jeudi 31 août 2023

Absicht, Ansicht, Aussicht

1. Absicht

Sie wollen, dass ich niederkomme
Ich komm aber nicht nieder
Ich will doch keine Mutterrolle
Für meine leisen Lieder.

Ich hab doch keine Absicht nicht
Ich flüstre euch nur was vor
Und wenn ihr glaubt, ich scheue mich
Dann beiß ich euch ins Ohr.


2. Ansicht

Dem Merian seine gestochenen Ansichten
Sind auch nicht wertvoller als meine verschwommenen;
Meine sind wenigstens bunt.
Wenn ihr unbedingt was Scharfes und Steifes wollt
Dann hängt euch eben einen Merian wohin.
Bei mir ist alles im Fluss
Aber dafür stimmt es auch mit der Gegenwart überein.


3. Aussicht

Ich stand auf einem Aussichtsturm und schaute tief ins Land
Und von der Aussicht her vergaß ich völlig, wo ich stand.
Wer eine schöne Aussicht hat, vergisst oft, wo er steht
Und wäre keine Brüstung da, käm jede Hilf zu spät.


30. August 2023

mercredi 30 août 2023

Gris chatoyant et ski

1.Gris chatoyant

En fait, je n’ai appris que des choses inutiles dans la vie
Ce qui m’a forcé d’aller au plus près des choses.
Qui apprend utile, garde ses distances.

S’il a une vue panoramique sur sa vie trépidante
Le détail lui échappe, il s’en désintéresse –
Pas de grandiloquence sans négligence.

Mais le soin réduit la vie
À des tours au cimetière. Rien
De plus inutile, et rien de plus près.


2. Ski


Dans ma jeunesse, j’ai fait du ski.
D’abord un peu obligé, pour que je bouge
Et en effet, glisser vite n’est pas mal, c’est un plaisir.

J’ai glissé le long de mon chemin
En contournant les obstacles vus de loin
J’ai senti le vent, et en adulte même sans les skis.

Je me suis donc permis de remarcher.
Suivant ma pente, je me suis mis à lambiner
Et j’ai fini par m’arrêter carrément devant les choses.

Une sorte de lèche-vitrines
Microscopique, mais toujours
En voulant sentir la caresse du vent.

Pas mal comme sport
Et en même temps très personnel.
Peut-être trop. Sans skis, on te le reproche.


29 Août 2023

mardi 29 août 2023

Nächtliche Evolutionstheorie

Zum Unterschied von Nacht und Nacht
Brauchts nicht nur gute Augen
Sondern auch solche, die zum Leuchten taugen.

Die Tage sind sind dazu gemacht
Im Eignen aufzugehen;
Bei Nacht kann man die Differenz noch sehen.

Wir leben von der Diskrepanz
Sie kommt uns sehr gelegen –
Wir wüssten nicht, wie sonst uns zu bewegen.

Der alte Darwin hats erkannt:
Dem Fischchen wachsen Beine
Bevor es krabbelnd feststellt, es sind seine.

28. August 2023

 [Paul Bilhaud, Combat de nègres pendant la nuit. 1882]

lundi 28 août 2023

Traumatisme

Lors du changement de ma housse de couette
Je me suis demandé si la couture, colorée
Devrait être apparente ou cachée.

Non sans mal, j’ai fini
Par trancher pour l’apparence ;
Auparavant, je n’avais jamais fait attention.

Cette housse, remise pour la première fois
Depuis qu’elle n’est plus là pour s’en occuper
S’est donc soudainement révélée problématique.

Sans souvenir, je me suis dit : quelle folie
On ne leur apprend strictement rien, aux garçons
Avec le résultat qu’à leurs vieux jours, ils sont largués.

Le côté d’une housse de couette est peut-être sans importance, et
Plus encore pour qui dort seul, mais quand on commence
À se faire des soucis, on n’en voit pas la fin.

28 Août 2023

dimanche 27 août 2023

Šumma

Crénom d’*Assur !
Je peux certes t’assurer
Que ce n’est pas de la frime si
Je te dis que l’akkadien en tant que
Sujet d’étude n’a pas plus de secrets pour moi
Que n’en a le père Labat quant au gribouillis cunéiforme :
En jeune homme qui se cherchait, je n’avais rien trouvé de mieux
Que de me pencher sur le saugrenu, le diable *Adru-malku sait pourquoi.

