lundi 28 avril 2025

Du salut sur terre

La gratitude est une chose, le remerciement en est une autre.
Certains jours, je sais ce qu’il faut que j’entende pour aller mieux tout de suite. C’est magique. Mais pas la peine de remercier l’artiste, la musique est faite pour. Comme tout art, elle sauve d’abord celui qui la fabrique. J’ai du mal à m’imaginer comment on peut être complètement heureux sans avoir fait quelque chose dont on est content, ne sachant donc pas comment on pourrait l’être en simple consommateur. La consommation du beau n’est certes pas mal – la preuve ! – mais le produire est cent fois mieux, pour peu qu’on veuille s’y atteler.
Parfois, ça va plus loin. La seule présence de quelqu’un apaise et rend même heureux. Sans recourir aux grands mots, il aurait fallu que je remercie quelqu’un pour avoir été là et de ce fait m’avoir sauvé. Je sais de qui je parle. C’est que pour quelqu’un d’étanche à la prétention des cultes qui promettent d’avoir le knack de le faire, il est formidable d’avoir été sauvé quand même. Et si jusqu’à présent je continue de l’être, comme ça, séculièrement, en toute profanité, sans le concours d’un transcendant charlatanesque quelconque, je n’ai hélas plus aucune possibilité pour démontrer ma gratitude. Alors, je fais comme si, en remerciant publiquement à la place  ce qui, j’en suis conscient, va dans le vide sidérant qui nous entoure.


Capable de survivre en solitaire, l’être humain n’est pourtant pas fait ___________________________________________pour.
Ce fut un long chemin pour arriver à l’autosuffisance
Un chemin très sinueux, très européen.

Mais même l’Européen, en principe
Autosuffisant en tant qu’individu par effort millénaire
Se trouve un peu dans la merde quand son système intellectuel vire _______________________________________au sérieux.

Je pense ce que j’ai envie de penser, il n’y a aucun doute là-dessus
Mais depuis que tu me fais défaut en tant qu’interlocutrice
Je reviens aux racines africaines de l’espèce humaine.

Je me fais chier comme ce n’est pas permis
Et on peut uniquement dire que je me débrouille quand même
Depuis que mon occidentalité d’être autosuffisant est mise à si rude _________________________________________épreuve.

27 Avril 2025

dimanche 27 avril 2025

Du besoin

Les besoins des gens sont différents, et souvent limités.
Pour la plupart d’entre eux, il n’y a aucun besoin
De lire des remarques comme celles qui suivront, par exemple.
Aller au-delà du strict intérêt physiologique
Est considéré comme une faveur que l’on fait au prochain.

C’est facile de dire : j’ai déjà tout, je n’ai plus besoin de rien
Mais s’il fait froid, tu te chauffes
S’il fait chaud, tu te cherches à boire
Et s’il se met à pleuvoir, tu ressens vite le besoin d’être au sec.
La réelle absence de besoins qualifie l’encore-plus-mort-que-mort, _______________________________________c’est sûr.

Puisque tout change, le besoin change, lui aussi.
Au fond, il reste néanmoins toujours pareil :
Telle cause, tel besoin –
On persiste tellement dans le besoin circonstanciel
Qu’on se demande si c’est vraiment fini après la mort.

Les Égyptiens, métaphysiciens, étaient convaincus du contraire.
Moi, qui ai enterré une princesse égyptienne
Car elle ressemblait de plus en plus à Néfertiti, ma fière
Je lui ai mis quelque chose dans le coffre de voyage.
Au cas où. Elle le sait, mais à vous, je ne le dirai pas. Nul besoin.

25 Avril 2025

samedi 26 avril 2025

A bacio del grembo

                                        “io lo posseggo: gelido.”
                                                                Quasimodo, L’angelo

La chaleur du corps n’est d’abord qu’abstraction
Chaleur ou froideur ne sont que des principes.

Pour savoir ou ressentir
Il faut la toucher, cette chair ou cette pierre :
Embrassé, le ventre dénudé s’avère un brin fiévreux
Et le marbre t’étonne, si chauffé par le soleil.

Je t’ai touchée morte
Mais même là-bas, là-dedans
Tu me semblais avoir gardé ta chaleur –
La mémoire était plus forte

Et puisque tu dormais et ne gisais point
Avec des sens plus aiguisés
J’aurais sans doute senti m’effleurer ton haleine
Et entendu battre ton cœur.

