation pour porter ne serait-ce qu’une once de réel intérêt aux dires du prochain, écartant violemment l’idée que pour jouir de ce privilège, il fallait d’abord se faire aimer.

Hab den ganzen Tag verschlafen
Hab die ganze Nacht verträumt –
Hab ich etwa was versäumt?

Will mich selbst doch nicht betrügen:
Seh mich doch im Loch schon liegen
Zugescharrt und weggeräumt.

Hab doch noch das Häuflein Erde
Das mich zudeckt wie ein Freund
Der es immer gut gemeint

Ohne mir groß zuzuhören
Oder mich auch nur zu stören
Hab ich Tränen nachgeweint.

22. August 2022

vendredi 19 août 2022

Bhakti domestique

i.

Rien à faire
Tu ne voyais pas de différence
Entre une machine à couper le pain et une scie circulaire.

Hors question d’en acheter une.
Que toute cuisine allemande en soit pourvue
Ne la faisait pas moins dangereuse à tes yeux français.

Comment te faire changer d’avis ?
J’avais beau poser un doigt, mettre en marche
Puis montrer à l’ahurie que ce doigt était resté indemne.

J’ai dû me faire une raison :
Tu avais toute confiance en moi mais pas d’yeux
Qui auraient pu se laisser convaincre par la simple évidence.


ii.

Sans prêtrise ni office
Point de culte fait maison –
Ressentir, rite ou raison
Ont leurs lois qui les régissent.

Sortilège ou artifice :
On s’en foutait des prémisses
De l’acte cérémoniel
Ou du numéro du ciel.

Préférer l’amour au rite
L’émotion à la raison
Fait de l’émotion un rite
Et d’amour une raison.


17 Août 2022



jeudi 18 août 2022

She knew

Je me rattrape.
C’est que, de ton vivant, je ne t’ai jamais écrit de lettre d’amour, pas une seule si je me souviens bien, même pas au début, ce n’était simplement pas mon genre. Toi, qui le savais, tu me laissais plein de petits mots, de minuscules déclarations d’autant plus grandes, parfois cachées dans un récipient. Tu ne les gribouillais pas pour ça, mais j’étais très ému lorsque je les découvrais, et je les redécouvre encore, et j’en suis encore ému, remué par ta préparation à rester à mes côtés au-delà de la mort.
En ce sens c’est bien fait que tu sois partie en premier, car si c’était moi le mort et toi la vivante, tu n’aurais rien à te mettre sous la dent en tant que message d’outre-tombe. Quelle tristesse quand j’y pense.

She knew wee ways to tell her truth
I knew just one I guess
I wouldn’t call myself uncouth
But I knew so much less.

Had I the knack to tell things ere
The cherished ears are far
I would comply, but to be fair
I’m rarely up to par.

Whoever prays: Come, stay around!
Foreknows what fate will bring:
There stays a song of bitter sound
When it’s too late to sing.

August 14, 2022

mardi 9 août 2022

Trop tard

Ma bibliothèque, assez substantielle, contient pas mal de livres que je n’ouvre presque jamais, et si je le fais, c’est pour les refermer quasiment aussitôt. Ce sont notamment des œuvres d’illustres poètes trop survoltés à mon goût, parfois morts jeunes, d’excitation. Je me dis que peut-être un jour me parleront-ils, on ne sait jamais, ils cesseront peut-être de m’agacer, et je leur pardonnerai leur grandiloquence agitée, leur vanité, leur égocentrisme, leur jeunesse en somme. On devient plus indulgent avec l’âge, des portes s’ouvrent, même sur les gigotements de l’emphase. En même temps, je crains qu’il ne soit trop tard. C’était surtout toi qui me poussais à être généreux envers le flot de paroles qui caractérise l’immaturité. Pourtant, tu étais comme moi, tu avais à cœur d’être sobre et réfléchie en ce qui concernait toi-même. Mais tu avais les réflexes, ou plutôt dons, d’une mère.


Beauty that doesn’t serve any purpose
Is unpleasant to the learned eye
She cloys the mind.

Few have enough purpose in beauty
To satisfy both the learned and the unlearned
But they do shine wherever they set foot on this earth.

By chance, vacuous glitter comes blinded
By her own dazzling might
A scanty skill.

Miserable and ashamed
She would curl up and die, but so
She may keep delighting the happily ill-educated.

Confiding eyes are easy prey:
The plain view of you
Has honed mine.

