vendredi 16 mai 2025

Archaïscher Torso

„Nähe des Wunsches, zu sterben, weil ich die Sehnsucht nach dem ‚göttlichen Knaben‘ nicht länger ertrage. Gottlob schlief ich etwas.“
                                                                       Thomas Mann, Tb 6.8.1950*

Der Thorax, der durch Poren sieht, wenn nicht
Gar Nippel wie Pupillen, ist ein Bild
Das den erröten lässt, der ihn erfühlt –
Den Gott, noch im Fragment, ohne Gesicht.

Was alles wäre, bleibt auf je unsagbar:
Kannst du der Sonne denn, rücklings im Gras
Ins Antlitz blicken ohne schwarzes Glas?
Wahrheit ist ungefiltert nicht ertragbar.

Ich wüsste nicht, warum wer nicht verstünde
Der nackten Brust mehr als dem Kopf zu trauen
Des andern Haut, nicht Augen, anzuschauen

Als sei die pure Lust schon Durchschnitt, Sünde
Als bräuchte es auch noch Freundschaft, wenn man liebt
Und Einverständnis, das es eh nicht gibt.

16. Mai 2025
 
* etwas nüchterner, aber auch schüchterner als Rilke der so billigen, so alltäglichen und natürlichen Schönheit eines jugendlichen Oberkörpers ansichtig geworden. Immerhin wurde Apollos Brutalität erkannt.

lundi 12 mai 2025

Vue de loin, vue de près

 i.

Une partie de toi, je l’aperçois
Bien mieux depuis que tu es loin de moi –
Il a fallu cette distance pour
Que notre proximité soit à jour.

Avant déjà, l’absence servait notre
Unité mieux qu’être l’un avec l’autre ;
La vue est souvent floue d’un peu trop près
Lorsqu’on a ses binocles sur le nez.

Pour étudier le détail d’à côté
Fort myopes qu’on était, on les ôtait
Embrassant à l’œil nu les grandes causes
Telles mes lubies ou tes lèvres roses.

Même la mémoire, elle, n’est point nette :
Je ne sais plus, quant aux fichues lunettes
Si je t’ai enterrée avec ou pas
Vu que tu m’es si proche au loin là-bas.


ii.

Le soir, au lit comme enfoncé dans un sillon
J’attends parfois très tard, mais je ne sais plus quoi
Car tout s’embrume quand l’esprit reste immuable.

Or, je ne vois pas de conclusion plus probable
Qu’en fait, j’attends encore ton retour à toi.
Qui d’autre cela pourrait-il être, sinon ?


iii.

Le nez se fait oreille, et la peau mue en œil
Le cerveau sent, la langue voit ou s’imagine
Rien n’est plus perçu par l’organe d’origine –
Ainsi, mille bonheurs deviennent un seul deuil.


7 Mai 2025

jeudi 1 mai 2025

La chemise

Je vis dans une mégapole tout de même, et dès que je sors de ma tanière, il y a des choses à observer. Peut-être pas grand-chose, mais des choses.
Cette après-midi par exemple, en prenant le métro, mon attention fut attirée par deux personnes descendant l’escalier devant moi, couple assez spécial, constitué d’un garçon, vaguement indien, d’environ vingt ans, à la crinière bouclée, les longs bras dénudés ultra-minces ornés aux poignets de bracelets tressés genre Lembrança do Senhor do Bonfim da Bahia, pantalon large genre jupe, top en soie noire genre chemisier tombant, petit sac à main de nana, véritable apparition accompagnée d’un mec ordinaire. Si ordinaire que je pensais : dis donc, chez les ordinaires, ils ont parfois de ces apparitions dans la famille... De prime abord, je ne pouvais pas m’imaginer un lien autre que celui dû au hasard du sang.
Une fois dans la rame, je me débrouillais pour être assis en face d’eux, et je constatais que ce garçon, à la pomme d’Adam saillante et à la voix tout à fait masculine, tripotait ses beaux cheveux sans cesse, qu’il recelait au fond de son sac à main un minuscule flacon de parfum, cherché plusieurs fois pour se tamponner sous les lobes après avoir écarté d’un grand geste son abondante chevelure, et que, riant sans cesse de façon presque maladivement affectée, en dépit de ses lunettes qui lui conféraient un petit air intello, il était si bêtement maniéré qu’il ne pouvait que m’émouvoir, notamment parce que, nonobstant ses énormes efforts, cette créature n’était pas aussi jolie que ça en fin de compte – du prolo lourdement pomponné, somme toute, et hélas ils ne savent pas se pomponner en finesse, les pauvres. Puis, tourné vers lui et semblant
l’admirer, à ses côtés ce type assez rustre, trapu et barbu genre islamiste, en apparence pas la moindre ambiguïté dans le regard franc. On lui aurait donné le bon Allah sans confession.
S’agissait-il en vérité d’un couple de tourtereaux ? Manifestement oui, car en se levant le garçon efféminé prit le type par le bras, et juste auparavant, celui-ci lui avait souri trop suavement pour un homme non amoureux. Le dernier doute était levé lorsque je me rendis tout à coup compte que l’élément viril portait, un peu ouverte sur le torse, une chemise avec plein de broderies fort colorées, genre cadeau fait au nounours par madame. Il m’a fallu arriver presque à la fin du spectacle pour le remarquer, tellement la dégaine flamboyante du garçon délié avait monopolisée mon attention bienveillante.
Quoi en déduire ? Que le genre est flou même chez les barbus, les velus et les hirsutes ? Non, mais que j’ai toujours un certain nombre de préjugés qui m’empêchent de percevoir tout de suite une chemise outrageusement brodée, pour peu qu’elle soit portée par quelqu’un qui,
a priori, n’attire pas mon attention d’ethnologue partial. L’œil du poète a encore des efforts à faire.


Lorsque l’œil participe, il ne participe qu’à moité
L’autre moitié, ce n’est pas tellement l’œil
L’autre moitié, c’est la chemise.

Pourquoi faut-il toujours en porter une ?
Serait-elle plus forte que tout ?
S’imposerait-elle ?

Moi, qui apprécie plus que toute autre chose la retenue
J’ai dû apprendre que sans un peu de visibilité
L’énigme même reste cachée.

29 Avril 2025