dimanche 18 septembre 2016

Rosée matinale

Au lever, le poème était fini, dès lors
Les vers s’articulant – de ça je me rappelle –
Avec bonheur, pareils à des grelots en or
Tintinnabulant aux chevilles d’une belle.

Mais j’avais été trop flemmard pour les coucher
Par écrit, convaincu que j’aurais tout mon temps
Que c’était plutôt le moment de me doucher ;
Hélas, je ne l’ai jamais eu, ce foutu temps.

En m’essuyant j’avais déjà perdu la trame
Et jusqu’au sujet, me souvenant seulement
Qu’il y avait au début la rosée matinale
Qui te fait croire qu’il a plu auparavant.

Et la voilà, cette unique rosée, le reste
Telle la pluie nocturne entre-temps effacé
Et rien de plus que cette incantation modeste
Écho des occasions que j’ai laissé passer.

15 Septembre 2016

jeudi 15 septembre 2016

De la paix


i.

Elles se sont fâchées sur une question de politique. Comme ni l’une ni l’autre n’étaient en mesure de faire de leur point de vue la politique officielle du pays, elles se sont fâchées entre elles. Le gouvernement, lui, s’en fout de pareilles querelles, et c’est normal. Qui pourrait lui reprocher d’ignorer les opinions divergentes d’électrices qui se fâchent entre elles par impuissance ? Ce n’est pas la faute à la démocratie si le peuple, dans les ténèbres de son anonymat, aime se crêper le chignon. La paix civique est à ce prix.


ii.

L’été était encore là, presque en pleine force, et nous, comme des vieux, nous reposions sur un banc, un peu à l’écart, dans un recoin ombragé. La journée était particulièrement paisible, aussi parce que nous ne nous étions pas disputés depuis au moins vingt-quatre heures. Placide, je m’abandonnais à mes yeux qui divaguaient et finirent par découvrir, en dessous de la broussaille, de très petits fruits rouges qui, à les fixer de plus près, s’avéraient être des fraises des bois. C’était inattendu, cela faisait longtemps que je n’avais plus vu de telles fraises, puis je me suis dit qu’on était dans un parc tout de même et qu’elles n’avaient peut-être pas poussé toutes seules mais que, pour aussi discrètes qu’elles fussent, on les avait plantées à l’instar du reste, que c’étaient donc les fruits d’un effort et d’une volonté, comme le fait qu’on ne s’était pas engueulés dernièrement n’était pas non plus dû à notre nature intrinsèque mais également à un effort et à une volonté, bien que sur le moment cet état de choses nous semblât naturel. J’ai préféré laisser les petites fraises là où je les avais trouvées en me disant qu’il ne faut pas en abuser quand une journée est si calme que la paix a quasiment l’air d’une évidence.


iii.

La paix dont on jouit, ce n’est pas la paix tout court. De la paix tout court, nous ne savons pas grand-chose. Nous ignorons même si elle existe. La paix dont nous jouissons, par contre, nous est connue pour peu que nous en jouissions consciemment. Je ne sais pas si la paix dont on jouit saurait être universelle, je sais seulement qu’il ne faut jamais trop lui demander – elle se lasse très vite, et au moindre petit questionnement, elle est en ce sens comme une adolescente à la maison – et lui demander l’universalité est, certes, beaucoup demander. Mais à ceux qui ne lui demandent pas grand-chose, elle se montre souvent généreuse, avec son rire facile et un peu bébête, sa belle peau fraîche et ses manières gaiement désordonnées.


13 Septembre 2016

mardi 13 septembre 2016

Stillness and Motion

            “But forms of thought move in another plane”
                                                                          Donald Davie


1. On a Grin

One couldn’t miss this reaper’s grin, and thus
I feared it could be the last thing I’d see
Before a night of deadpan randomness
Would make all faces freeze eternally.

Surefooted life’s consistent with its ends
In that, despite their rictal miens, they are
Not even next-to-last in either sense
The one last thing in life being life so far.

Each grin can grow into a last thing though
Depending simply on when it occurs;
The odds are of that kind one cannot know
As long as life in life itself demurs.


2. On Unease


Starting as tight and narrow as it ends
And, in between, a vast of wistfulness
Life, so consistent with its trifles, tends
To come down to itchy feet or homesickness.

It’s hard to value peace in peacetime, it’s
A bore that anyplace your self got ways:
This vehicle of tiniest cogs and bits
Goes creaking if not greased up with malaise.

I gather that when traveling went tricky
Reasoning off was all your actual move
Backward or forward, an unease that sticky
To have you slipping into cushy groove.


September 11, 2016

dimanche 4 septembre 2016

Immovable


1. Got Around

I, having a shower.
Calcutta?
Not much of a stretch.

I, up on a ladder.
The Swiss Alps?
A pretty close guess.

I, bit by a gnat.
Amazonia?
As simple as that.

I, nights into days.
Down under?
Just so bang on, mate.

I, busy with muggins.
Back home then?
This was a tough one.


2. Unheard-of Spots

I think we only have these cloyingly
Calm summer nights so that I can hear far
And, as if some door hung dourly ajar
Far off, indeed, through damp, a company
Is regularly bursting out: I’ve their guffaw
Without the motive mots stuck in my craw.

If travelers must rise to overbear
Sheer life’s longueur, that horizontal wall
I’ve wound up settled, deafened to the call
Of made-up crests or purity of air
My remnant innocence being to leave
Distance alone, like dropping to its eave.

Day after day honing myself by rote
Existence, I dismiss the others’ version;
A mild disgust with humankind’s remote
Hilarity is sufficient diversion.
Strange Continents best cackle on their own;
Too bad they weren’t gladly kept unknown.


August 29, 2016  [Apparent Opposites I]

samedi 3 septembre 2016

Carmel


1. The Merry Gardener
                                   Jer. 2:7

Are some tomatoes in a trough
Actually powerful enough?
They are. This summer I won’t quit
I have to water them and shit:

Homegrown tomatoes are so sweet
To give misanthropy a treat
The poison in them is too strong
To miss where you just don’t belong.

Grim sentry of the garden land
I’ll stay all summer can-at-hand.


2. Une ascension

Je l’ai souvent vu de loin, tout seul
Et une seule fois de près.
Je n’en ai guère de souvenir
Je me rappelle uniquement comme
Incorporé dans la masse des touristes
J’ai essayé de faire abstraction
Sans vraiment y arriver.
Je me suis dit que ce pourrait être une procession
Au Moyen Âge, il a dû connaître ça, le fameux Mont St-Michel
Bien avant sa promotion au patrimoine de l’humanité
Mais mon effort même me trahissait. Alors, j’ai renoncé.
Avec tout le monde, j’ai monté les marches et j’ai renoncé.
Rien n’est perdu pour autant.

Je l’ai souvent vu de loin, tout seul
Et une seule fois de près
Et c’est comme si je ne l’avais jamais vu –
Voilà le secret du sacré.


31 Août 2016  [Apparent Opposites II]

vendredi 2 septembre 2016

Proof by absence

There are apparent opposites
In one, for instance, when one sits
On a church pew and lets one go;
Yet there is not one Holy Joe
Who’d think that stink to Faith is due.
Apparent opposites are true.

There are apparent opposites
In one, for instance, when one quits
This world and likewise comes to stink;
Yet there are none who’d ever think:
Once gone, that should be otherwise.
Apparent opposites are lies.

September 2nd, 2016  [Apparent Opposites III]