August 9, 2022



samedi 6 août 2022

Encore

i.

Chaque nuit, je me couche dans un lit vide
Un lit toujours à deux places, et
Chaque nuit qui viendra, je m’y coucherai.

Si ta mort a arrêté ma vie, elle ne l’a pas arrêtée :
Je me couche, je vis
Une vie arrêtée qui ne l’est pas

Une vie sans carburant, je me couvre, elle
Tourne à vide, le moteur éteint, en descendant
De plus en plus rapidement la pente.

Arrivé en bas, elle s’écrasera
Mais morte depuis un moment.
Je m’endors pour me réveiller pareil.


ii.

[On peut prononcer des mots qui ne veulent rien dire, c’est même courant.
Ils ne veulent rien dire parce qu’ils non pas le désir d’exprimer quelque chose, il leur suffit d’être dits, ils sont un peu narcissiques, ils veulent être le bruit de la pluie qui est censé être beau et signifier quelque chose du simple fait de sa beauté, ce qui, pour des mots, est subtilement décevant, et à vrai dire assez con.
Quand nous étions ensemble, nous échangions au possible des paroles voulant dire quelque chose car tel était notre plus naturel désir. D’habitude, il ne nous suffisait pas de prononcer celles à la beauté du bruit de la pluie, ou de parler rien que pour la beauté du geste buccal, voire d’inventer de ces mots décidément poétiques. Tous les deux, on était rigoureux en ce domaine : point de poésie inutile. En compensation, nous nous racontions plein d’histoires vraies, c’était ça le truc.
Tu es partie, je ne parle plus qu’à moi-même en voulant exprimer quelque chose. Je me trouve assommé de calembredaines, je m’en sens tout seul, et très con.]

Noch oder darüber hinaus
Wenn es eigentlich unnötig ist
Wenn es zu spät ist
Aber dennoch, immer noch
Noch als ob
Aus reiner Unfähigkeit nun.


6. August 2022

mardi 2 août 2022

Sur un tombeau égyptien

Tu n’es pas partie seule dans ton tombeau
Tu y as emporté des vertus qu’ont eu d’autres
Toi descendue, ils les ont soudainement perdues
Comme si ç’avait été toi qui les leur avais conférées.

Telle une reine d’Égypte
Tu reposes entourée de ces qualités
Offrandes funéraires plus précieuses encore
Que les merveilles dont on use dans la pénombre des palais.

Je suis resté veuf, privé non seulement de toi, mais
Aussi des vertus de certains, paumés sans toi :
Pour comble de misère, j’ai dû découvrir
Les réelles dimensions de ton âme.

Tu n’as pu t’en aller
Sans entraîner avec toi
Le meilleur de ton cortège
Tant tu étais plus que toi-même.

2 Août 2022 


 

jeudi 21 juillet 2022

Having Become the Soul of a Song

Ce n’était pas mon idée, ni la tienne
Loin de là, mais
Tu y es maintenant, et au cœur même.
Il faut être jeune pour comprendre de travers
Il faut être jeune pour ne rien comprendre
Mais si nous n’avions pas été jeunes
Nous ne nous serions même pas arrêtés.

Quand on se croise en station
Le tour est joué
Et pourtant, peu sont ceux qui le font éveillés :
Faut s’arrêter nulle part, au petit bonheur, en pleine nature
Avec, autour de soi, rien que la nature
Pleine d’oiseaux et cetera, sous le soleil ou pas.
Puis, il vaut mieux ne rien comprendre.

Ce n’était pas mon idée, ni la tienne
Loin de là, mais pétales
D’un rameau
, on s’est voletés autour, sans raison apparente.
La nature du transport, pas de nuages là-bas
C’était l’été ou l’hiver, je ne me rappelle plus –
Une fois qu’on était arrivés sur le trajet
Le tour était joué, ma belle morte.

21 Juillet 2022

mardi 19 juillet 2022

Des pieds et des mains

i.

J’ai hérité d’elle tout un stock de produits pour les pieds : pieds secs, fatigués, crevassés, autrement abîmés, froids. Je ne les ai guère utilisés de son vivant, sauf quand elle s’occupait des miens ; dans ces cas-là, rien à faire, j’y avais droit. 
Ses pieds étaient son trésor, pieds qui parcouraient inlassablement des distances énormes en ville, nécessairement en ville, Montreuil-Levallois aller-retour par exemple, et pas par le chemin le plus court. Je marchais moins, je chérissais moins mes pieds, je chérissais, moi aussi, les siens, très beaux du reste, à l’instar de ses mains. Ses pieds de marathonienne en ballerines, presque toujours en ballerines. Ses pieds de mine de rien.