Comme le printemps chasse l’hiver
Comme le rite subjugue la logique
La vie l’emporte sur le gel
Même si ce n’est plus qu’une seule, la mienne.


[Die Wärme des Körpers ist zuerst nur eine Abstraktion
Wärme oder Kälte sind nur Prinzipien.

Um sicher zu sein und zu empfinden
Muss man ihn berühren, den Leib oder Stein:
Küsst du ihn, scheint dir der bloße Schoß fast zu glühen
Und der Marmor überrascht dich, so erwärmt von der Sonne.

Ich habe dich berührt, als du schon tot warst
Doch selbst dort unten und da drin
Glaubte ich, noch deine Wärme zu fühlen –
Die Erinnerung war zu stark.

Weil du nur schliefst und nicht im Tode ruhtest
Hätte ich, wären meine Sinne fein genug
Zweifelsohne deinen Atem auf meiner Haut gespürt
Und dein Herz schlagen gehört.

Wie der Frühling den Winter vertreibt
Und der Ritus die Logik bezwingt
Siegt das Leben über den Frost
Auch wenn es nun nur noch eines ist, das meine.]


24. April 2025

vendredi 25 avril 2025

Souvenirs de jeunesse

1. Le temps des intérêts

Dans mon adolescence, certains du même âge auxquels je m’intéressais m’ont justement reproché de faire trop attention. Ils me disaient que j’avais tort de toujours les observer, car de ce fait je les mettais mal à l’aise et leur donnais même envie de me fuir, m’assurant qu’ils se rendaient parfaitement compte qu’aucun mouvement, fût-il le plus fugace et subtil possible, n’échappait à mon regard implacable, que le moindre frissonnement de leurs lèvres était enregistré, et qu’on le voyait à mon expression, puisque je ne m’en cachais même pas. Je me taisais, mais j’aurais dû leur répondre insolemment : Et vous alors ? S’il ne leur échappait jamais que rien ne m’échappait, qui a observé qui, en somme ? On était tous pareils, non ? Comment ont-ils pu prendre la mouche et se faire passer pour des innocents ? Des minauderies de leur part, voilà ce que c’était !

Quand je me penche sur le passé
Le passé très ancien, presque l’enfance :
Que de reproches ! On en subit à la pelle dans sa jeunesse.

Il a fallu grandir
Grandir sans énormément changer
Pour que ces reproches diminuent, puis cessent.

Il a fallu tout de même
Que j’arrête de m’intéresser de la sorte
Pour que mon regard, pourtant resté froid, ne scandalise plus.

En fait, on m’a reproché de ne m’intéresser
Qu’à moi-même, de ne suivre que mes intérêts à moi
Lorsque j’étais persuadé de porter de l’intérêt à quelqu’un d’autre.

Cela m’a appris une chose extrêmement simple :
Il faut classer les objets de nos intérêts
D’après leur degré de distraction.


2. L’œil de la Providence

À la même époque, j’avais systématiquement l’impression « qu’il ne se passait rien » puisque je n’étais pas au bon endroit, qu’il me fallait déménager où se passaient les choses, et que ma seule difficulté était de le trouver, cet endroit magique, le centre des événements, convaincu qu’une fois arrivé, je serais entraîné d’office dans le grand tourbillon. Je ne savais pas encore que ma nature contemplative ferait de moi, où que je sois, un simple spectateur, et que ma passivité d’observateur me condamnerait à tout jamais à rester en dehors du jeu.

On se demande
Si tout n’est pas un problème d’œil divin.
Dieu voit tout, comme on sait
On ne peut rien cacher à son machin triangulaire
Mais il n’agit pas, n’entre jamais en jeu et ne participe à rien
Tout ce qui arrive sur terre
Se passe sous son regard sans qu’il interfère.

Paresse ou incapacité, nonchalance ou impuissance ?
Si sa passivité face aux déflagrations
N’était pas pareille à la nôtre, celle des poètes
Autrement dit, d’esprits purs dans leur tour d’ivoire
Ce serait franchement inexplicable.

Il faut nous pardonner les choses, comme disait l’autre.
On est acteur ou public, jamais les deux à la fois
Et en tant que public, on ne peut qu’applaudir les acteurs
S’affairant, excités, en contrebas, sur la scène
Pour peu qu’ils nous convainquent
Et que la pièce soit dès lors bien jouée
Même s’il s’agit d’un drame grotesque et des plus sombres.


