[Je m’endors.
Je me garde un peu un paysage et presque une logique
derrière. Ils semblent aller ensemble, les deux, et c’est pour me
protéger, on dirait. Or, dès que je me retourne, tout change. C’est
inexorable, quel oubli : pas une miette ne peut être retenue.
C’est comme dans un kaléidoscope : tu bouges un tout petit
peu et tout est autre. Souvenir : zéro. Il faut que je me
reconstitue un milieu à partir de rien. Et la logique, bien sûr,
surgit, elle aussi, tout autre. Aussi peu descriptible, mais rien à
voir. En fait, elle est juste l’esclave du milieu. Et tout ça
uniquement parce que j’ai décidé de me tourner un peu dans mon
lit.
Quand je pense que, debout, éveillé, dans la clarté
du jour, c’est à peu près la même chose, je prends peur. Je me
rends compte combien le milieu pèse peu. Je suis plongé dedans en
entier, mais le monde est si fragile qu’il dépend de la position
de ma tête s’il peut rester tel quel ou doit changer radicalement
d’apparence et de logique. C’est qu’il constitue, plutôt que
multiplicité de possibles, une suite aléatoire d’astreintes.]
Cette nuit, j’ai assisté à une
émission
Dont j’avais entendu parler, j’ai
voulu voir
Mais n’y ai pas tenu plus de quelques
instants –
L’homme est ainsi, il veut savoir et
pas savoir.
C’était un rendez-vous criard,
grouillant de fats
Avec un art de raconter abominable ;
Je n’avais aucune envie d’y
participer
Et me suis donc sans bruit dissipé de
la table.
Je n’ai pas attendu l’entrée de la
pitance
Je n’ai même pas dit au revoir à
l’hôtesse
Et si, discrètement, j’ai traversé
la porte
C’était par gêne plutôt que par
politesse.
La belle blague ! Ayant regagné
mes esprits
J’ai compris comme en rêve l’étendue
du leurre :
En fait, j’avais été leur invité
fantôme
Pour être là, il avait fallu que je
meure.
Puisqu’ils ont besoin de fantômes
pour leurs fêtes
Le corps devient astral trop près de
ces vedettes ;
C’est seulement ainsi qu’on
franchit un écran –
Vivants, nous sommes trop épais, trop
lourds, trop bêtes.
13 Mars 2016
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