Les Assyriens, eux, avant de trancher, savaient qui interroger
Et ce n’était pas un corps céleste, mais une humble bête.
La chose était entendue : il est toujours préférable
D’en sacrifier une pour lire dans ses entrailles
Et mettre sa foi en son foie – sauf que
Depuis, de l’eau a coulé sous les
Ponts de l’Euphrate, voire
Du Tigre traficoté.

Moi, mes questions
Elles me pèsent donc lourd
Puisque j’ai des décisions à prendre.
Ami des bêtes, je dois me débrouiller en aveugle
Je ne peux pas exiger d’un animal qu’il se sacrifie pour moi
Afin de me renseigner par les tripes, et je ne vais certainement pas
L’abattre moi-même pour être mieux informé. Je reste alors seul avec mes
Choix multiples sur le dos, misérables alternatives qui me plombent la _____________________________________________conscience

Celle qui a d’innombrables circonstances à prendre en compte
Et ne connaît même pas sa propre situation.

Le beau regard concerné
D’un compagnon à quatre pattes
Ne me serait que d’un secours purement moral

Car en se fiant au seul instinct
La communion trinque.

Si j’ai eu ma compagne, elle était à deux pattes
Et de la race de celles qui marchent debout, et quand
Elle a dû se coucher pour ne plus se relever, la vie était finie.

Plus irremplaçable que toutes les nuits porteuses de conseil
Que toutes les égéries promettant monts et merveilles
Et que toutes les Muses du grand enfant museur
Elle était à la fois et l’Ishtar très-puissante
Et la plus confiante des créatures –
Le ciel constellé en soit loué
Et son tutélaire unique.

26 Août 2023


 

vendredi 25 août 2023

Deux sœurs dans le malheur

i.

La paresse tue dans l’œuf.
Même pas sûr qu’on puisse parler de paresse
C’est la pré-paresse.

Un œuf, ça se couve
Et il faut de la paresse pour couver
Lui donner de la chaleur, rester dessus sans bouger
Idéal pour des paresseux ;
Or, la paresse tue dans l’œuf.
Surcouvé, ma foi.

Fait trop chaud, fait trop froid
Fait trop beau, fait trop mauvais –
La paresse n’est point dépourvue de ressort
Elle trouve toujours ses justifications
Pour trouver, elle n’est jamais paresseuse
C’est plutôt l’après-paresse.

La paresse, c’est toujours
Soit avant soit après
Mais jamais au bon moment.


ii.

Au bon moment, c’est l’énergie.
Faut l’avoir, celle-là
Faut l’avoir conquise une fois
Puis jamais perdue
Faut qu’elle couve sous la cendre
Pour pouvoir la sortir le moment voulu.

Quand c’est trop tard, elle est de trop. Cette énergie
Ne sert à rien lorsque les circonstances ne s’y prêtent plus
C’est alors l’énergie de trop, et en même temps gaspillée.

L’énergie et l’occasion, faut donc les deux.
Trop tôt dans la vie, c’est l’occasion qui manque
Et trop tard, eh bien voilà, c’est l’énergie.
L’énergie seule est passive
Voire vaine et nocive, brasseuse d’air ;
On ne le sait pas, mais elle a du mal à créer des occasions.

Elle est en ce sens la digne sœur de la paresse
Ou plutôt pas vraiment
Car la paresse, elle, sait les créer, ses occasions.

La paresse, après tout, est encore plus active que l’énergie.
Si les deux sont sœurs, elles le sont dans le malheur.


23 Août 2023

  [Frau Holle. Otto Kubel]