23 Avril 2025

jeudi 24 avril 2025

Professions de foi

Tout à coup, il s’excite, lui aussi incapable de se retenir : « La sécrétion, gluante d’humanisme, de braves gens a fini par inonder tout le petit espace littéraire. La suavité de leur sourire ne trompe pourtant pas : ces pacifistes qui l’excrètent avec, à la bouche, la pureté des enfants, auparavant ont fait évacuer brutalement la salle, vidée de tous ceux qui refusent de jouer aux révérends pères, dont aucun miel ne tombe des lèvres doucereuses lorsqu’ils s’affairent. Or, uniquement nos pédophiles déclarés ont le droit d’épancher leur émoi constant sur le sexe inabouti des anges, et aux seuls papes, dignes successeurs de pornocrates, il est loisible de prêcher, urbi et orbi, la paix sur terre, silence des armes en principe obtenu cul nu, par soumission intégrale. Comparée à eux, et à leur terrible conséquence, l’inconsistante poétaille ne se présente pas seulement en amas écumeux, mais cette masse étoilée, aux limites floues, est par surcroît d’une inutilité flagrante. Grâce à l’indifférence du public, leurs déjections abjectes, possédant dans le meilleur des cas le charme du puéril, s’exposent désormais sur les étals des places les plus illustres. »
L’autre lui répond calmement, mais avec quelque vigueur : « Mais qu’est-ce que tu as donc contre les flics gentils ? Ne sois pas, toi aussi, gangrené par les bons sentiments ! Voudrais-tu retourner à l’époque barbare où les exécuteurs des hautes œuvres étaient tous des staliniens ? Le mielleux en stalinien, cent fois pire, ravageait jour et nuit notre monde étriqué, même s’il y avait encore, ça et là, des purs et durs dans le peloton. »

En matière de croyances
On est automatiquement dans de beaux draps :
Bougre ! Dès qu’on en parle
On les trahit – et l’on se trahit, et je ne sais quoi encore.

Le pape qui vient de décéder, par exemple
Pas pornocrate pour un sou, car cette époque est revolue
Mais un gars ayant probablement la veine pieuse
Ce pape honnête, il va être déçu.

C’est ce que je me dis à chaque fois
Que l’un d’eux s’en va
Sûr d’être reçu par une accolade de la part du maître des lieux
Et personne à l’accueil, rien, pas même un diable.

Bon, il ne s’en rendra pas compte, le pauvre
Puisque, justement, l’occasion ne le lui permettra plus
Mais même dans le noir le plus complet
Une déception reste toujours un peu une déception.

La certitude que j’ai, moi, de retrouver ma belle
N’a rien à voir avec ça : si l’espoir nous faisait défaut
Même sans être sectaires, on ne se racontait jamais de blagues
Et voilà pourquoi, fût-ce dans le vide, inséparables on se rejoindra.

Maintenant, ceux qui sont convaincus de mille et une choses
Et en professent le double
En vrais pros, tout chez eux vise la félicité ici-bas et rien qu’elle
Alors qu’aucune ressource n’est gaspillée pour l’au-delà.

22 Avril 2025

mercredi 23 avril 2025

La sublimation finit à la tombe

La sublimation finit à la tombe
Elle ne s’y arrête pas, elle y finit.

Désormais, je dors seul dans mon lit
La tentation est moindre, je devrais donc sublimer

Ma tâche biologique, je l’ai du reste accomplie
J’ai déjà proliféré
Restait la sublimation.

Elle était difficile avant
On sentait trop la chair

Maintenant, c’est l’absence
C’est la proximité mentale de l’ossuaire
Qui m’empêche de sublimer.

21 Avril 2025

mardi 22 avril 2025

D’inavouables ressorts

Se sachant belle
Elle aimait me procurer du plaisir
En un certain sens tout simplement maternelle

Mais il n’y avait rien d’incestueux
On était à égalité.

C’est acceptable d’avoir un truc maternel
Comme un petit penchant venu droit du fond des âges
Face à l’autre qui, lui, peut faire preuve de réflexes de protection

Mais c’est infinitésimal.
Maternalité ou paternalité à doses homéopathiques
Sinon, c’est ignoble, on a envie de prendre la poudre d’escampette.

Je ne supporte déjà pas
Qu’on me beurre ma tartine le lendemain.

Il faut que tout soit profondément lié au plaisir
Il faut entendre le rire de l’autre derrière
Nos purs éclats de camaraderie

Lorsque, naturellement, on se permet
D’avoir recours à l’anachronique
Aux ressorts inavouables.

