lundi 3 avril 2023

Du choix

i.

J’ai un copain qui n’est pas bête
Mais chaque fois qu’il va au cinéma, il en sort déçu :
Ils ne tournent que des merdes de nos jours.
S’il le dit.

Un aprèm, je l’ai emmené voir un film, moi.
Il accepta en traînant des pieds :
Encore une de tes bluettes coréennes je suppose.
– Eh ben, taïwanaise, pour être exact.

Comme prévu, il n’y comprenait rien
Mais quelques mois plus tard il m’a confié
Que les images s’étaient gravées dans sa tête
Au point qu’il se souvenait encore de chaque scène.
Drôle de pellicule.
Que veux-tu, fis-je, ils sont sournois, les bridés.
Tu choisis toujours de ces conneries, répliqua-t-il.

Je ne suis pas retourné au cinoche avec lui.
Sans images obsédantes, l’homme reste libre
Et la déception est un sentiment qui se respecte.


ii.

C’est le choix qui nous aide à vivre.
Sans choix, pas de libre arbitre.
La pauvreté (ou ce qui en reste) y contribue beaucoup :
Qui n’a pas un grand pouvoir d’achat
Doit choisir dans la vie.
Aujourd’hui, ça sera pâtes à l’ail, c’est bon, ça
Puisque j’ai fait un tour en librairie ;
Entre bifteck et bouquin, le choix est vite fait
Mais choix tout de même.

Je ne sais comment font les CSP+ en ce domaine.
Sans choix, pas de vie, pas de vie riche en tout cas ;
Or, Porsche ou Mercedes, ce n’est même pas un choix
C’est pile poil pareil.
Cornélien ou couru d’avance
Le vrai choix est réservé à nous autres.


iii.

Quand je t’ai choisie
Ou plutôt quand tu m’as choisi
Ce n’était pas du vrai choix
C’était une sorte de prédétermination :
Il aurait été impensable de laisser filer l’occasion.
Les plus importants choix n’en sont point ;
Quand ça compte, on ne choisit jamais
C’est l’évidence qui s’impose.
Ça t’enlève peut-être quelques illusions
Quant à la possibilité de choisir
Mais c’est mieux comme ça.
Ceux qui se sont trompés
Ont dû faire un choix, les pauvres
Au lieu de se résoudre à l’inévitable.


iv.

Wären mir die Beine zusammengewachsen
Könnte ich hoppeln, aber nicht laufen;
So aber habe ich die Wahl.

Wären mir die Lippen zusammengewachsen
Könnte ich denken, aber nicht reden;
So aber habe ich die Wahl.

Wäre mir der Kopf nicht zusammengewachsen
Müsste ich schrecklich aufpassen;
So aber habe ich die Wahl.


v.

Quand je n’ai plus eu de choix
Je m’en suis contenté.
Forcément.
L’absence de choix ouvre des voies insoupçonnées.
Le ciel s’éclaircit exactement à l’instant
Où la nuit s’apprête à tomber
C’est un coucher de soleil impressionnant de brusquerie
Et l’obscurité qui s’ensuit sent tellement bon.
Pas aussi bon que ça, en vérité
Mais j’ai toujours le choix de le prétendre
Et sans prétention, pas de choix.


3 Avril 2023

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