lundi 8 février 2016

Aucun regret possible

J’ai pris l’habitude de mettre des graines à la fenêtre.
C’est pour les voir.
Pas les graines, bien sûr, mais les mésanges.
Je paye le spectacle des mésanges qui viennent pour quelques
_________________________________________graines –
Une véritable petite comédie de mœurs, et pour pas cher.
Je suis comme un bon vieux, maintenant.

Mais pas mal de fois je loupe tout.
Ce sont des passereaux irréguliers, et moi
Je ne peux passer mon temps à les attendre, tout de même.

Or si, ayant du regret
Je voudrais les récupérer, mes graines, c’est trop tard, il ne
Me reste que mes yeux pour pleurer.
Pourrais faire un esclandre du tonnerre :
Après le passage des mésanges, il n’y a plus rien.
La recette, partie avec le numéro même, vu ou pas vu, content ou
___________________________________________pas –
Il est exclu de revenir dessus, la nature est ainsi faite
Elle ne rembourse pas.

Il faudrait qu’à la prochaine becquetée
Je récupère l’oiseau avec.
Mais tu parles. Dans le meilleur des cas, j’arrive juste à
_________________________________________observer :

Celle qui pense voler des graines
Celle qui est méfiante et rapide comme une criminelle
Celle au plumage ébouriffé pendant ses furtifs instants sur place
Celle qui, plus courageuse, s’attarde un peu en jetant des regards
_______________________________________autour d’elle.

Oui, je ne peux que les voir faire, et à travers une fenêtre close.
Une fenêtre qui s’ouvre uniquement pour permettre le dépôt de
___________________________________________graines
Jamais pour attraper les actrices.
C’est bien simple :
Pas moyen de les piéger, c’est la vitre ou rien.
Mon rôle est de procurer la pitance
Et non pas de me nourrir à l’œil.
Tout au plus, je suis un œil qui s’alimente de soi-même.

Je suis le bon dieu dans cette affaire, et la messe est dite.
Un bon dieu sans aucun regret possible
Car voici la limite du seigneur tout-puissant
Par principe caché derrière l’invisible :
Même lui, il ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre.
Telle est, en tout cas, sa conception du spectacle.
S’il l’a raté à la fin, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même.
Sans cesser d’admirer la malice provoquée.

4 Février 2016

Aucun commentaire: