mercredi 28 août 2013

Trois moi, dont deux d’été


1. Moi, moustique

C’est qu’on me pique beaucoup.
Je dois faire du sang sucré ou un truc dans le genre.
Eh bien, l’idée ne venait pas de moi
Mais une âme bienveillante s’est procuré un produit
Et m’a recommandé de m’en enduire.
Et ce produit fonctionne. Si, la nuit, j’entends
Toujours rôder, le matin je me réveille sans piqûre.
C’est fort plaisant, seulement je me demande
Que deviendraient les pauvres moustiques
Si tout le monde faisait comme moi.
Moi, moustique, je me
Pincerais le pif et piquerais tout de même.
Or, qu’en sais-je des facultés des ces bestioles
Ou de leur force de caractère. D’après Darwin, le processus
D’apprentissage (même en matière de culot) prend des
_____________________________________générations.
Nonobstant mes capacités d’empathie
Je me sens très ignorant
Dans mon corps si sagement enduit.
Je n’arrive même pas à prévoir
Ce qu’il adviendra de moi
Si je sors trop longtemps trop indemne
De mes belles nuits d’été.
Lorsqu’un beau jour apparaîtra un moustique plus hardi
Je serai peut-être cuit.


2. Moi, doré


L’important, c’est la couleur locale, et ces jours-ci
On voit en effet pas mal de gens très bronzés.
C’est vrai qu’il tape, le soleil d’août, mais
Lorsqu’ils sont mordorés comme ça
C’est qu’ils étaient en vacances.

On peut penser ce qu’on veut, je ne vois pas l’intérêt
De s’envoler au loin précisément à une époque
Où, enfin, il fait un peu beau chez soi.
Moi aussi, j’ai pris quelque hâle
Et cela sans avoir bougé.

Moi, bronzé comme eux
Ce serait ma teinte naturelle.
Je demeurerais là où ils ont chopé ça.
Je n’y serais pas juste passé en coup de vent.
Je ne porterais rien en dessous de ma fausse dorure.


3. Moi, président


Moi, président
Je serais un bien meilleur président.
Parce que je sais parfaitement ce qu’il faudrait faire.
Ça, il l’entend avec plaisir, le président à l’écoute du pays.
Avoir de tels électeurs et de telles électrices est une vraie joie.
Ainsi, les choses ne peuvent aller qu’en s’améliorant.
Mieux vaut tout un peuple qui sait quoi faire
Qu’une seule flèche tout en haut.


[1. Wäre ich Mücke

Ich werde ja nun immer sehr verstochen.
Süßes Blut oder wie auch immer.
Der Einfall ging nicht auf mich zurück
Doch eine wohlmeinende Seele hat ein Mittel gekauft
Und mir empfohlen, mich damit einzureiben.
Und das Mittel funktioniert: Ich höre es weiterhin
Schwirren in der Nacht und erwache gleichwohl ohne Stich.
Das ist zwar erfreulich, allerdings frage ich mich
Was mit den armen Stechmücken geschähe
Hielten es alle so wie ich.
Wäre ich eine solche Mücke
Würde ich mir den Zinken zuhalten und trotzdem stechen.
Aber was weiß ich schon von den Fähigkeiten dieser Tierchen
Oder ihrer Charakterstärke. Laut Darwin
Erfordert ein Dazulernen (auch chuzpemäßig) Generationen.
Ungeachtet meines Einfühlungsvermögens
Fühle ich mich sehr unwissend
In meinem klug eingeriebenen Körper.
Kann ja noch nicht einmal voraussehen
Was aus mir selbst werden wird
Sollte ich allzu lange allzu unverstochen
Aus meinen schönen Sommernächten hervorgehen.
Erscheint eines schönen Tages dann eine mutigere Mücke
Ist es vielleicht aus mit mir.


3. Wäre ich Präsident

Wäre ich Präsident
Wäre ich ein deutlich besserer Präsident.
Weil ich nämlich genau weiß, was zu machen wäre.
Das hört er gern, der Präsident, der das Ohr am Land hat.
Solche Wähler und Wählerinnen zu haben ist eine wahre Freude.
Mit derartigen Leuten kann es doch nur aufwärts gehen.
Lieber ein ganzes Volk, das weiß, was zu tun ist
Als so ein einziger Intelligenzbolzen oben.]

6. - 26. August 2013

lundi 26 août 2013

Deux nouveaux nus


1. Silver Lining

Le drap a glissé et voici, lourd nuage
La courbe de la hanche dans la pénombre
Et pas seulement ; il suit son chemin, ce paysage.

On dirait que le corps nu n’est fait que pour la pénombre
Qu’il n’est pas fait pour le plein jour, et pas non plus
Comme une autre âme, pour la nuit obscure.

C’est le tour qui indique ce qu’il est
Qui indique ce qu’il indique, le corps qui
Vallonné, s’étire et bombe le long de lui-même.

Si l’évidence est du côté de la pénombre, lui
Sombre et haut, a son pourtour éclairé
La lumière cachée car il la cache.


2. Il faut d’abord

Il faut d’abord défrusquer.
Nu d’emblée a moins de charme.
L’impatience est alors un don de l’âme
Qui doit découvrir pour se prendre au jeu
Et au mieux faire ses dévoilements elle-même.

En inventant de ces oiseaux de proie
Qui fondent sur leur vif aliment à tire-d’aile
Mais meurent de faim la pâture jetée devant eux
La nature a engendré d’inappréciables incohérences
Déséquilibres, si l’on veut, nécessaires à son équilibre.

Elle a voulu le corps nu en y cachant
Qui le veut découvert bien avant d’être nu
Et c’est à cette âme même qu’elle a confié la tâche.
Fallait d’abord l’empaqueter, le rendre semblable à elle
Pour y aménager des failles : glisser la main dans une fente

Tirer sur un pli
Rabattre un ourlet
Défroncer des fronces –
Voilà ce qu’elle commande
Celle qui est tellement mal engoncée
Qu’en même temps que la chair elle se dénude.


5 et 23 Août 2013

vendredi 9 août 2013

La consabida nalgada

A peine né, la première claque afin qu’il sache où il a atterri.
Plus tard, une irrépressible envie de prendre le train.
Et descendu à destination, l’envie suivante :
Celle de se barrer tout de suite.

Mais trop tard, plus de correspondance.
L’envieux était forcé d’y demeurer un petit moment
Puis de rendre l’endroit tant soit peu habitable.

L’endroit rendu tant soit peu habitable
Il n’a plus voulu en partir. Par paresse, ou plutôt
Parce qu’on s’attache à ses tentatives d’amélioration.
C’est ce qui s’appelle « laisser son empreinte ».

C’est toujours par pure obligation qu’on la laisse, celle-là.
Au lieu amène, le génie n’a point besoin d’auxiliaire.
L’idéal est impersonnel, et on a donc eu raison
De t’expédier dans un patelin pourri.

4 Août 2013