vendredi 21 décembre 2018

Si je pouvais te dire


i. 

Voici mon conseil pour un été réussi : c’est l’essartage qui compte.
Mettez-vous d’abord à l’aise, allongez-vous sur une des nappes et attendez le professionnel qui s’occupera de vos oignons. Donnez-lui votre consigne qui sera respectée. Soyez le plus succinct possible, limitez-vous aux points cruciaux. S’il est de bon aloi de laisser au-dessus une petite touffe proprement délimitée, genre jeune pubère, il faut faire partir tout le reste, c’est obligatoire de nos jours. Votre toupillon circonscrit et taillé, le traitement subséquent sera effectué avec délicatesse. Pour avoir une surface convenablement lisse, on pensera, messieurs, à bien étirer et votre membre et vos bourses en les pinçant légèrement, sans écraser les parties. L’application, et aussi le retrait, se feront en douceur, toujours dans le sens du poil. Le sillon qui s’ouvre juste derrière, autrement dit la raie, se débourrera en dernier. Ici, on pourra tirer à volonté. Dans aucun cas on n’aura enduit avec du produit acheté en commerce, ce sont encore l’eau de source, le sucre en poudre, le miel d’acacia et trois gouttes de citronnade de Corse AOC qui font le meilleur mélange. L’imberbité voulue atteinte, notre spécialiste balancera la boule empoilée dans le bac approprié et vous fera admirer vos propres reflets nacrés dans une belle glace à main, discrètement grossissante. Vous vous rhabillerez, réglerez en espèces, puis partirez sans tarder, le cœur léger, en vacances. À renouveler dans les trois mois.

Il est bien loin le temps des Argonautes
À la recherche d’une toison d’or ;
Je me demande bien à qui la faute.

De la toison n’est resté que la motte.
Oui, tout autour rien que roseur de porc.
Si tu veux le savoir, je te dis : crotte !

Nous v’là partis en course à l’échalote !
L’anti-fourrure est dès lors le plus fort.
Mais où est la bâton, où la carotte ?

Toi qui as toujours tenu aux marottes
Quel bon emploi feras-tu donc d’un corps
Plus nu et dépouillé qu’une entrecôte ?

Revenez vite, héros de la flotte
Et racontez-nous vos exploits d’alors
Vécus le long d’exubérantes côtes !

Afin qu’on puisse prendre quelque note
Mettez, vous aussi, vos secrets dehors !
Et que Tiphys, par ses vues de pilote
Nous apprenne à chercher plus loin encor.

ii.

Jeune homme, mettant la fuite du temps en belle forme
Vieil homme, en ayant connu un beau bout :
Prévoir fait certes d’émouvants poèmes
Mais vivre n’est pas comparable.

Si je pouvais te dire ce
Que je ressens quand je te
Vois la tête ébouriffée de si peu
L’incertitude des sentiments, balayée.

Faut-il avoir duré pour savoir la durée ?
Le temps n’est qu’ornement, il est aussi armure
Et s’il s’avère plus brutal, il est aussi moins obstiné que nous –
C’est tout ce que je vois quand je regarde. Ô voyage !


21 Décembre 2018

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