dimanche 9 juillet 2023

Du ciel peuplé

i.
Je n’arrive point à me sortir de la tête
Que mes morts me regardent.
Il m’est bien plus facile de supposer
Que Dieu n’existe pas
Que de me convaincre que ces morts
Ne sont plus là :
Au contraire des divinités, invisibles
Eux, du moins, je les ai vus de mes propres yeux.

Je me fais donc à l’idée
Que dans un ciel sans Dieu
Il y a foule d’âmes chéries
Hélas abandonnées à elles-mêmes
Alors que nous ici-bas jouissons du privilège
D’avoir nos morts pour nous surveiller.


ii.

C’est l’utilité qui fait l’ange, et
Je vois mal ce qu’il pourrait faire dans son néant.
Il doit chercher de quoi s’occuper
Mais ce n’est que sur terre qu’il est nécessaire.

Si certains anges pincent de la harpe
C’est par pur désœuvrement.
Plus ils exultent, plus ils sont à plaindre
Leurs alléluias désespérés sont d’une infinie tristesse.

Si j’étais ange au ciel
Et donc là où ça ne sert à rien
Je me suiciderais.


iii.

Parfois, le ciel moutonne, parsemé de petits nuages ;
Parfois, ces gentils nuages deviennent bien gros ;
Parfois, le ciel en est complètement couvert
Et parfois, en revanche, il est dégagé.
Il en va de même avec mes avis.

Parfois, je le vois peuplé, ce ciel
Même incroyablement peuplé
Voire lourdement surpeuplé
Et parfois, je le vois radicalement vide.
Quand je le vois vide, tout à fait vide, c’est que
Le soleil brille.

C’est alors une belle journée
Une journée légère, sans souci
Une journée sans ciel en quelque sorte.


iv.

Avoir le ciel comme perspective
Est assurément une perspective de mauvais temps.
Si ce n’est pas carrément la tornade
Il pleut à verse
Quand semblable lubie te traverse l’esprit.
Lorsque le ciel te sourit
Tu n’en as cure
Te vautrant dans la boue des beaux jours
La liesse, coupable, arrimée à l’oubli.


v.

Que ferions-nous sans les cochons et compagnie ?
Cela nous condamnerait au végétarisme.
Loin de nous cette idée, nous les tuons en masse.
Vont-ils au ciel, les cochons morts
Eux qui, de leur vivant, n’ont connu rien de mieux
Que les grossiers plaisirs de la terre
Et qui, après, ont été découpés par d’autres rustres ?
C’est une question que je ne me pose pas.

Du coup, je me sens, moi aussi, assez cochon
Ne connaissant que les grossiers plaisirs de la terre
Et je me touche le groin, typiquement humide :
Aurai-je droit au ciel des humains ?


vi.

Si le ciel accueille tout le monde
Et je suis persuadé qu’il ne trie pas
Puisqu’il n’y a personne pour le faire
C’est comme s’il n’accueillait personne.

Il est alors ouvert
Et ce qui est ouvert est vide à sa façon :
Illimité, sans fond, tout s’y perd et disparaît.
Il est alors comme une jungle grouillante de vie
Camouflée, indétectable
Inabordable.


vii.

L’inabordabilité du ciel est sa garantie.
Inabordabilité peut-être habitée d’aucun doute
Mais tout de même habitée.
Le revoilà, le doute.


7 Juillet 2023

 

[Ciel véritable et conception terrestre]


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