mardi 6 décembre 2016

Musée privé


1. Cadeau d’anniversaire

Elle a fait réparer mes poupées.
De très vieilles poupées, cassées depuis une
Éternité, par ma faute en quelque sorte.
Ne voulant pas les voir si abîmées
Je les avais rangées loin, puis à peu près oubliées.
Sans mot dire, elle les a ressorties et portées chez le spécialiste.

Ce n’étaient pas vraiment mes poupées, c’étaient celles
De ma grand-mère. Moi, garçon, je n’en avais pas eu
Mais, jeune homme, j’avais déniché celles-là.
Un héritage, bientôt cassé, puis rangé loin et à peu près oublié.

Réparées, je peux de nouveau les voir.
Or, il faut maintenant que je leur fabrique un lieu.
Quand on me sort des souvenirs brisés, quand
On me les colle et rend présentables, moi
Il faut que je leur trouve un écrin.
Ça, c’est mon boulot à moi, personne
Ne peut le faire à ma place.


2. L’insondable vérité


À force de collectionner
La maison est devenue un musée privé.
Qui dit musée, dit passé.
Ici, il y a bien plus de musée que de passé.

Je me rappelle l’histoire de chacune de ces choses
Mais elles ne me font pas un passé
Elles le remplacent plutôt
Ou plutôt, elles le remplaceraient si seulement elles le pouvaient
Parce que, pour être exact, elles ne remplacent rien
Elles sont juste entassées avec leurs fichues histoires
Dont, faute de passé, je me souviens beaucoup trop.
Trop frais, tout ça.

Si vous voulez venir me voir
De grâce, n’apportez rien, j’ai déjà tout.
Je ne dispose plus d’aucun coin libre, chez moi
Tout s’accumule et se chamboule
Désordre vital qui, certes, vous enchantera
Ou qui vous révulsera, c’est selon.
S’il ne vous laisse pas carrément indifférent
Car je la connais, l’insondable vérité des musées.


6 Décembre 2016

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