Qui a des pieds comme ça
N’a pas de souci à se faire, ce sont
Des pieds pour partir tôt et revenir tard.

Moi, j’ai tant aimé te voir partir, trop heureux
D’attendre ton retour sûr et certain.
Voilà le secret d’une vie.

Uniquement
Quand ils ne t’ont plus
Permis de partir, tu n’es plus revenue.

Et ce n’est même pas vrai. En réalité, tu es
Partie si tôt, qu’avec de tels pieds
L’espoir est toujours permis.


ii.

Ses mains commençaient à avoir des taches de vieillesse, en rapport avec son teint mat. Je trouvais que ça lui donnait un air de femme rupine, très fortunée, malgré ses bijoux de fantaisie. Je ne lui ai pas dit, j’ai tacitement apprécié. En perdant ses mains de jeune femme, bénie à tout âge elle avait acquis des mains de millionnaire. Et ce millionnariat-là, je l’ai adoré.

Tu avais des mains pour des bagues
Des mains de luxe, d’oisive
Et pourtant, elles faisaient mille choses
Mille choses, et autant de caresses.
Elles cachaient bien leur jeu, ces mains.

C’est que les plus belles sont toujours celles
Qui cachent leur jeu.

S’il n’y avait pas de ces mains-là
Il n’y aurait pas de belles choses faites.
On aurait le luxe séparé de la beauté
La contemplation séparée de la création
Le travail pour soi-même séparé de celui pour les autres.

19 Juillet 2022

lundi 18 juillet 2022

Presque noires

1. Un dernier pas

Τάχα γάρ σε κατακτανέουσιν Ἀχαιοὶ πάντες ἐφορμηθέντες.
                                                                          Iliade, Chant VI, 410

La perte est incommensurable.
Je ne suis plus personne pour le monde.
Bien fait.
Le morts non plus ne sont plus personne pour le monde.
On est partis ensemble en quelque sorte
Je suis déjà auprès de toi –
Toi, sortie, et moi, nié du monde.
Mais je ne le pardonne pas aux vivants ;
Toi, vivante, tu savais me faire leur pardonner.

Par chance, je suis plus malheureux que dégoûté.
C’est en quoi tu me sauves encore.


2. Two Prayers of Commitment

 i.
 
No celebration without liberty.
You taught me liberty
You taught me celebration.
How shall I celebrate from now on?

Continue to free me from beyond the grave, since
Thou desirest and art able to do so.
Whatever future celebration will be thine
Dancing on my side.

Ever so slowly, I’m getting quite used to pray a
Goddess transfigured. 
 
 
ii.

Chaque circonstance où j’ai eu tort
Te blessant par un mot de travers
Maintenant, je la paye très cher :
Au-delà de ta mort, mon remords.

Viens dans mon rêve et rassure-moi
Fais-moi les caresses de ton corps
En pardonnant cet idiot qui dort
Dans sa sépulture, comme toi.

Je ne vais plus jamais te blesser
Je ne serai plus cet imbécile
Et ce sera diablement facile
Puisque tu as dû me délaisser.


18 Juillet 2022

mardi 12 juillet 2022

Fêtes

i.
 
Il m’est extrêmement difficile de faire la cuisine pour moi-même. Je ne fais plus rien de très compliqué, renonçant à la plupart des recettes dites gastronomiques dans lesquelles je m’étais lancé avant. C’est que je n’y vois plus l’intérêt pour moi tout seul. Un copain m’apporte les restes d’un plat élaboré ; normal, il encore sa famille à sustenter.
Qu’on ne me méprenne pas : je ne mange pas mal, je n’ai jamais mal mangé, je me nourris juste un peu moins bien que de son vivant. Elle m’inspirait, j’avais envie de nous faire de bonnes choses. À présent, je m’alimente comestible, point barre. Toutefois,
es schmeckt mir nicht so mehr richtig depuis son départ.
En conséquence, j’ai perdu pas mal de poids. Si je mourrai mince, ce sera donc à cause de toi, ma chérie. Je te rejoindrai mince et beau, et ça sera ta faute, et ça sera la fête, je me vengerai en nous concoctant un frichti d’enfer là-bas, agrémenté des meilleures racines ainsi que de rognures de notre viande faisandée, facilement détachées, puisque nos os au repos, ils seront mieux sans.