20 Avril 2025

[ILLUSTRATION : FILS]

lundi 21 avril 2025

Persistance

i.

Elle persiste.
Je savais bien qu’elle allait me rester
Mais elle persiste plus intensément qu’une image.

En attendant, le temps avance un petit peu sans la chasser.
La tolérant auprès de soi, il lui suffit d’évoluer
En surface, dans les profondeurs, elle

Me contemple de manière drôlement fixe, du regard qu’elle a
Lorsqu’elle se met à m’observer, avec tendresse
Et un brin d’amusement

Telle une mère qui contemple son enfant en train de jouer
Car elle me dépasse désormais beaucoup en âge
L’éternité lui donnant de la bouteille.

Parfois, elle posait donc son regard longuement sur moi
Il me fallait faire une blague pour briser le charme
Mais souvent, ça ne marchait même pas.

Dorénavant, pareille pudicité serait mal à propos.
Je le sens, son regard, je le laisse sur moi
Et ne réagis plus

Tout en sachant que je ne mérite pas autant d’amour.
Ou peut-être enfin un peu. En tout cas
C’est en regard qu’elle persiste.

Puisqu’elle ne se détourne pas
Sa présence, son accompagnement est
Apaisante observation. Si peu a changé, après tout.


ii.

J’ai une telle envie de la rejoindre
Que je me transforme tout entier en son égal
À mon tour rien que regard, rien d’autre
C’est pour lui répondre.

Puisque nous n’avons plus besoin de nous parler
Nous nous limitons aux regards soutenus
C’est à travers eux que nous communiquons
À la manière des morts.

La connivence manifeste qui nous unit
Débarrassée des mots
Fait de nous de simples formes
De mutuelles omniprésences aériennes.


19 Avril 2025

dimanche 20 avril 2025

Du neuf

i.

Tout s’ancre dans un passé composé
D’expériences drôlement complètes :
Je doute que j’aie changé d’opinion
Ou même senti d’autres émotions.

Je me souviens des combats de jeunesse
Et me rappelle mes émois enfuis ;
Ces occasions, je ne les ai plus eues
Mais c’était bien moi qui les ai vécues.

Puisque je comprends toujours qui j’étais
Il me plaît de répéter mes erreurs.
N’apprenant jamais rien, je me fabrique
Ma collec d’étincelles mirifique.


ii.

L’arbre devant ma fenêtre est parti très vite.
Il y a quelques jours, encore rien
À peine, en guise d’espoir, des bourgeons minuscules
Puis les fleurs sont arrivées presque en même temps que les feuilles.
La désolante nudité pendant ce très long hiver en valait la peine.

J’ose me comparer.
Toujours rien
Peut-être un léger balbutiement, va savoir
Mais vous n’allez pas en croire vos yeux quand tout éclatera au même
_________________________________________instant.
Eh, les gars, c’est rien que pour ça que je me retiens encore.

 

iii.

En principe, le nouveau se distingue de l’ancien précisément par sa nouveauté. Même si c’est peu de chose, cela suffit pour lui conférer un certain attrait à première vue. Or, c’est le charme du neuf qui, hélas, ne peut que pâlir d’envie face au charme de l’ancien. Le nouveau doit d’abord faire ses preuves, et lorsqu’il les a faites, il a cessé d’être vraiment nouveau. Le seul nouveau qui a peut-être quelque existence réelle est le nouveau vieilli, le nouveau condamné à friser l’ancien. Moi, personnellement, frisant la vieillesse, dans ce cas, je ne le trouve pas très intéressant, et encore moins souhaitable. Mais à qui le dis-je ?


Avant, j’entendais le périph.
On a modernisé, limité la vitesse, je ne l’entends plus.
On a modernisé, oui, le voisin a installé une pompe à chaleur.
Je l’entends.
Le bruit du périph était moins désagréable car changeant.
Le ronron plus moderne de la pompe à chaleur est toujours pareil.
Qu’il ne change jamais est vraiment emmerdant.
Ce n’est pas une surprise, on ne peut pas
Se soustraire à la modernité qui ne change pas.
C’est ça la vie. Rien ne s’améliore
Mais les choses évoluent vers l’identique généralisé.
Cette néoplasie indique une espèce de cancer ;
Seulement dans la tombe la vie te foutra enfin la paix
Et tout ne sera plus toujours pareil.


iv.

J’ai trop bougé
J’ignore ce qui est un peuple, ein Volk
Ou comment faire pour l’être

Mais je sais qu’il meurt
S’il ne se renouvelle pas en se transformant.
Je reconnais l’agonie de masse.


v.

