mercredi 30 mars 2016

Postoperative Complications

 anapestic trimeter

Had old Adam had any more spare ribs
The Lord could have created more Eves
Could have even contrived other tidbits
For all those who have different beliefs.

– But he did, don’t you see how it is?
Just look at your own range of desires.
If there is any option to miss
This is due to one’s personal bias.

Did it not fan out each strain or streak
When He took the piece out of his toy?
Spread metastases, some gay, some bleak
And all for the same heavenly joy.

March 29, 2016

vendredi 25 mars 2016

Début de printemps


i.

Le matin, le lit tremble
Non pas parce que ces deux personnes-là font l’amour
Mais parce que l’une s’adonne à son rite matinal

Gymnastique qui consiste à pédaler avec les jambes ;
C’est pour se garder en forme
Car la vieillesse, sclérosante, menace.

Les oiseaux chantent, les fleurs repoussent
Les porcs-épics grognent –
Tout ça a l’air d’une belle idylle.


ii.

Le printemps qui s’éveille sous un crâne
Est, somme toute, un printemps étiolé.
Pompé de sa sève par trop de commentaire désabusé.

Trop de tout savoir d’avance :
Si c’est sous un crâne, il n’y a pas d’alternative ;
C’est ça la gymnastique du crâne, c’est ça qui maintient.

Ces prairies printanières, je les longe certes sur mon vélo
D’appartement, et il faut bien que j’en aie conscience
Pour ne pas me tromper à la croisée des chemins.


iii.

Le savoir et le printemps – je sais parfaitement
Que ça ne va pas ensemble ; or, si c’est l’ignorance
Qui fraye et qui éveille, comment trouver où chercher ?

L’ignorance est statique, elle ne va même pas
Par les quatre chemins, et le printemps, il faut aussi
Aller à sa rencontre. C’est sans issue.

À partir d’un certain stade de conscience
Tout ça ne sert plus à rien, tu peux donc tranquillement
Continuer à faire des moulinets avec tes jambes.


24 Mars 2016

jeudi 24 mars 2016

Del tuétano intraducible

Ça fait vraiment longtemps que j’ai lu les pages sur le sentiment tragique du Maître ou ce que, du haut de sa Salamanque, en roi rugueux et tragique il tenait à nous raconter, soit du Christ de Vélasquez, soit des cocottes en papier. Parlait-il de choses différentes ou d’une seule et même chose ? De si loin, tout se mélange. Or, si je ne me souviens plus très bien de ce qu’il y avait dans ces écritures d’un autre âge, il m’en reste une vague sensation néanmoins distincte, des allusions vagues liées à des résonances précises – d’abord la belle, quasiment éternelle, sonorité Unamuno el salmantino, si peu appropriée à sa manière d’être. Puis m’arrivent déjà, voletant comme de ces cocottes, les conchas. C’est peut-être sexuel, mais qu’importe, tout est sexuel à la fin, même la barbe du crucifié. S’ensuivent des sons ascétiques et fougueux tel Bergamín, Fuenterrabía... et nous y revoilà : carne de lidia. La langue est une chair of its own. Ressuscitée uniquement parce que je viens de passer par une boutique de fringues quelconque, branchément appelée « desigual ». Leurs mannequins vraiment très peu en rapport n’y sont pour rien.

I strayed along the sloping street
No map or plan to check my wayward feet
The musing mind of any slant or wheeling freed.

Speech sound that lingers on beyond forgetfulness
Good language, long died out, is faintly heard
No more a life but language of some life
And still conforming to its very rules

Just of a day what night might be of it
No more a landscape but its poignant pattern:
This journey, if not finished yet, draws to a close
Stirring the sightless more than any view he’d ever had.

Immobile presence woven of “no-longer” and “not-yet”
Seems a mirage, such airy turmoil tends to tell
That only past and future can exist.

March 22, 2016

mercredi 16 mars 2016

Seed-Saucer Act II

Definitely one bird.
There is one bird left. And, sure, a
Seed saucer where this one bird continues to shop.

It wasn’t planned this way, this one wasn’t
Supposed to visit personally unto the thick of nowhere
But the flock has migrated and only one is left. “My” bird.