Und wäre es wieder wie früher
Und wäre es schön –
Wir würden es wieder gar nicht merken
Und blind weitergehn.

Traumwandlerische Sicherheit
Die Erwachen nur stört.
Glück weiß nicht von sich
Wenn es dir widerfährt.

So war schon das Diesseits, das
Wir unsterblich durchlebten
Beschaffen, dass wir darin
Wie jenseitig schwebten.

[Et si le passé revenait / Et aussi beau qu’avant / Avançant aveuglément / De nouveau, on ne s’en rendrait pas compte. // Ô, funambules somnambules / Ne vous réveillez pas ! / Pendant le temps qu’il est là / Le bonheur ne sait rien, rien de lui-même. // Ainsi, l’univers d’ici-bas / Que nous habitions immortels / Était déjà une sorte de ciel / Tant nous y flottions en suspens.]

ii.
 
Tiens, il me faut quelque chose de positif, quelque chose qui nous sépare. Disons alors : Il n’aurait pas fallu. Tu n’as pas eu le droit. Ton corps, ton joli corps, n’a pas eu le droit de nous faire ça.
Remémorer l’instant m’est trop douloureux, je ne veux même plus savoir, j’étais là, ça doit suffire.
J’ai voulu être présent à tout prix, physiquement inséparable. J’ai pu dire : Tu es encore auprès de moi. Puis, j’ai dû dire : Tu es partie, loin. Les secondes entre les deux sont les plus importantes que j’ai vécues.
Tu n’avais pas le droit, ton joli corps n’avait pas le droit. Je m’arroge le droit de te dire que tu n’as pas eu le droit, et j’attends, ma chérie, que tu me répondes. Sinon, ça sera ta fête ! Je m’attends à des explications circonstanciées, entends-tu ! Tu ne vas quand même pas rester silencieuse face à de telles accusations. Défends-toi, dis quelque chose ! Je suis tout ouïe.

Als du da drin lagst, warst du es nämlich noch.
Selbstverständlich warst du es noch.
Nur der Hauch war gegangen.

Wärst du nur Hauch und nicht auch Stoff gewesen
Wärst du gar nicht gewesen – ich liebte
Beide, man muss beide lieben.

Nun hat der Stoff Zeit
Selbst zum Hauch zu werden.
Er wird es noch nicht geworden sein

Wenn auch bei mir der Hauch geht.
Wir werden uns kaum unterscheiden –
Noch weniger als im Leben, noch viel weniger.


12. Juli 2022

mercredi 29 juin 2022

Présence

Sens fait de non-sens
Présence légère
Pesante présence
Que l’on espère.

Tout perd son vieux poids
Mort dans la lumière
Un arôme à toi
Parfume l’air.

La nuit se fait jour
Mais jour qui s’embrume
Léger devient lourd
Lourd comme une plume.

28 Juin 2022



 

mardi 28 juin 2022

Heureux encore

Heureux encore d’avoir un côté rue et un côté cour
Un côté matin ainsi qu’un côté soir –
Et que ce dernier prime
Désormais.

Heureux encore d’avoir trois étages et des escaliers
Qui, tous, montent et qui, tous, descendent
Et montent pourtant davantage
Qu’ils ne descendent.

Heureux encore que la chambre, au troisième, soit côté soir :
Si j’en laisse la fenêtre ouverte, ce n’est pas
Pour que tu puisses t’envoler, mais
Pour que tu puisses y revenir.

28 Juin 2022


 



dimanche 26 juin 2022

Vignette

Je ne sais pas si la vie d’une moule a ses moments
De grâce, ses joies de perlière et ses désagréments ;
Je trouve l’existence d’un lombric bien plus intense :
Se tortillant du bout, il peut faire ta connaissance.

La moule, fidèle au rocher, le ver qui vagabonde –
Nous, vivants, voyageurs, puis morts, attendant la rencontre
Sans plus bouger, puis moi qui, seul, accomplis mon destin
M’enfouissant et t’attendant accroché, peut-être en vain.

25 Juin 2022

samedi 25 juin 2022

Näher herankommen

1. Glasbruch

Jeder Tag entfernt –
Das ist eine Binsenweisheit
Doch die Dinge überleben das Entfernen
Gerade auch dann, wenn sie sehr zerbrechlich sind.

Jetzt, da du nicht mehr altern darfst
Altern die Dinge für dich, und zerbricht eines
Das mich an dich erinnerte
Erinnert es noch im Zerbrechen und darüber hinaus.

