vendredi 25 septembre 2009
Géographie poétique
1. Les confrères
Chez lui dans le froid et la laideur, tel poète
Y trouve son compte et les chante, c’est obligé, c’est
Son chez lui quoi, il connaît. Or, il n’est pas fou, il
Voyagera un petit peu et mentionnera aussi les
Vieilles pierres sous le soleil ; seulement
Avec une pointe d’incompréhension
Pour son confrère de là-bas.
Chez lui près des vieilles pierres sous le soleil, confrère
Chante également sa patrie, mais ne mentionne
Ni le froid ni la laideur. Il n’y est pas allé –
Pas de raison – il ne connaît donc pas. Il
Lui suffit d’avoir connaissance des drames
Qui se jouent près de ses vieilles pierres sous le soleil.
Si tous les deux sont un peu sombres
Seul l’un néglige le monde de l’autre. Et
C’est bien fait. En matière de poésie, l’expérience
Du froid et de la laideur n’est pas essentielle ;
On a assez de problèmes comme ça, mais
Jamais assez de splendeur sous le soleil.
Si, d’autre part, tout le monde se rassemblait
Près de ces pierres, les uns y étant nés et
Les autres profitant de leur retraite, qui
Dirait encore le froid et la laideur ?
Les vilains ont eux aussi droit à la parole
Et il paraît nécessaire qu’il y ait des confrères
Si habitués à eux qu’ils ne les délaisseront jamais.
2. Le dépaysement promis
Là, je me prépare à bouger un peu.
Il faut faire gaffe. Sous le soleil, les
Gens de mon espèce voyagent, ils font
Voyageurs, pas touristes. Mais comment ?
Mon hôtel sera une fois de plus quelconque
Et j’irai tout de même pas me promener
Sous un panama et en costume de lin.
Il y en a des comme ça, on dirait des
Aschenbach, ils sont ridicules.
Mais comment se distinguer
En portant un short, des sandales
Et même un appareil pour les photos ?
Puis, le pire, en se mêlant aux baigneurs
En maillot et bedaine ? Puis, je le sais déjà
Je ne pourrai pas m’empêcher de mater les
Jeunesses. En fait, ce ne sera qu’au retour
Que je me retransformerai en homme
Remarquable. En voyage, je suis
Abominable, un vrai plouc, j’ai honte
Mais ça doit être ça, le dépaysement promis.
3. Choix de paysage
Il y a des paysages plus ou moins appropriés
Aux visites d’un poète. Des paysages
Pittoresques ou majestueux, et parmi les
Derniers les plaines les plus monotones, genre
Désert de Mongolie, se prêtent tout
Spécialement à des visites de poètes ;
Mais puisque même ces contrées-là sont
Entre-temps arpentées par des beaufs
Faire attention au jour et à l’heure !
(Les dates réservées aux poètes
Sont affichées rue de Valois.)
Les visites se font groupées, mais chaque
Poète est libre de formuler après coup
Comme s’il avait découvert tout seul.
Cela donne des recueils chiants, mais
Parfaitement balisés sur le plan poétique, ce
Qui est rassurant, surtout dans le cas de
Randonnées en Mongolie Intérieure
Où l’être a besoin de guide pour
Tomber sur une yourte, et qui
Plus est, hospitalière.
Le lecteur ressemble au poète, lui aussi a besoin
De repères, notamment s’il se trouve perdu
Dans des pages aussi ennuyeuses
Que le désert mongolien dont
Elles reflètent la traversée.
18 Septembre 2009, Ceteri egoque, 1
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