mardi 8 mars 2016

N’enfonçons point les émergents !

[Ce que je possède, en partie je l’ai acheté, en partie je l’ai fait. Uniquement ce que j’ai fabricoté moi-même m’appartient vraiment. Ce que j’ai acheté, je peux le revendre et alors il ne m’appartient plus. Mais ce qui est de mon cru, même si je réussis à le fourguer à quelqu’un, m’appartient encore. La question « De qui est-ce ? » pourrait aussi être « À qui est-ce ? » Une fois aliénée, ma production personnelle m’appartient même encore plus. Tout ça vit maintenant sans moi et me remplace d’une certaine manière. Tout ça m’appartient désormais comme je m’appartiens moi-même, autant en grande star sur la photo dédicacée qu’en petit délinquant sur le mug shot.]

Frustré d’être inutile, moi aussi
Sur ce qu’on veut me vendre, je me jette
Puis, infichu d’apprécier mes achats
À leur juste valeur, je les regrette.

Sensible aux vies laborieuses dans
Leurs lointaines usines, ma paresse
Me coûte jusqu’au tout petit plaisir
Que j’ai eu payant tel bidule en caisse.

Puisque je ne sais pas en profiter
Je jure alors au Fabricant Suprême
Que, si j’ai besoin d’un nouvel ersatz
Je le bricolerai dès lors moi-même.

Mais vite je renonce, le bonheur
De trop de gueux dépend de ma déprime.
Si l’on cessait d’en être le mécène
La frustration s’avilirait en crime.

8 Mars 2016

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