Jeder Gedanke, jeder Einfall, den du hattest, wird heilig.
Du hattest dieses Weinglas gekauft, es muss
Dir also gefallen haben; nicht
Unbedingt ‚mein‘ Stil. Nun ist es heilig.

Wäre es ‚mein‘ Stil gewesen, hättest du mir nur eine Freude
Damit machen wollen; aber dadurch, dass es ‚dein‘ Stil war oder ist
Oder du vielleicht nur meintest, meinen Stil getroffen zu haben
Wird es heiliger als die Heiligkeit, die es erlangt hätte

Wenn du mir nur eine Freude damit hättest machen wollen
Und dir das vollständig gelungen wäre.
Je mehr du dich selbst in etwas offenbarst
Und nicht allein deine Zuneigung zu mir, desto heiliger.

Gingen dir manchmal Gläser kaputt, und waren es ‚meine‘
Versuchtest du stets, sie zu ersetzen, trafst meinen
Geschmack aber nicht unbedingt trotz
Jahrzehntelanger Symbiose.

Du offenbartest dich also unabsichtlich selbst.
Ich hätte dir auf Knien dafür danken müssen
Denn nur dadurch bist du noch so lebendig
Und sei es in einem zerbrechlichen Glas.





 

 

 

 


 2. Roadkill

Ich erschrak.
Es lag etwas mitten auf der Straße.
Ein überfahrenes Tier?
Von Weitem sah es ganz danach aus.
Ich kam näher, es war nur ein Packen braunes Papier.

Es scheint aber keine Sinnestäuschung
Dass es dich nicht mehr gibt
Obwohl ich an die Sache nicht näher herankommen kann.


Venir plus près

1. Bris de verre

Chaque jour éloigne –
Voilà une de ces banalités
Mais les choses survivent à l’éloignement
Et surtout les plus fragiles et vulnérables parmi elles.

Maintenant que tu es interdite de vieillir
Les objets vieillissent pour toi, et si l’un de ceux
Qui me font penser à toi, se casse
À cet instant encore il ne fait que t’évoquer, et bien au-delà.

Chacune de tes idées et trouvailles est devenue sacrée.
Si tu as acheté ce verre à vin, c’est qu’il a dû
Te plaire ; il ne correspondait pas
Forcément à ‘mon style’. Désormais, il est sacré.

S’il avait été ‘mon style’, tu aurais simplement
Voulu me faire plaisir ; mais parce que c’était le tien, ou
Parce que tu t’étais trompée en croyant tomber juste
Il devient plus sacré qu’il n’aurait pu être

Si tu avais complètement réussi dans ta tentative
De me faire plaisir. À mesure
Que tu t’y dévoiles toi-même, et pas seulement
L’affection que tu me portes, tout gagne en sainteté.

S’il t’arrivait de casser de ces verres ‘à moi’
Tu as toujours eu à cœur de les remplacer
Mais sans fatalement taper dans le mille
Malgré notre symbiose de trente ans.

Tu t’es donc dévoilée sans faire exprès, j’aurais dû
T’en remercier en tombant à genoux devant toi
Car c’est pour ça que tu es encore si vivante
Ne serait-ce que dans un verre cassable.




 

 

 

 

 

 

2. Chat écrasé

J’ai eu peur.
Quelque chose gisait au milieu de la chaussée.
Un animal écrasé ?
Vu de loin, c’en avait tout l’air.
En m’approchant je constatais que c’était du papier d’emballage.

Il ne me paraît pas simplement une illusion
Que tu n’existes plus
Bien que je sois incapable de me rapprocher de la chose.


24 Juin 2022

dimanche 19 juin 2022

Cannibalisme et éducation

J’avais hésité, c’est une petite bête tellement mignonne, mais enfin
Je me suis préparé ce lapin qu’on m’avait proposé en réclame.
En y incorporant un peu de moutarde, je pensais à Gretel
Qui le cuisinait à merveille, celui de son fils inclus.
Quel drame, une telle éducation.

Le lapin, Gretel, son fils, morts. Je me nourris de mort.
Tous morts, et toi dans le lot, juste une de plus
Parmi tant d’autres – mais ma morte.
Ma seule et unique, en fait.

Je ne sais plus
Comment vivent les gens
Qui n’ont pas leur morte à eux
Qui n’ont pas subi cette éducation-là.
Je les prends le cas échéant pour des salauds.