Birdie, it shouldn’t have occurred to me
To call a vagrant chirper “mine”, but you’re this constant
And I didn’t ask someone to stay and come.

So, it must be unsolicited love
Or something close to that
Sort of actual bother.

I don’t know your manners, bird, I do know mine.
And I do know the sinister significance conveyed by
A lonely bird haunting an otherwise deserted seed saucer.

March 16, 2016

[Cf. Aucun regret possible]

mardi 15 mars 2016

Émission nocturne

[Je m’endors.
Je me garde un peu un paysage et presque une logique derrière. Ils semblent aller ensemble, les deux, et c’est pour me protéger, on dirait. Or, dès que je me retourne, tout change. C’est inexorable, quel oubli : pas une miette ne peut être retenue. C’est comme dans un kaléidoscope : tu bouges un tout petit peu et tout est autre. Souvenir : zéro. Il faut que je me reconstitue un milieu à partir de rien. Et la logique, bien sûr, surgit, elle aussi, tout autre. Aussi peu descriptible, mais rien à voir. En fait, elle est juste l’esclave du milieu. Et tout ça uniquement parce que j’ai décidé de me tourner un peu dans mon lit.
Quand je pense que, debout, éveillé, dans la clarté du jour, c’est à peu près la même chose, je prends peur. Je me rends compte combien le milieu pèse peu. Je suis plongé dedans en entier, mais le monde est si fragile qu’il dépend de la position de ma tête s’il peut rester tel quel ou doit changer radicalement d’apparence et de logique. C’est qu’il constitue, plutôt que multiplicité de possibles, une suite aléatoire d’astreintes.]

Cette nuit, j’ai assisté à une émission
Dont j’avais entendu parler, j’ai voulu voir
Mais n’y ai pas tenu plus de quelques instants –
L’homme est ainsi, il veut savoir et pas savoir.

C’était un rendez-vous criard, grouillant de fats
Avec un art de raconter abominable ;
Je n’avais aucune envie d’y participer
Et me suis donc sans bruit dissipé de la table.

Je n’ai pas attendu l’entrée de la pitance
Je n’ai même pas dit au revoir à l’hôtesse
Et si, discrètement, j’ai traversé la porte
C’était par gêne plutôt que par politesse.

La belle blague ! Ayant regagné mes esprits
J’ai compris comme en rêve l’étendue du leurre :
En fait, j’avais été leur invité fantôme
Pour être là, il avait fallu que je meure.

Puisqu’ils ont besoin de fantômes pour leurs fêtes
Le corps devient astral trop près de ces vedettes ;
C’est seulement ainsi qu’on franchit un écran –
Vivants, nous sommes trop épais, trop lourds, trop bêtes.

13 Mars 2016

lundi 14 mars 2016

Arbres


1. Constatation indécente

Des arbres en face, deux longs rameaux se sont rencontrés ;
Maintenant, c’est comme s’ils se donnaient la main.
On ignore si c’est le vent qui en est responsable
Ou si c’est à l’initiative des rameaux
Mais ils se donnent la main en public.
Plus concrètement, ils enlacent leurs doigts très fins
Montrant ce faisant leur affection mutuelle.
C’est sûr, autrement on ne saurait rien sur eux.
On ne peut pas regarder dans le cœur de la nature
Pour savoir, il faut des signes.

On est encore en hiver et je trouve un peu gênant
De les voir ainsi, tout nus, en face
Ces rameaux qui se donnent la main.
L’avoir constaté et ne pas détourner l’ œil
Me semble plus indécent
Que la nudité même des arbres.

– Désolé, mon ami, mais ta vue est bien courte.
La plupart de nos semblables ne voient pas d’inconvénient
À mettre des plantes jusque dans leurs alcôves ;
Si tes voisins d’en face te rendent la pareille, ne t’en offusque pas
Et ne fais pas non plus ta chochotte.
Il faut le regarder sous cet angle-là.


