Lit Heroes, version française 1
1 QUICHOTTE
Ne les aurais-tu point attaqués
Ils seraient gentiment demeurés
Ce qu’ils étaient depuis toujours :
Des géants ayant du grain à moudre sans réfléchir ;
Ainsi parfaitement hors de ton chemin.
Tant que tu ne les obliges pas à faire
Usage de leur pitoyable cervelle
Il ne leur viendrait pas à l’idée de jouer
Les tas de moulins à vent délabrés –
Et toi, tu ne risques certes rien, preux chevalier.
Profite du jour au lieu de provoquer
Du regard des moulins gonflant leur ailes.
En des époques désarticulées, des temps de vent
Sème ta mauvaise graine
Sans t’attendre à une trop belle récolte.
Quichotte en anglais
2 GULLIVER
La taille est un problème de toute une vie.
La question la plus déconcertante n’est pas de savoir
Si je suis trop grand ou trop petit ou exactement à ma taille
– Puisque je rentre fatalement dans celle que je suis censé avoir –
Ce qui m’embrouille pour de bon ce sont ces volumes bâtards rencontrés partout.
Personnellement, je n’ai pas l’habitude de changer de taille.
Si je peux faire jouer l’éclairage, pas moyen d’en dicter le résultat –
Ma taille est la bonne et je cadre avec mon état
Bien que des fois je me ferais volontiers un peu plus petit
Et d’autres, je sente que même à taille réelle je fais plus grand que nature.
De minuscules bestioles trottinent autour de moi
Et un gros imbécile m’assène des coups sur le crâne
Ça trottine et ça tapote
J’ai des fourmis dans la culotte
Tandis qu’un colosse veut se débarrasser de moi en se grattant.
Gulliver en anglais
3 NARRATEUR
Lorsque je me lève trop tard, je dors mal la nuit d’après.
Mon petit-déjeuner se compose alors d’une sorte de petit coquillage dodu
Dont le goût citronné suscite un enchaînement d’explications complexes.
Le matin est un bon point de départ pour de telles explications.
Alors que la lumière du jour, cette âme plutôt simple, ce
Jeune nigaud sculptural, nous balance largement les nouvelles dans la boîte.
De ma table, j’observe son arrivée sans mot dire.
L’obscurité partie, suis-je pour autant moins perplexe ?
Devenu moi-même, je me mets à méditer...
La journée commence avec de bizarres idées de journée.
Je devrais me jeter plein d’entrain dans la mêlée –
Mais je pourrais tout aussi bien retourner à mon trou, n’est-ce pas ?
C’est étrange, ce n’est pas ça que je m’apprête à faire.
Je m’apprête à être mélancolique
Et critique.
Narrateur en anglais
4 VENDREDI
Eh bien non, ce n’est pas mon nom, ça n’aurait pas de sens.
Ce n’est qu’une formule qu’il utilisait lorsqu’il était à ma recherche.
J’aimais mieux entendre ça qu’entendre les vrais sons charcutés.
J’ai quand même tenté de le lui dire ; après tout, c’était un ami.
En fait, il était le premier auquel j’ai fait cadeau de ces syllabes.
D’habitude nous ne le faisons pas. C’est inutile, nos parents savent
Et l’étranger ne doit pas avoir ce savoir qui procure trop de pouvoir.
Mais, bon camarade, je les lui ai dites et lui ai même confié
Que j’étais sur le point de deviner les siennes en langage puissant.
Il n’a même pas voulu m’entendre.
Devant lui, je l’appelais par son vrai nom et il n’a pas fait attention.
J’ai gagné les pleins pouvoirs sur lui mais n’en abusais point.
Parce que toute cette influence qu’il aurait pu avoir sur moi
Il l’a gaspillée, soit par gentillesse
Soit par pure ignorance.
Vendredi en anglais
5 QUASIMODO
Pour qui me prends-tu ? Même pas
Une fraction de seconde je me suis fait des illusions.
Une fille aussi chouette – crois-tu que
Je ne savais pas qu’elle n’était pas pour moi
Avec ce machin difforme dans le dos ?
Aussi loin que je peux me souvenir
Cette maudite bosse me dit que ces nanas-là sont sacrément lourdes
Bien que fichtrement tentantes
Et celle-là, elle me tentait d’une manière...
Qu’elle soit stupide, je m’y attendais donc parfaitement.