17 Juin 2022

 





samedi 18 juin 2022

L’or des pagodes

i.

Ta mort ne m’a pas coupé la parole, elle l’a accaparée.
Plus aucun autre sujet
Que celui consigné pour celle qui ne le lira plus.

Vivante, tu étais ma lectrice
Morte, tu le restes.
Tu restes la destinatrice de mes paroles, rien n’a changé.

Narcissiquement, je te vois par rapport à moi
Mais amoureusement, je te vois par rapport à toi-même
Et aujourd’hui plus que jamais, la mort t’ayant rendue entièrement ___________________________________________à toi.

Je t’observais du coin de l’œil, ma lectrice, guettant le petit sourire
Et l’entr’apercevant, en cachette
Je savais que j’avais réussi quelque chose.

En fait, égoïstement, je pense à ce sourire qui me manque
Lorsque je dis que tu me manques
Petit sourire immense, tout.

Toi toute seule, mais avec un peu de moi –
Comme si le texte avait été retranscrit de ta main
Devenant ainsi le nôtre.


ii.


J’ai le plus grand mal à jeter le moindre bout de papier
Sur lequel tu avais gribouillé quelque chose
Ne fût-ce qu’une liste de courses.
C’est l’écriture qui est devenue sacrée.

On est là au début même des saintes écritures.
On s’en fout, n’importe quoi, du récit sans intérêt :
C’est la main traceuse qui compte
C’est elle qui rend canonique.

Je ne les lisse surtout pas
Ces feuilles pliées et chiffonnées.
Telles quelles, je les mets dans un écrin
Et l’écrin, je l’entrepose dans ma gueniza personnelle.


iii.

Si je souhaite
Que tu reviennes vers moi
Que tu sois de nouveau avec moi
Je ne souhaite certainement pas l’impossible.
Depuis quand le monde obéirait-il à un ordre rationnel ?
Alors, un miracle de plus ou de moins...

Les sortilèges décident ; sinon pas d’explication.
Nous, on n’a jamais quitté l’âge mythique
L’âge homérique, héroïque, fatidique
Baigné de l’or de notre enfance.
Toi vivante, je le devinais ;
Désormais, je le sais.


17 Juin 2022

vendredi 17 juin 2022

Bestioles

Sitôt après ta mort, j’ai vu cette bestiole
Monter le mur, se dirigeant vers la fenêtre ouverte
Et j’étais à peu près sûr qu’elle était ton âme qui s’en allait.

Longtemps, je n’ai plus pu virer aucune bestiole
En me demandant sérieusement si ce n’était pas toi
Qui me visitais sous une forme qui t’était encore permise.

La normalité est revenue.
De nouveau, je claque les moustiques
Mais en m’excusant auprès de toi, au cas où.

Quoi qu’il en soit, me dis-je
Après, tu seras une autre bestiole
Si l’envie te reprend de venir me voir.

Tierchen

Gleich nach deinem Tod erblickte ich dieses Tierchen
Das die Wand hochkrabbelte, dem geöffneten Fenster zu
Und war fast sicher, dass es deine entschwindende Seele ist.

Lange Zeit konnte ich kein Tierchen mehr rauswerfen
Denn ich fragte mich allen Ernstes, ob nicht etwa du es bist
Die mir in dieser dir noch erlaubten Gestalt einen Besuch abstattet.

Die Normalität ist zurückgekehrt.
Ich klatsche zumindest die Schnaken wieder tot
Mich allerdings sicherheitshalber bei dir entschuldigend.

Wie auch immer, sage ich mir
Hinterher bist du dann eben ein anderes Tier
Wenn dich die Lust packen sollte, bei mir aufzutauchen.


16. Juni 2022

jeudi 16 juin 2022

Nachwachsen und anschauen

i.

Das Lebendige wächst nach
Das Tote nicht.
Die Toten bleiben Tote;
Was nachwächst, sind Lebendige
Die allerdings Toten nachwachsen.
Man versteht es nicht so recht.

Ich wachse dir entgegen –
Mehr kann ich nicht tun
Solange ich noch am Leben bin.


ii.

Schaue ich mir ein Photo von dir an
Um mich zu trösten
Tröstet es mich nicht
Und tröstet mich doch.
Ich bin so verloren in der Stille
Dass ich keinen Unterschied mehr wahrnehme
Zwischen Trost und Trostlosigkeit.


Repousser et regarder

i.

