Sens fait de non-sens
Présence légère
Pesante présence
Que l’on espère.
Tout perd son vieux poids
Mort dans la lumière
Un arôme à toi
Parfume l’air.
La nuit se fait jour
Mais jour qui s’embrume
Léger devient lourd
Lourd comme une plume.
28 Juin 2022
Sens fait de non-sens
Présence légère
Pesante présence
Que l’on espère.
Tout perd son vieux poids
Mort dans la lumière
Un arôme à toi
Parfume l’air.
La nuit se fait jour
Mais jour qui s’embrume
Léger devient lourd
Lourd comme une plume.
28 Juin 2022
1. Glasbruch
Jeder Tag entfernt –
Das ist eine Binsenweisheit
Doch die Dinge überleben das Entfernen
Gerade auch dann, wenn sie sehr zerbrechlich sind.
Jetzt, da du nicht mehr altern darfst
Altern die Dinge für dich, und zerbricht eines
Das mich an dich erinnerte
Erinnert es noch im Zerbrechen und darüber hinaus.
Jeder Gedanke, jeder Einfall, den du hattest, wird heilig.
Du hattest dieses Weinglas gekauft, es muss
Dir also gefallen haben; nicht
Unbedingt ‚mein‘ Stil. Nun ist es heilig.
Wäre es ‚mein‘ Stil gewesen, hättest du mir nur eine Freude
Damit machen wollen; aber dadurch, dass es ‚dein‘ Stil war oder ist
Oder du vielleicht nur meintest, meinen Stil getroffen zu haben
Wird es heiliger als die Heiligkeit, die es erlangt hätte
Wenn du mir nur eine Freude damit hättest machen wollen
Und dir das vollständig gelungen wäre.
Je mehr du dich selbst in etwas offenbarst
Und nicht allein deine Zuneigung zu mir, desto heiliger.
Gingen dir manchmal Gläser kaputt, und waren es ‚meine‘
Versuchtest du stets, sie zu ersetzen, trafst meinen
Geschmack aber nicht unbedingt trotz
Jahrzehntelanger Symbiose.
Du offenbartest dich also unabsichtlich selbst.
Ich hätte dir auf Knien dafür danken müssen
Denn nur dadurch bist du noch so lebendig
Und sei es in einem zerbrechlichen Glas.
2. Roadkill
Ich erschrak.
Es lag etwas mitten auf der Straße.
Ein überfahrenes Tier?
Von Weitem sah es ganz danach aus.
Ich kam näher, es war nur ein Packen braunes Papier.
Es scheint aber keine Sinnestäuschung
Dass es dich nicht mehr gibt
Obwohl ich an die Sache nicht näher herankommen kann.
Venir plus près
1. Bris de verre
Chaque jour éloigne –
Voilà une de ces banalités
Mais les choses survivent à l’éloignement
Et surtout les plus fragiles et vulnérables parmi elles.
Maintenant que tu es interdite de vieillir
Les objets vieillissent pour toi, et si l’un de ceux
Qui me font penser à toi, se casse
À cet instant encore il ne fait que t’évoquer, et bien au-delà.
Chacune de tes idées et trouvailles est devenue sacrée.
Si tu as acheté ce verre à vin, c’est qu’il a dû
Te plaire ; il ne correspondait pas
Forcément à ‘mon style’. Désormais, il est sacré.
S’il avait été ‘mon style’, tu aurais simplement
Voulu me faire plaisir ; mais parce que c’était le tien, ou
Parce que tu t’étais trompée en croyant tomber juste
Il devient plus sacré qu’il n’aurait pu être
Si tu avais complètement réussi dans ta tentative
De me faire plaisir. À mesure
Que tu t’y dévoiles toi-même, et pas seulement
L’affection que tu me portes, tout gagne en sainteté.
S’il t’arrivait de casser de ces verres ‘à moi’
Tu as toujours eu à cœur de les remplacer
Mais sans fatalement taper dans le mille
Malgré notre symbiose de trente ans.
Tu t’es donc dévoilée sans faire exprès, j’aurais dû
T’en remercier en tombant à genoux devant toi
Car c’est pour ça que tu es encore si vivante
Ne serait-ce que dans un verre cassable.
2. Chat écrasé
J’ai eu peur.
Quelque chose gisait au milieu de la chaussée.
Un animal écrasé ?
