i.
Puisque ton nom apparaît encore sur certaines listes
Où, sciemment, je ne l’ai pas fait remplacer :
S’il n’est plus prononcé, pour le moins
Il reste écrit par des anonymes.
Ce n’est que ça, un nom ;
Il existe aussi dans le vide, prononcé
À l’aveuglette, par des inconnus – on t’appelle
Au guichet, pour ainsi dire – et là, il a une force toute
Particulière : à Séville, tu cries ¡Toño!
Et tout le monde se retourne.
Même le nom le plus commun a ce pouvoir
Parce qu’il n’y a rien de commun dans un nom
Comme il n’y a rien de commun dans aucune personne.
ii.
Le piano reste muet.
Muet de toi, quoiqu’on y joue encore.
C’est ainsi qu’il en va des témoins muets :
Même quand ils sonnent encore, ça ne compte pas.
Le silence est toujours paradoxal.
Je m’en réjouis si je l’entends, ton piano
Mais ton jeu calme était reconnaissable entre tous et
C’était celui qui nous correspondait, à toi, au piano et à moi ;
Si c’est notre poulain qui y virevolte, c’est un tout autre
________________________________________instrument.
iii.
Je les nomme, ici. Une petite brique de deux cent millilitres
De jus de raisin, une paille. Alors que tu n’avais plus la force de
____________________________________________boire.
Tes derniers moments doivent rester cachées de la même manière
Que j’ai conservé les témoins de tes dernières envies
Inassouvies : conservés, mais enfermés sous clé.
J’en étais le témoin qui parle, et ça suffit.
N’en témoignera que ma propre soif
De toi, dorénavant inaltérable.
iv.
La mémoire est muette.
Le monde entier
Est devenu un témoin muet.
v.
Les fleurs sur ta tombe.
Leur bruit.
16 Février 2021
mercredi 17 février 2021
Témoin muet
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