Ce qui est vivant, repousse
Mais pas ce qui est mort.
Les morts restent morts ;
Ce qui repousse, c’est des vivants
Repoussant pourtant les morts.
C’est dur à comprendre.

Je pousse dans ta direction –
C’est tout ce que je peux faire
Tant que je suis vivant.


ii.

Si je regarde ta photo
Pour me consoler
Elle ne me console pas
Et elle me console.
Je suis tellement perdu dans le silence
Que je ne ressens même plus de différence
Entre consolation et désolation.

16 Juin 2021

samedi 21 mai 2022

Idyll

Ich ruh nun oft draußen und lasse
Die Abendstunden verstreichen –
Ich gehöre nun zu den Reichen
Auf meiner neuen Terrasse.

Einbalsamiert vom Jasmin
Schau ich auf alles herab
Weil ich die Zeit dazu hab
Und all so erhaben bin.

Müßigsein macht dich zum Gast;
Und wer dann auch noch fast
Auf Kirchturmuhrhöhe döst
Ist schon quasi erlöst.

Bin eigentlich schon tot
Und wie verschwunden im Nichts
Sich verabschiedenden Lichts
Über Dächern von dunkelndem Rot.

Noch nerven zum Glück dumme Stimmen
Noch hindert mich dies und das
Noch stört mich halbwegs was
Kurz vor meinem Verglimmen.

20. Mai 2022

mardi 17 mai 2022

Abomination, apparition

Cette abomination a fini par s’installer partout.
Tu l’avais écartée telle une amulette ;
Il a suffi que tu t’en ailles pour qu’elle trouve la voie libre.

Désormais, chaque coin que tu ne remplis plus
Elle s’y étale en moisissure
Avançant chaque jour, pas à pas.

C’est incroyable, le travail que, mine de rien, tu avais fait
Pour lui barrer l’accès pendant toute une vie ;
Même nos murs, rien que souriants de toi.

Tapie dans l’ombre, elle attendait, maintenant elle est là
Et tout le monde semble mettre un point d’honneur à la favoriser
Y compris ceux qui me sont encore les plus chers.

Il n’y a plus que ton souvenir
Pour la chasser, parfois, un peu.
Gymnastique périlleuse.

Saleté de saleté :
Comment m’en débarrasser ?
En détournant mon regard de ces murs suintants ?

Or, j’y attends ton apparition
Toujours ton apparition
Solaire à travers eux.

14 Mai 2022


 

jeudi 7 avril 2022

Guerre et paix

i.

Tout n’est qu’affaire de bonheur.
Tu n’étais pas heureuse, là-bas dans ta vie confortable.
Et dès que tu m’as vu, tu m’as voulu.

Ça m’arrangeait beaucoup, dis donc :
Tu n’étais pas moins belle qu’amoureuse.
On ne peut faire mieux sans violence.

Eh ben, quand on s’ennuie dans le confort, il faut
De l’inconfort, me disais-je, afin que tout aille pour le mieux.
Voilà ce que j’avais à te proposer.

L’inconfort acquis, la ténacité
Devenait la vertu la plus essentielle.
Et à vrai dire, ce n’était point couru d’avance.

Longtemps, bêtement, tu n’étais pas sûre de moi
Mais il n’y avait pas de doute à avoir ;
Dès le début, l’affaire était pliée.

Il fallait juste me chercher, car
Je ne sors pas comme ça de ma tanière.
Dans ta folie tu as simplement fait le nécessaire.

Qui a tous les atouts dans la main
Ne peut pas ne pas choper.
C’est la paix assurée.

Or, il y a des aveugles
J’en ai connu plein, vraiment à la pelle
Et je pense aux désastres de la guerre en pensant à eux.


ii.

Qui cherche sans cesse du nouveau
Ne craint pas le nouveau.
Ce n’est pas une question de gauche ou de droite.

C’est par pur conservatisme
Que l’on finit progressiste. La fidélité
Serait-elle question de courage ou de lâcheté ?

S’installer dans la paix, pour beaucoup
Ne relève que de la survie, non pas du confort
Mais l'on peut s’installer paisiblement dans l’inconfort.

Et cette douce paix se révèle trop ardue
Pour ne pas être du champ de la lutte éternelle ;
Quant à la guerre guerrière, elle reste à jamais passagère.


iii.

Puisque la guerre n’est que passagère
La paix est éternelle, et si fortement éternelle
Que la guerre doit l’interrompre de temps en temps.