Vu de loin, c’en avait tout l’air.
En m’approchant je constatais que c’était du papier d’emballage.
Il ne me paraît pas simplement une illusion
Que tu n’existes plus
Bien que je sois incapable de me rapprocher de la chose.
24 Juin 2022
J’avais hésité, c’est une petite bête tellement mignonne, mais enfin
Je me suis préparé ce lapin qu’on m’avait proposé en réclame.
En y incorporant un peu de moutarde, je pensais à Gretel
Qui le cuisinait à merveille, celui de son fils inclus.
Quel drame, une telle éducation.
Le lapin, Gretel, son fils, morts. Je me nourris de mort.
Tous morts, et toi dans le lot, juste une de plus
Parmi tant d’autres – mais ma morte.
Ma seule et unique, en fait.
Je ne sais plus
Comment vivent les gens
Qui n’ont pas leur morte à eux
Qui n’ont pas subi cette éducation-là.
Je les prends le cas échéant pour des salauds.
17 Juin 2022
i.
Ta mort ne m’a pas coupé la parole, elle l’a accaparée.
Plus aucun autre sujet
Que celui consigné pour celle qui ne le lira plus.
Vivante, tu étais ma lectrice
Morte, tu le restes.
Tu restes la destinatrice de mes paroles, rien n’a changé.
Narcissiquement, je te vois par rapport à moi
Mais amoureusement, je te vois par rapport à toi-même
Et aujourd’hui plus que jamais, la mort t’ayant rendue entièrement ___________________________________________à toi.
Je t’observais du coin de l’œil, ma lectrice, guettant le petit sourire
Et l’entr’apercevant, en cachette
Je savais que j’avais réussi quelque chose.
En fait, égoïstement, je pense à ce sourire qui me manque
Lorsque je dis que tu me manques
Petit sourire immense, tout.
Toi toute seule, mais avec un peu de moi –
Comme si le texte avait été retranscrit de ta main
Devenant ainsi le nôtre.
ii.
J’ai le plus grand mal à jeter le moindre bout de papier
Sur lequel tu avais gribouillé quelque chose
Ne fût-ce qu’une liste de courses.
C’est l’écriture qui est devenue sacrée.
On est là au début même des saintes écritures.
On s’en fout, n’importe quoi, du récit sans intérêt :
C’est la main traceuse qui compte
C’est elle qui rend canonique.
Je ne les lisse surtout pas
Ces feuilles pliées et chiffonnées.
Telles quelles, je les mets dans un écrin
Et l’écrin, je l’entrepose dans ma gueniza personnelle.
iii.
Si je souhaite
Que tu reviennes vers moi
Que tu sois de nouveau avec moi
Je ne souhaite certainement pas l’impossible.
Depuis quand le monde obéirait-il à un ordre rationnel ?
Alors, un miracle de plus ou de moins...
Les sortilèges décident ; sinon pas d’explication.
Nous, on n’a jamais quitté l’âge mythique
L’âge homérique, héroïque, fatidique
Baigné de l’or de notre enfance.
Toi vivante, je le devinais ;
Désormais, je le sais.
17 Juin 2022
Sitôt après ta mort, j’ai vu cette bestiole
i.
Das Lebendige wächst nach
Das Tote nicht.
Die Toten bleiben Tote;
Was nachwächst, sind Lebendige
Die allerdings Toten nachwachsen.
Man versteht es nicht so recht.
Ich wachse dir entgegen –
Mehr kann ich nicht tun
Solange ich noch am Leben bin.
ii.
Schaue ich mir ein Photo von dir an
Um mich zu trösten
Tröstet es mich nicht
Und tröstet mich doch.
Ich bin so verloren in der Stille
Dass ich keinen Unterschied mehr wahrnehme
Zwischen Trost und Trostlosigkeit.
Repousser et regarder
i.
Ce qui est vivant, repousse
Mais pas ce qui est mort.
Les morts restent morts ;
Ce qui repousse, c’est des vivants
Repoussant pourtant les morts.
C’est dur à comprendre.
Je pousse dans ta direction –
C’est tout ce que je peux faire
Tant que je suis vivant.
ii.
Si je regarde ta photo
Pour me consoler
Elle ne me console pas
Et elle me console.
Je suis tellement perdu dans le silence
Que je ne ressens même plus de différence
Entre consolation et désolation.
16 Juin 2021