jeudi 22 février 2018

L’éclat

On a acheté un petit tableau.
Je ne l’avais pas bien vu dans la vitrine
Il y avait trop de reflets, ou d’ombre ou de soleil
Et surtout, je me suis posé la question de la pertinence
Mais ma chance m’a convaincu et nous sommes donc entrés.

Le brocanteur l’a décroché, en annonçant
D’emblée le prix, agréable surprise.
Seulement là, le tableau ne m’a plus tellement plu
Et on n’allait quand même pas l’acheter juste
Parce qu’on pouvait se le permettre.

On a remercié le gars
On est sortis et on a cogité ensemble
Puis on est revenus d’un pas leste pour le prendre
Tout en marchandant encore un peu
Pour la paix de l’âme.

Depuis qu’il est accroché dans la chambre
Ce tableau m’enchante chaque matin davantage.
Et puisqu’il s’est imposé l’idée
Que le petit personnage esquissé sous les arbres
Est penché sur la malle d’un vélo de facteur
Il a désormais un titre, « La postière ».

Il faut parfois se décider à l’aveuglette
Tout autant qu’il faut savoir tirer un trait, au besoin.
Ainsi, j’ai pris la décision
De renoncer à contacter ces très anciens amis
Ceux de quarante ans qui ne m’appellent plus d’eux-mêmes –
Quelle importance, la vie passe.

Un tableau doit avoir trouvé sa place, mieux
Vaut le garder sous les yeux, pour en juger
De bonne humeur ou de mauvaise
À la meilleure des lumières et quand la nuit tombe ;
Or, les amis qu’on n’a plus vus depuis des lustres
Ont perdu leur éclat en toute circonstance.

21 Février 2018  [Tableau I]




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