Sonner les cloches deux fois pas jour n’est pas très prenant ;
On dispose de plein de temps libre entre les carillons
Et peu à peu, on se met à avoir de drôles d’idées.
Je n’ai même pas dit à cette conne que j’étais fou de ses nichons
Il m’a suffi d’échouer à la sauver… et la voilà dans mon escarcelle !
Quasimodo en anglais
6 ULYSSE
En ce qui me concerne, je suis né cent pour cent casanier.
Comme vous, j’ai grandi devant le poste et j’ai toujours pensé
Que ce qui se passe sur l’écran est suffisant comme dépaysement.
J’ignore qui a raconté en premier que j’avais la bougeotte.
C’est sûr, j’ai un peu voyagé, mais par pure obligation : chaque
Jour que Dieu fit, je priai de pouvoir rejoindre ma bourgeoise chérie...
Pas un seul des exploits qu’on m’attribue rime à quelque chose.
Je ne vis au présent que depuis que je suis de retour.
Tout ce temps perdu me rend malade.
J’avoue que ma barbe est grise ;
Or, je n’ai pas la moindre idée à quoi bon.
Je me souviens de rien. Ne m’assaillez pas de questions.
Oui, il a dû y avoir des instants supportables
Au milieu des tracas, mais voyez-vous, je ne me
Rappelle même plus les noms de ces belles des îles.
Ulysse en anglais
7 SIDDHARTA
Un garçon à la voix probablement douce
Portant des bésicles cerclées de fer
Et, lorsqu’il se sentit vieillir, un nœud papillon flamboyant
A écrit un livre puisque je le préoccupais
Alors que moi, j’ai passé la plus grande partie de ma vie adulte
A expérimenter cette seule et unique chose :
Qu’il est inutile de se soucier de quelqu’un
Parce que la seule façon
D’approcher la rédemption collective est
De se concentrer strictement sur sa propre singulière personne
Quitte à être empoisonné par du sanglier faisandé
Jusqu’en fin de compte s’évanouir dans la nature
Pour le bonheur de tout le monde.
(Supposant qu’il ait voulu faire comme moi
C’est qu’il a dû me prendre pour ce sanglier.)
Siddharta en anglais
Trad. 24 Mai 2009
1 QUICHOTTE
Ne les aurais-tu point attaqués
Ils seraient gentiment demeurés
Ce qu’ils étaient depuis toujours :
Des géants ayant du grain à moudre sans réfléchir ;
Ainsi parfaitement hors de ton chemin.
Tant que tu ne les obliges pas à faire
Usage de leur pitoyable cervelle
Il ne leur viendrait pas à l’idée de jouer
Les tas de moulins à vent délabrés –
Et toi, tu ne risques certes rien, preux chevalier.
Profite du jour au lieu de provoquer
Du regard des moulins gonflant leur ailes.
En des époques désarticulées, des temps de vent
Sème ta mauvaise graine
Sans t’attendre à une trop belle récolte.
Quichotte en anglais
2 GULLIVER
La taille est un problème de toute une vie.
La question la plus déconcertante n’est pas de savoir
Si je suis trop grand ou trop petit ou exactement à ma taille
– Puisque je rentre fatalement dans celle que je suis censé avoir –
Ce qui m’embrouille pour de bon ce sont ces volumes bâtards rencontrés partout.
Personnellement, je n’ai pas l’habitude de changer de taille.
Si je peux faire jouer l’éclairage, pas moyen d’en dicter le résultat –
Ma taille est la bonne et je cadre avec mon état
Bien que des fois je me ferais volontiers un peu plus petit
Et d’autres, je sente que même à taille réelle je fais plus grand que nature.
De minuscules bestioles trottinent autour de moi
Et un gros imbécile m’assène des coups sur le crâne
Ça trottine et ça tapote
J’ai des fourmis dans la culotte
Tandis qu’un colosse veut se débarrasser de moi en se grattant.
Gulliver en anglais
3 NARRATEUR
Lorsque je me lève trop tard, je dors mal la nuit d’après.
Mon petit-déjeuner se compose alors d’une sorte de petit coquillage dodu
Dont le goût citronné suscite un enchaînement d’explications complexes.
Le matin est un bon point de départ pour de telles explications.
Alors que la lumière du jour, cette âme plutôt simple, ce
Jeune nigaud sculptural, nous balance largement les nouvelles dans la boîte.
