1. This Beggar’s Belief
L’optimisme de certains mendiants est stupéfiant. Celui-là, je le croise tous les jours et ne lui donne jamais rien, mais il me sollicite toujours, d’une voix invariable, comme en obéissant à un réflexe. Je pense qu’il ne me regarde même pas. Comment peut-il espérer que je lui donne s’il ne me regarde pas ? Me regarderait-il, non seulement je ne lui donnerais rien, mais en plus je le gratifierais d’une méchante grimace. Il a parfaitement raison de ne pas lever la tête vers ceux qui ne lui donnent rien, bien que, dans ce cas, il ne saura jamais qui ils sont. Notre existence entière est faite de la sorte, ce type de mendiant est carrément un symbole.
At any supermarket
The payer’s eyes must first be met –
How dare you frigging beggar blindly beg?
I’ve begged the living daylights
Out of myself and this is why
My call stays vocal while I turn my gaze awry.
I’m deaf, but when I’m slighted
My ear grows quick, it must construe:
You buggers should be taken down a beg or two.
The change in a fat wallet
Poor loot I aim to cull, milord
Comes even ruder than one’s blandest courtesy could afford.
[Der Optimismus mancher Bettler verblüfft. An diesem einen da gehe ich jeden Tag vorbei und gebe ihm nie etwas, und doch bettelt er mich unweigerlich an, im stets gleichen Tonfall, als gehorchte er einem Reflex. Ich glaube, er schaut mich noch nicht einmal an. Wie kann er hoffen, von mir etwas zu bekommen, wenn er mich nicht anschaut? Würde er mich anschauen, bekäme er nicht nur nichts, sondern würde außerdem sehen, wie ich unwillig mein Gesicht verziehe. Er hat insofern völlig recht, nicht zu denjenigen aufzuschauen, die ihm nichts geben, obwohl er dann nie weiß, wer das ist. Unser gesamtes Dasein ist so beschaffen, diese Gattung Bettler ist geradezu ein Symbol.]
2. Mendicus, mendax
Si, d’habitude, j’hésite un peu à trier mes congénères tout de suite d’après leur physique, cela ne vaut pas en cas de mendicité avérée. Quiconque choisit de s’y adonner, se trouve soumis à mon jugement immédiat, je le détaille comme du bétail.
S’il est jeune et vigoureux – il y en a de plus en plus – je l’assigne à la prostitution informelle, et dans l’éventualité que cela lui rechigne, aux secteurs sous-payés qui manquent de bras. S’il est mince et a l’air dégourdi, il n’a qu’à faire acrobate de rue, et s’il est carrément chétif et nul, il pourra toujours prendre la peine de maltraiter un petit piano en plastique pour divertir le public rarement averti du métro. S’il présente une tare quelconque, est vraiment moche, contrefait, voire mutilé, ou encore manifestement dépendant d’une substance toxique, je suis prêt à lui signaler avoir droit à de multiples allocs et à la Cotorep, aides d’État pouvant dépasser le Smic. S’il joue au pieux, je le renvoie illico aux bons soins de l’Église, ou plus probablement de la Mosquée, et s’il crache sur le bourgeois et cetera, je lui recommande de tout cœur de s’en remettre à la belle solidarité des amicales révolutionnaires. S’il est très jeune, il n’a qu’à taper papa maman, ses oncles et ses tantes, ou à défaut se retourner vers nos méritoires institutions de protection de la jeunesse, et enfin, s’il est très vieux, je lui file d’office la retraite minimale.
Il y en a donc peu qui passent le test et que je déclare aptes à exercer ce subtil métier qu’est la mendicité pure et simple. À ces aptes, je ne leur donnerais toujours rien, car je suis radin, mais du moins accepterais-je que d’autres leur donnassent. Sinon, tout acte de charité irrégulière me blesse personnellement. C’est triste que la réalité ne cesse de s’éloigner de l’image idéale que je lui réserve, mais ce n’est certes pas ma faute s’il y a désormais trop de gratuité dans le monde.
S’il est jeune et vigoureux – il y en a de plus en plus – je l’assigne à la prostitution informelle, et dans l’éventualité que cela lui rechigne, aux secteurs sous-payés qui manquent de bras. S’il est mince et a l’air dégourdi, il n’a qu’à faire acrobate de rue, et s’il est carrément chétif et nul, il pourra toujours prendre la peine de maltraiter un petit piano en plastique pour divertir le public rarement averti du métro. S’il présente une tare quelconque, est vraiment moche, contrefait, voire mutilé, ou encore manifestement dépendant d’une substance toxique, je suis prêt à lui signaler avoir droit à de multiples allocs et à la Cotorep, aides d’État pouvant dépasser le Smic. S’il joue au pieux, je le renvoie illico aux bons soins de l’Église, ou plus probablement de la Mosquée, et s’il crache sur le bourgeois et cetera, je lui recommande de tout cœur de s’en remettre à la belle solidarité des amicales révolutionnaires. S’il est très jeune, il n’a qu’à taper papa maman, ses oncles et ses tantes, ou à défaut se retourner vers nos méritoires institutions de protection de la jeunesse, et enfin, s’il est très vieux, je lui file d’office la retraite minimale.
Il y en a donc peu qui passent le test et que je déclare aptes à exercer ce subtil métier qu’est la mendicité pure et simple. À ces aptes, je ne leur donnerais toujours rien, car je suis radin, mais du moins accepterais-je que d’autres leur donnassent. Sinon, tout acte de charité irrégulière me blesse personnellement. C’est triste que la réalité ne cesse de s’éloigner de l’image idéale que je lui réserve, mais ce n’est certes pas ma faute s’il y a désormais trop de gratuité dans le monde.
While tight ass winces, wears a frown, or jerks
He who hands alms out may not smile, and smirks.
I, pokerfaced – not blindly – go my way
Hating capitalism anyway.
Those begging are still of the trading sort
And whine to exploit each flaw the giving sport.
I’d rather kiss or hug ye, hapless brothers
Since loath to stoop to humiliating others.
You’d think I’ve got a heart no one can touch;
It’s the reverse: I love us all too much.
You’d then presume I’ve got a twisted mind.
See, things are worse: I simply am too kind.
September 19, 2019
[Credit: Wellcome Collection]