dimanche 24 juillet 2016

Steel Sharpening Steel

En passant devant la glace
Furtivement comme un soupçon de moi enfant
Oui, ma bouille d’enfant
Sous la touffe de moi enfant, l’épi inclus.
Cette glace, plate et oublieuse en apparence
Mais qui m’a connu petit
Aurait-elle conservé des empreintes
Pour les sortir le moment voulu ?

Je vérifie et voilà de nouveau moi
Comme je suis en ce moment.
Déception rassurante.

L’acier aiguise l’acier
Et la réflexion, la réflexion :
Étais-je autrefois plus intensément moi-même ?
Le suis-je maintenant moins, ou de façon moins durable ?
L’impression, trop fugace, ne permet pas d’en juger
L’image qui reste étant celle du présent.

Elle se refuse à toute comparaison dans le calme
Cette glace, trop lisse pour qu’on la mette au pied du mur.
« Non, non, je n’ai rien dit ! » affirme celle
Qui n’est pas un témoin fiable.

Impossible de coincer ce qui est
Autrement que par d’autres présences.
Impossible également d’être frappé par autre chose
Que ce qui n’est plus.

23 Juillet 2016

mercredi 20 juillet 2016

La tâche du poète


i. Matin d’été

Au réveil
Le tableau suivant :

Ouvrir les yeux pour voir
Ouvrir les oreilles pour entendre
Ouvrir la bouche pour bâiller.

Trop tôt ? Un problème d’ouverture ?
La pièce proposée manquerait-elle d’intérêt ?

Dans ces cas
Quelle solution ? Je n’en vois aucune
En dehors de refermer la boutique.

L’effort que fait un homme peut être en vain
Tous ses sens en éveil.
Pour le moins, les orifices du bas sont restés clos.
Ça viendra.


ii. Chantier en été

Le chantier en face est bruyant
Ils travailleront l’été durant, semble-t-il
Et le poète reste en ville cet été.
Cet été comme les autres étés.
Le poète, donc sédentaire
Observe comme cette ville se vide
Le chantier restant bruyant.
Le poète n’a pas envie de se déplacer
Puisqu’il lui manque les moyens de le faire à sa façon
La perspective des récits de vacances
Qu’il devra entendre à la rentrée
Le dégoûte déjà
L’été à peine commencé.
Le chantier reste bruyant
Et ce poète se demande
Si ce n’est pas le meilleur cadeau
Que la ville, ironique, lui fait cet été.
Ils sont méchants, les clins d’œil de la ville.

18 Juillet 2016

samedi 16 juillet 2016

Avant, lorsque c’était la saison

Avant, lorsque c’était la saison
Le ruisselet se gonflait en torrent.
Alors, c’était beau à voir
Son irritation était belle
Avec ses tourbillons en cascade, écumant par-dessus la roche.
Maintenant, il reste calme l’année durant
Et c’est cette régularité qui énerve le plus.

Avant, lorsque c’était la saison
Des sentiments très forts, n’est-ce pas, vous voyez la symétrie.
Je me foutais si c’était beau à voir ou pas ;
Dans tous mes états, je ne me regardais pas dans la glace
Ça a dû donner ce que ça a dû donner
Mais toujours mieux que pareil au même l’année durant
Bien qu’il soit vraiment idiot de s’en plaindre.

Allez dans un zoo.
Vous y verrez des bêtes imperturbables
Et d’autres en éternel émoi
Et d’autres encore paraissant inertes avant de brusquement
___________________________________________bondir.
C’est tout ce beau monde qui fait un zoo
Et moi, je suis à classer parmi ça.
Trouvez-moi simplement la cage qui me redonne mon ancienne
___________________________________________liberté.

14 Juillet 2016

jeudi 14 juillet 2016

Courage

[Normalement, à l’heure où l’on aurait besoin de courage, le courage manque. Le courage, tel un sourire, n’est là qu’en période paisible. Mais pourquoi est-il si étourdi et n’arrive jamais quand il le faut ? Qu’est-ce qu’il a, ce courage, à répondre présent lorsque nous rêvassons sur notre canapé pour nous lâcher sur-le-champ dès qu’il a l’occasion de se montrer ? Aurait-il peur de son ombre ? Je ne pense pas. Je pense que le courage, en fait, n’existe que de loin, et en état couché pour ainsi dire, qu’il est un très joli tigre de papier qui à distance, et couché, ressemble un peu à un vrai. Et je pense en outre que c’est bien fait ainsi. C’est-à-dire que l’illusion du courage, ou disons plutôt : un épouvantail en loques nommé courage, suffit pour la vie d’ici-bas. Que c’est comme avec la dissuasion nucléaire.

Et que dire de ceux qui, face au danger, au lieu de confier leur défense à un épouvantail ou tigre en papier, en font preuve à l’instant voulu, leur courage debout et droit comme un i ? Eh bien, il se peut que ce courage-là, à le regarder de plus près, ne soit pas, lui non plus, du bon courage mais plutôt une habitude qui, endormie, continue son train-train mécanique alors qu’elle ferait mieux de se raviser et cesser toute activité. Il se peut donc que ce courage soit simplement dû à l’exécrable inertie de l’habitude, qu’il soit de la passivité coupable devant l’épreuve, passivité tellement molle et monstrueuse qu’elle empêche le courage de prendre la poudre d’escampette et transforme la personne toute entière en somnambule. Alors, je vous le demande, n’est-ce pas mille fois pire que rester couché ?]