De ma table, j’observe son arrivée sans mot dire.
L’obscurité partie, suis-je pour autant moins perplexe ?
Devenu moi-même, je me mets à méditer...
La journée commence avec de bizarres idées de journée.
Je devrais me jeter plein d’entrain dans la mêlée –
Mais je pourrais tout aussi bien retourner à mon trou, n’est-ce pas ?
C’est étrange, ce n’est pas ça que je m’apprête à faire.
Je m’apprête à être mélancolique
Et critique.
Narrateur en anglais
4 VENDREDI
Eh bien non, ce n’est pas mon nom, ça n’aurait pas de sens.
Ce n’est qu’une formule qu’il utilisait lorsqu’il était à ma recherche.
J’aimais mieux entendre ça qu’entendre les vrais sons charcutés.
J’ai quand même tenté de le lui dire ; après tout, c’était un ami.
En fait, il était le premier auquel j’ai fait cadeau de ces syllabes.
D’habitude nous ne le faisons pas. C’est inutile, nos parents savent
Et l’étranger ne doit pas avoir ce savoir qui procure trop de pouvoir.
Mais, bon camarade, je les lui ai dites et lui ai même confié
Que j’étais sur le point de deviner les siennes en langage puissant.
Il n’a même pas voulu m’entendre.
Devant lui, je l’appelais par son vrai nom et il n’a pas fait attention.
J’ai gagné les pleins pouvoirs sur lui mais n’en abusais point.
Parce que toute cette influence qu’il aurait pu avoir sur moi
Il l’a gaspillée, soit par gentillesse
Soit par pure ignorance.
Vendredi en anglais
5 QUASIMODO
Pour qui me prends-tu ? Même pas
Une fraction de seconde je me suis fait des illusions.
Une fille aussi chouette – crois-tu que
Je ne savais pas qu’elle n’était pas pour moi
Avec ce machin difforme dans le dos ?
Aussi loin que je peux me souvenir
Cette maudite bosse me dit que ces nanas-là sont sacrément lourdes
Bien que fichtrement tentantes
Et celle-là, elle me tentait d’une manière...
Qu’elle soit stupide, je m’y attendais donc parfaitement.
Sonner les cloches deux fois pas jour n’est pas très prenant ;
On dispose de plein de temps libre entre les carillons
Et peu à peu, on se met à avoir de drôles d’idées.
Je n’ai même pas dit à cette conne que j’étais fou de ses nichons
Il m’a suffi d’échouer à la sauver… et la voilà dans mon escarcelle !
Quasimodo en anglais
6 ULYSSE
En ce qui me concerne, je suis né cent pour cent casanier.
Comme vous, j’ai grandi devant le poste et j’ai toujours pensé
Que ce qui se passe sur l’écran est suffisant comme dépaysement.
J’ignore qui a raconté en premier que j’avais la bougeotte.
C’est sûr, j’ai un peu voyagé, mais par pure obligation : chaque
Jour que Dieu fit, je priai de pouvoir rejoindre ma bourgeoise chérie...
Pas un seul des exploits qu’on m’attribue rime à quelque chose.
Je ne vis au présent que depuis que je suis de retour.
Tout ce temps perdu me rend malade.
J’avoue que ma barbe est grise ;
Or, je n’ai pas la moindre idée à quoi bon.
Je me souviens de rien. Ne m’assaillez pas de questions.
Oui, il a dû y avoir des instants supportables
Au milieu des tracas, mais voyez-vous, je ne me
Rappelle même plus les noms de ces belles des îles.
Ulysse en anglais
7 SIDDHARTA
Un garçon à la voix probablement douce
Portant des bésicles cerclées de fer
Et, lorsqu’il se sentit vieillir, un nœud papillon flamboyant
A écrit un livre puisque je le préoccupais
Alors que moi, j’ai passé la plus grande partie de ma vie adulte
A expérimenter cette seule et unique chose :
Qu’il est inutile de se soucier de quelqu’un
Parce que la seule façon
D’approcher la rédemption collective est
De se concentrer strictement sur sa propre singulière personne
Quitte à être empoisonné par du sanglier faisandé
Jusqu’en fin de compte s’évanouir dans la nature
Pour le bonheur de tout le monde.
(Supposant qu’il ait voulu faire comme moi
C’est qu’il a dû me prendre pour ce sanglier.)
Siddharta en anglais
Trad. 24 Mai 2009
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