Nos querelles à nous ne l’ont pas interrompue
Mais en faisaient partie. Une bonne paix
Telle la nôtre, est toujours armée.


2 Avril 2022

samedi 2 avril 2022

Drei Kriegsgedichte

1. Mut

Ich habe vor vielen Jahrzehnten desertiert – nicht aus „Pazifismus“, sondern einzig und allein, weil ich mir von keinem vorschreiben lasse, wofür und wie ich zu kämpfen habe, und über meine Beweggründe auch niemanden täuschen wollte – und wurde von Freunden, die in vaterländischen Kriegen an vorderster Front standen, dafür bewundert. Ich habe das nie verstanden; ich bewunderte eher sie, denn sie waren so durchaus unmilitärisch veranlagt wie ich. Jeder bewundert, was er selbst nicht zustande bringt. Meine Kriege der heroischen Frühzeit waren im Übrigen solche gegen die meist jugendlichen Ordnungskräfte einer Diktatur, die ihrigen solche gegen ins Feld gehetzte Soldätchen von Diktatoren. Sie fanden, dass das ja ungefähr dieselben Schlachten waren; ich wiederum hielt die meinigen für deutlich ungefährlicher. Was man kennt, fürchtet man kaum. Nur wer nichts kennt, fürchtet alles.

Mut ist eine seltsame Frucht:
Was für den einen Mut ist
Ist für den anderen Feigheit.

Der Erste desertiert mutig
Der Zweite zieht mutig in den Krieg
Der Dritte wird feig in ihn hineingezogen.

Wer sich in ihm als mutig erweist
War im Frieden manchmal mutlos.
Der Krieg verändert den Menschen.

Gäbe es ihn nicht, diesen Krieg
Wüsste man also nicht viel von den Leuten
Und wie immer ist es besser, keine Ahnung zu haben.

Wenn man es aber weiß
Weiß man trotzdem noch nicht
Was angebrachter ist – Mut oder Feigheit.


2. Recht und Unrecht

Der Parteilichste tarnt sich, er tut so, als sei er das Rote Kreuz und der Papst zusammengenommen, und hat damit auch nicht ganz unrecht. Wenn es darauf ankam, standen die Schweiz und der Vatikan stets unfehlbar auf der Seite, die für sie die günstigere war, und ganz besonders dadurch, dass sie Neutralität heuchelten. Tatsächlicher Unparteilichkeit geht es nicht um das eigene Wohlergehen.

Ihr hättet gerne, dass im Kriege keiner Recht besitzt –
Derart ist jene Heiligkeit
Die immer nur dem einen nützt.
 
Der wär viel lieber liebend eingedrungen
Doch hat ihr Zieren zu Gewalt gezwungen
Und lässt sie sich nun einmal schlecht verführen
Muss sie der Liebe Feuer anders spüren.

Wer ist nun schuld an Krieg und Ungemach?
Doch nicht der Hund, dem sie ins Auge stach...


3. Unmut

Mit dem Lieben ist es auch so ein Ding. Liebe kümmert sich nicht um die Gefühle des anderen und muss es von vornherein auch nicht. Sie muss es erst, wenn sie besitzen möchte, und dieser Zwang ist ihr – wie jeder andere – eigentlich fremd. Da Liebe nun aber allzu häufig Besitz ergreifen möchte, geht es mit ihr auch allzu häufig daneben. Nur wer die Ohrfeige anstelle des Ohrfeigenden liebt, kann über Ohrfeigen erobert werden. Die Frage ist allerdings, ob es sich dann noch um Liebe zwischen Menschen handelt und nicht eher um zwei Eigenlieben, die voneinander nichts wissen wollen – oder allein das, dass dabei auch Haut auf Haut trifft, mithin das Oberflächlichste auf das Oberflächlichste.

Er wollte sie besitzen
Und warb, wie er’s verstand
Mit Mörsern und Haubitzen
Aufs offne Mutterland.

Es sind die vollen Brüste
Von Kratern übersäht;
Ach, wenn er doch nur wüsste
Weshalb sie ihn verschmäht.

Er fragt die Generäle;
Die wissen auch nicht mehr
Was diese sanfte Seele
Verführt zu Gegenwehr.

Es kann nicht einer siegen
Nur, weil er sich vernarrt;
Das Herz wird vom Bekriegen
Nur sturer und verharrt.

Und würd er sie bezwingen –
Der Liebe wär nicht viel.
Es reicht nicht zum Erringen
Das eigene Gefühl.


2. April 2022