Boldness and mettle typically coming unlettered
I guess it’s cowardice that breeds the epic poem.
I wish I knew if this condition could be bettered
By having heroes drop their guts or just forgo ’em.

Feat’s trigger may be petty, chants the poet
Grandeur needs some editing out to elicit things
Reality is far too nondescript to show it –
So let us hark at gutsy bellie when it rings.

Would it enhance the story or would it be quite as
Reductive as the penning of a porno drama
To tell the cramps and bowel movements of the fighters
Before the battle as part of the panorama?

Sure, fleshly impotence breeds the heroic cocktail
Boldness and mettle typically coming unlettered;
He who has got a gelded tiger by the bobtail
Couldn’t care less if this condition should be bettered.

July 13, 2016

mercredi 13 juillet 2016

Where Angels Fear to Tread


i.

[Die Hauptrollen des einen Lebens sind nun einmal die Nebenrollen des anderen. Es kommt auf den Blickwinkel an: steht das Herrenhaus im Mittelpunkt oder das des Gesindes.]

Le rocher, sauf accident majeur, ne bouge pas
Et la mer, si elle s’agite un instant
Finira de nouveau étale.

C’est toujours un simplet
Qui se prendra pour le Sauveur
Et allumera la flamme, dite éternelle.

Le désordre, engendré par la méprise
N’atteindra ni rocher ni mer, le royaume de la flamme
N’est pas de ce monde-là, il est du nôtre. Le simplet est du nôtre.

Il est bien qu’il y ait des limites entre les éléments
Des séparations infranchissables
Même pour le vent

Qui soufflera sur la flamme éternelle
Avant que les eaux ne l’éteignent.
Le rocher, lui, ne bougera pas.


ii.

[Ja, die einen sagen nicht, was sie denken, und die anderen denken nicht, was sie sagen, ob nun Herr oder Gesinde. Vielleicht sagt der Herr zum Gesinde, was er denkt, und das Gesinde zu anderem Gesinde, vielleicht sogar der Herr zu anderem Herrn, doch sicherlich nicht das Gesinde zum Herrn.]

Dérangées, les chauves-souris s’envolent.
Tout d’un coup, le ciel se noircit en théâtre de
Dérangement. Puis, comme toujours, ça s’arrange.

On peut préférer le calme éternel aux brusques
Affolements qui l’assombrissent
Mais la nature est indécise.

Fois après fois, l’appréhension s’oppose au calme
Car, vue de près, la nature est petite et
Ses limites la séparent du grand

Qui n’a ni peur
Ni besoin de simplets
Imitateurs de chauves-souris.

Grandeur ressemble en cela à la grotte
De nature sombre d’où ça s’est barré au grand large
Brusquement affolé, supposons-nous, par l’apparition d’ombres.


iii.

[In einer Welt, in der jeder weiß, dass er einen Blickwinkel hat, darf auch jeder wissen, was sein Stand ist und wann sein Standpunkt gilt, aber da, wo keiner weiß, dass er ja nur so seinen Blickwinkel hat, ist auch das Wissen um die Stände verloren gegangen; da lügt man sich lieber gemeinsam in die Tasche und faselt etwas von Demokratie.]

Tant de raisons d’espérer !
Espère parce que tous espèrent
Espère parce que personne n’espère

Espère parce que quelqu’un espère, ou
En espérant que quelqu’un espère
Ou espère pouvoir espérer.

Le rocher, lui, ne bougera pas.
Raison de plus d’espérer
Ou de désespérer ?

Il y a bien de ces seuils entre les éléments
Seulement ils sont sans efficacité
À la recherche d’une vérité.

C’est que l’essaim réagit
Au semblable, pas au dissemblable.
Réagir au dissemblable serait le grand art.

13 Juillet 2016

mardi 5 juillet 2016

Dry Season

Die Trockenblumen waren auch schon mal lebendiger. Die vertrockneten Gesichter ebenfalls. Vom vertrockneten Leben ganz zu schweigen. Aber man hat ja die Erinnerung. An vergangene Frühsommernachmittage beispielsweise. Was präzise ablief, daran erinnert man sich noch recht gut – vor allem das „Gefühl“ ist geblieben – doch hier im Gedicht soll es nicht vermerkt werden. Das Gedicht ist die Trockenblume, nicht dasjenige, worauf sie hinweist. Wer Fleisch möchte, sollte keine Trockenblumen in Betracht ziehen, sondern verwesende Kadaver. Von denen hat er mehr. Das bisschen Metaphysik, das sie in bleibende Kunstwerke verwandelt, kann er sich dazudenken. Wofür sind Kadaver denn da, und wofür ist er denn Leser?

When tears are dry, you may remember them –
Your mug is dry;
As long as they roll down, there is no way
To see behind.

Keep weeping, otherwise you will not touch
Me, I’m as blind
As wailers are, there is some justice in
This wet-and-dry.

Let this then be our solace: All things lost
Are of one kind;
To be recovered they are burning for
A burnished eye.

July 4, 2016