Le neuf, c’est du vocabulaire
Je suis assez âgé pour l’avoir entendu.
La langue change même au cours d’une seule vie.

Si j’entends la langue du passé
Je m’en rends compte, elle sonne désormais
Non pas démodée mais un peu perdue.

Ce qui est perdu est un peu comme la musique
À la limite du rêve
Si ce n’est pas exactement la musique du moment.

L’entendre te rend heureux et triste
Ou plutôt triste et heureux
Je ne sais jamais ce qui vient en premier.

Le neuf en revanche, dès que tu t’y trouves embringué
Les choses sont très claires, et c’est gênant :
Il n’y a plus aucun doute sur rien, et pas la moindre contradiction.


18 Avril 2025

samedi 12 avril 2025

Lorsque les musclors s’y mettent

Ayant toujours pris certaine philosophie française pour un phénomène essentiellement mondain, et ses représentants pour de phénoménaux dragueurs en peau de lapin philosophe, je me trouve confirmé par une vieille nouvelle d’Ovalie.
« Arrivé à l’intersaison, le double mètre sud-africain Ross Carson Skeate, 30 ans, 116 kg, s’est affirmé comme un titulaire indiscutable de la deuxième ligne agenaise. Et tout le reste n’est pas que littérature. Le tatouage est sur sa cuisse droite : “ A man is nothing else but what he makes of himself ”. Traduction : “ L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il fait ”. Tirée de “ L’existentialisme est un humanisme ”, la citation est de Jean-Paul Sartre. » [Source, également des approximations parlantes : La Dépêche, le Petit Bleu d’Agen. 10/10/2012]

 

1. En mode métaphysico-gnomique

La peau, voulant se faire oublier, tourne au translucide
Mais, du coup démodée, se met à briller de plus belle.
Celui qui voudrait voir à travers elle
La confond couramment avec la chair, sitôt turgide

Puis, convaincu à tort qu’elle a fini par disparaître
Perdu face à cette énigme éternelle
Évacue de sa tête même ce qu’elle révèle
En croyant regarder juste à travers une fenêtre.

Y a-t-il de champ plus large que celui, anatomique
Qui s’offre sous un voilement que scelle
Telle une neige le désir qui mêle
Le fatidique instant au calme d’un présent gnomique ?

– Veux-tu être œil ou vue ? – J’hésite à force de devoir
Aussi percer ma pellicule à moi pour percevoir.


2. En mode polysémico-comique

– As-tu déjà senti le pouls pervers de l’univers
Cet œuf durci, à la fois extensible et rétractable ?
– Oui, je l’ai fait, bien sûr, en l’écrasant contre une table ;
Entends alors ce que j’ai découvert :
 
Indépendamment de son aspect, clair, café crème ou bariolé
L’œuf, une fois écalé, est tout blanc tout nu.
En retirer la peau est une tâche plus ardue.
– Y inclus-tu aussi, coco, celui rosâtre ou violet ?

– Je parle d’œufs en général, et comment on les pèle.
– Seraient-ils comestibles ? – On les gobe, ou les avale
Libérés de leur tégument, fourreau, coque ou écale.
– Tu as raison de préciser car ton ton m’interpelle.

– Tonton n’y connaît rien aux œufs, c’est moi qui te réponds.
– Mais c’est toujours tata la poule qui les pond.


4 Avril 2025

mardi 1 avril 2025

Das Bild bleibt scharf

   „… im Scheitern nicht entlarvt“
                                       Jaspers. Cusanus, 6,2


i.

Steig ungern in die Dunkelheit
Hinab, bleib lieber oben
Doch wenn es sein muss, kann ich auch
Der Hölle Blitze loben.


ii.

Ihr bittet mich um nichts, drum tu ich nichts
Red mit mir selbst im schattigen Abseits
Fall keinem auf, doch wäre stets bereit
Und träte anstandslos ins hellste Licht.

Wer nur so dasteht, sieht, wird nicht gesehn
Beobachtungen häufen sich zur Fülle
Und scheint euch auch, es mangeln Schneid und Wille
Fehlt höchstens der Reflex sich wegzudrehn.

Das Restchen, das noch lebt an Gegenwart
Genügt, das Heft zu zücken und zu schreiben
Von Stillstand, denn es lohnt sich erst, zu bleiben
Wenn, was sich regen sollte, auch verharrt.

31. März 2025