2. Tombeau pour deux arbres

Le voisin qui dispose déjà d’énormément de place
M’a averti qu’il agrandira encore sa maison.
Cet agrandissement m’ôtera la vue sur deux beaux arbres, les
_______________________________derniers de ce côté-ci.
J’aurai à la place un mur blanc
Sur lequel mon imagination pourra s’exercer.
On n’est pas poète pour rien, n’est-ce pas.
Serait-ce un cadeau qu’il me fait ?
On verra plus tard.
Actuellement, je regarde tout le temps ces deux arbres
Qui sont encore nus, mais peut-être ne verrais-je plus leur
_________________________________prochaine floraison.
En tout cas, ça sera la dernière.

J’essaie donc d’en profiter au maximum, comme
Si je pouvais engranger pour l’au-delà, tout en sachant
Qu’on n’y amène rien, pas de trésor égyptien, ni de dernière vue
Et que, sous cet aspect-là, je serai comme mort, après.
Le voisin m’a condamné à une mort partielle :
Mort par rapport à ces deux arbres
Et à la place une surface de projection
Comme l’est le ciel pour ceux
Qui s’imaginent une vie éternelle.

Le paradis, juste un mur blanc devant des arbres (dont un
________________________________________pommier) ?
La perspective n’est pas moins effrayante.
Il faut l’entendre, la vérité schillérienne sur la vie du pieux et
___________________________________le méchant voisin.


1er - 12 Mars 2016


jeudi 10 mars 2016

Knack of Tongues


1. A Borne Poet

L’autre jour encore
Un traducteur fantaisiste
Très sérieux, mais fantaisiste, ça va ensemble
A pris « borne » pour « born ».
Chez Hart Crane on s’en fout, quoi.

Toi aussi, tu finiras par écrire de ces trucs
Où l’on s’en fout.
Si un jour, ils sont traduits
Par un fantaisiste
On te prendra au sérieux.
La fantaisie, ça déteint.


 2. Unanswerable

Tu te poses une question ? Pose toujours.
Chez le poète à foi on s’en fiche aussi.
Pas la peine de t’exciter, parce que
Là, c’est toujours Lui qui gagne :
Enterré pour gagner à la fin –
À tous les coups une astuce.
Va savoir de quoi je parle.
(Une piste : Pentecôte.)


3. On a Third Neighborhood Row

Oui, le don des langues, c’est quelque chose.
Si on les entend dans la tête, ce don est double ; et si
En plus, on entend ce qu’on veut ou croit entendre, il est triple.

Ce triple don est le plus répandu.
Hier encore je m’en suis rendu compte – j’ai
« Discuté » avec mon prochain et on a dû entendre des langues.

Oui, il suffit d’un triple don
Pour une seule idée qu’on se fait d’une chose.
Un monde entier s’est construit à partir de la multiple entente.


1er - 10 Mars 2016

mardi 8 mars 2016

N’enfonçons point les émergents !

[Ce que je possède, en partie je l’ai acheté, en partie je l’ai fait. Uniquement ce que j’ai fabricoté moi-même m’appartient vraiment. Ce que j’ai acheté, je peux le revendre et alors il ne m’appartient plus. Mais ce qui est de mon cru, même si je réussis à le fourguer à quelqu’un, m’appartient encore. La question « De qui est-ce ? » pourrait aussi être « À qui est-ce ? » Une fois aliénée, ma production personnelle m’appartient même encore plus. Tout ça vit maintenant sans moi et me remplace d’une certaine manière. Tout ça m’appartient désormais comme je m’appartiens moi-même, autant en grande star sur la photo dédicacée qu’en petit délinquant sur le mug shot.]

Frustré d’être inutile, moi aussi
Sur ce qu’on veut me vendre, je me jette
Puis, infichu d’apprécier mes achats
À leur juste valeur, je les regrette.

Sensible aux vies laborieuses dans
Leurs lointaines usines, ma paresse
Me coûte jusqu’au tout petit plaisir
Que j’ai eu payant tel bidule en caisse.

Puisque je ne sais pas en profiter
Je jure alors au Fabricant Suprême
Que, si j’ai besoin d’un nouvel ersatz
Je le bricolerai dès lors moi-même.

Mais vite je renonce, le bonheur
De trop de gueux dépend de ma déprime.
Si l’on cessait d’en être le mécène
La frustration s’avilirait en crime.

8 Mars 2016