mardi 27 octobre 2009

Trois secrets de lecture


L’encre d’imprimerie


L’odeur de l’encre d’imprimerie, je l’aime tellement que, parfois, je renonce carrément à le lire, mon ouvrage. Je ne fais que humer avant de refermer la page au plus vite afin d’en conserver le parfum. Pour moi, la lettre en tant que porteuse de sens ne commence à exister que dès l’instant où son arôme ne monte plus à la tête.

En ce sens aussi, la phrase imprimée ressemble à une charmante personne à laquelle je ne prête l’oreille que lorsqu’elle ne me déconcentre pas par ses qualités sensuelles. Au fond, je préférerais toujours la renifler pour immédiatement m’engager dans la voie du haptique. Une charmante personne qui veut me dire quelque chose a intérêt à s’enlaidir au préalable, mais pas non plus de façon outrancière, car autrement c’en est fini des charmes de la personne en question.

Quelle tâche ardue ! Les belles personnes devraient prendre en exemple les belles œuvres déjà un peu écornées et m’adresser des paroles uniquement lorsque pas mal de monde les a reniflées. Je leur prête alors toute mon oreille, et elles ont du reste davantage de choses à raconter.


Petits machins dans les marrons

Quand je suis arrivé en France, je me suis vite rendu compte qu’il existe dans ce pays des machins de cuir marron, parfois tirant sur le verdâtre ou le rougeâtre, qu’on y vend à des prix fous et en présence desquels la population locale perd tout sens critique. Ces machins qui rendent les gens cinglés ont pour nom « La Pléiade » et sont en fait de gros bouquins écrits sur des pages toutes fines qui se froissent à peine y touche-t-on. J’y ai déjà jeté un œil et je peux vous dire qu’ils sont, en règle générale, à peu près illisibles sous cette forme – le pire ce sont deux volumes appelées la « Recherche » dont les Français raffolent particulièrement bien qu’ils n’y mettent jamais le nez parce que ça fait trop chier. Ça commence déjà pas drôle, puis ça ne s’arrête plus, quoi. Que ces bouquins soient alors, en règle générale, à peu près illisibles sous cette forme, ne gêne personne, car on ne les achète pas pour les lire, mais à cause de leurs dos aussitôt reconnaissables qui transforment aussitôt une bibliothèque de lettré en bibliothèque douteuse. Autrement dit : il faut beaucoup, beaucoup d’autres livres pour neutraliser un volume de cette Pléiade. Il faut qu’on s’aperçoive qu’il n’est là que par malchance, cadeau d’une personne facétieuse, par exemple, qui sait qu’on n’osera pas le jeter et aura honte de le revendre. Je soupçonne que ces machins n’ont été inventés que pour faire des niches à ses amis lettrés, ou pour distinguer facilement l’honnête homme de l’ignare. C’est dommage qu’on ne les trouve qu’en France, parce que des ignares qu’il faudrait pouvoir reconnaître facilement, on les trouve partout, eux.


Pourquoi je ne lis que peu

Les gens regardent, émerveillés, ma vaste bibliothèque. À leur question, quasiment automatique : « Et vous avez lu tous ces livres ? » Je ne peux répondre que par un: « Certainement pas ! » J’ignore à quoi s’attendent les gens. Si je jette un œil dans leur frigidaire, m’écrirai-je peut-être : « Vous êtes-vous empiffré de toute cette bouffe ? » Bien sûr que non. Ce serait idiot. Et en plus insultant. Et pourtant, les nourritures se ressemblent.
Mais les livres ne se périment pas vraiment, il y a toujours un espoir et donc pas de gaspillage tant qu’ils traînent à proximité. Le rayon est l’avenir et non pas la mort de mes livres. Bien sûr, de tous mes ouvrages, j’en ai lu quelques pages. J’en ai goûté un peu, c’est inévitable. Mais je suis un être discipliné, je me retiens. Regardez-moi comme je suis resté mince, intellectuellement parlant. Je m’approvisionne pour l’au-delà, voilà tout.

20 - 22 Octobre 2009

[Druckerschwärze

So sehr liebe ich den Geruch von Druckerschwärze, dass ich manchmal davon absehe, ein Buch auch zu lesen. Ich rieche nur hinein und schlage die Seite schnell wieder zu, damit mir der Duft noch lange erhalten bleibt. Der Buchstabe als Sinnträger existiert für mich erst, wenn sein bloßes Aroma mich nicht mehr betört.

Auch darin ähnelt das gedruckte Wort einer reizenden menschlichen Gestalt, der ich eigentlich auch nur gehorsam zuhöre, wenn sie mich nicht ablenkt durch ihre die Sinne erregenden Qualitäten. Denn ich zöge es im Grunde stets vor, an ihr zu schnüffeln, um mich bald ungezügelt auf das Haptische bei ihr einzulassen. Eine reizende Gestalt, die einem etwas gedanklich mitteilen möchte, hat also ein Interesse daran, sich zuvor in Sack und Asche zu hüllen; aber zu sehr Sack und Asche darf es auch wieder nicht sein, sonst ist es auch aus mit dem Reizenden an besagter Gestalt.

Ein schwieriges Unterfangen. Schöne Menschen sollten sich an schönen, jedoch schon etwas zerlesenen Werken ein Beispiel nehmen, und überhaupt erst Worte an mich richten, wenn es sich an ihnen schon weitgehend ausgeschnüffelt hat. Ich kann dann ungestört zuhören, und sie haben im übrigen auch mehr zu erzählen.

20. Oktober 2009]

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