jeudi 18 mai 2023

Pulsion, compulsion et fétiche

    On ne se connaissait pas encore, ou à peine
Et elle m’avait invité dîner en ville
Puis, au resto, avec tout son pouvoir d’achat
De celle qui bosse au lieu de glandouiller en fac
Elle a pris un tapis à un vendeur ambulant

    Un tapis marronnasse à vingt balles.
Je n’ai rien osé dire mais je trouvais ça compulsif.
Elle est chouette, la nana, en déduisis-je, mais elle a trop de fric.


    Bon bah, le goût se civilise, oublions donc.
Bien plus tard, elle m’avoua
Avoir voulu m’impressionner en faisant une B.A.
Le pauvre Pakistanais, quoi
Et que, bien sûr, le tapis était infâme

    Mais moi, n’est-ce pas, j’étais de gauche, non ?
Nous prenait-elle pour des benêts ?
Quelle adorable sotte !


    L’immigration pakistanaise, on la conçoit : le capital
Contraint ces misérables à tirer quelque maigre profit de l’atmosphère
De plus en plus pulsionnelle entre deux privilégiés occidentaux
Mais de là à leur acheter leurs peilles...
Déjà, la rose surgelée...

    Si cet essai de drague d’un freudo-marxiste
Avait réussi en dépit et non à cause de l’acte acquisitif
Au demeurant, elle n’a cessé de m’impressionner la vie durant.


    On l’a mise sous un fauteuil, la marchandise, pas trop en évidence
Mais conservée tout de même, et si je la possède encore
C’est qu’elle m’est précieuse, c’est mon tapis et le plus laid et le plus ____________________________________________cher.
Quand quelqu’un s’en étonne, je le devine sans souffler mot ;
Il faut toujours deviner.

    Dans nos erreurs d’appréciation, on s’est bien devinés, nous
Et de manière immédiate, et en définitive –
La preuve en est sur le parquet.

17 Mai 2023

mardi 2 mai 2023

Heilige Dinge

Man sieht Dingen wie Menschen ihre Heiligkeit nicht an
Aber hinter der Schranktür erwartet mich ruhig
Ein empfindliches heiliges Ding.

Diese heiligen Dinge sind verkörperte Wunschträume:
Sie erinnern auch im Wachzustand an diejenigen
Die nur noch im Schlaf lebendig erscheinen

Ihre Lebendigkeit ist deshalb verborgen denjenigen, denen
Die Bilder verwehrt sind, deren Tage kaum am Leben
Und deren Nächte selber todesstarr sind.

Sie sind helle Nacht in dunklen Tagen, wie der Traum
Reger Tag ist in dumpfer Nacht – ohne sie wäre
Kein Tag mehr, und auch nie einer gewesen.


Choses saintes

La sainteté des choses est voilée comme celle des êtres ;
Or, derrière la porte du placard, tranquillement
Une fragile chose sainte m’attend.

Ces choses saintes incarnent des vœux :
Elles rappellent à l’éveil la présence de ceux
Qui n’ont plus d’existence en dehors du sommeil.

C’est pourquoi leur vivacité ne peut être aperçue par celui
Qui est sans images, dont les jours sont peu vivants
Et dont les nuits, elles, sont raides mortes.

Elles sont la nuit claire des jours sombres, comme le rêve est
Jour vivant au plus profond de la nuit morne – sans elles
Il n’y aurait plus de jour, et il n’y en aurait jamais eu.


1er Mai 2023