jeudi 24 août 2023

Predator Fad

Parmi les grandes peurs d’une époque où tout doit s’acheter au prix juste et où toute acquisition non conforme à cette règle est considérée abusive, le voilà, le tout nouveau concept d’une prédation étendue à la conquête des corps.
Ce concept ayant fait le tour du monde civilisé, il n’y a plus, comme avant, la partie séduisante et la partie séduite dans l’acte de séduction, avec leur rapports de force complexes et leurs si charmantes ambivalences, mais pour peu que la société désapprouve, et elle le fait très souvent, uniquement prédateur et victime. La prédation séductrice étant par nature consensuelle, la prise de conscience de la dénommée victime exige parfois des années de lavage de cerveau avant de se reconnaître en tant que telle, mais qu’importe ! On érige alors la notion de minorité en loi intransgressible, minorité qui, du reste, n’a plus de limite dans le temps. L’éternel Don Juan devient l’éternel Prédateur, l’ancien bourreau des cœurs se modernise en prédateur de crédules, le coureur de jupons ou de dot, le satyre, le grand loup, le périlleux bellâtre à la langue sucrée – rien que des prédateurs, la frayeur millénaire métamorphosant toute personne tant soit peu dissipée, ou conséquente, en prédatrice de supposés monogames. Avec l’interdiction de persuader à force d’éloquence, en ne transigeant plus sur la soi-disant concordance des deux corps – même âge, même classe sociale, même IMC, même désir d’exclusivité etc. – la prédation est devenue l’aîné de nos soucis. Ou l’aînée, je ne sais pas, question de genre. Au lieu d’accompagner le développement physico-psychique de nos chères têtes blondes, chaperons rouges, oies blanches d’élevage et autres becs-jaunes vergondés de façon éclairée, ce qui les préserverait facilement de se faire avoir comme des bleus, on déniche partout des prédateurs chatoyants aux mille ruses, l’ordinateur non surveillé devenant l’outil par excellence des forces obscures qui, tapies dans la capiteuse pénombre d’une chambre intime, ne peuvent être que majeures, face à l’éternelle minorité d’âme du péquenot à chair plus ou moins fraîche. Grâce à Dieu, il arrive encore, paraît-il, que quelque fragile créature de rêve, ayant marre de se morfondre pour rien, tombe clandestinement sur le prédateur de son cœur et qu’elle se love en toute innocence dans ses bras trop velus sans que la presse s’en aperçoive.


        La voix de la proie :

Par malheur un peu réservé de caractère
J’ai la chance de ne pouvoir être que proie –
Proie à ceci, proie à cela, proie à tout faire...
Par bonheur, des fois on s’est acharné sur moi.

Être proie est pratique en ce monde cruel :
Il suffit de céder, on n’a rien d’autre à faire ;
C’est toujours le vilain qui traque, en sensuel
Son chenapan qui fait semblant d’être impubère.

On n’a jamais demandé si j’étais d’accord
Avant de bien vouloir essayer de m’avoir.
Si on l’avait fait, je serais sûrement mort
Dans mon plumard esseulé avant de savoir.

J’ai vieilli, ma chair s’est bigrement faisandée
À tel point que je ne fais plus gibier de choix.
J’ai forcément cessé de trop me demander
Si je pouvais encore espérer être proie.

L’âge a aussi son avantage, il me rapproche
Au pas de charge des trucs dits sempiternels :
Pour ceux à tendance passive, aucun reproche
Ne tient dans les embruns devenus fraternels.

Celui qui ne veut plus croire aux forces célestes
Est par essence bien moins commode à séduire
Mais attends-toi à ce que, si tu le molestes
Ce bougre impie n’y trouve pas plus à redire.


        Le silence du prédateur :

Les agneaux bêlent, je n’ai pas grand-chose à dire ;
C’est en mystérieux que je daigne séduire.


22 Août 2023

[Ganymède (lune)]

mercredi 23 août 2023

Märchen

1. Dichtung

Ich kenne einen, der noch als Erwachsener, anstatt das Fehlerhafte durchzustreichen, es wie in der Grundschule einklammert. Diese Kindlichkeit nimmt mich nicht nur sehr für ihnen ein, sondern er kommt dadurch auch der Wahrheit näher, bei der es nur ein Einklammern, aber kein Durchstreichen gibt.

Wenn ich andrer Märchen lese
Glaube ich sie unumwunden
Nicht jedoch, was ich mit eignem
Stift hab in die Welt gebracht.

Wär selbst, was dort steht, gewesen
Und, was ich erdacht, erfunden
Können doch nur Blinde leugnen
Dass die Wahrheit Fehler macht.

Früheres ist nach seinem Wesen
Beides: falsch und echt; entschwunden
Kann nichts mehr, was war, bezeugen
Und auch nichts, was ausgedacht.

Wirklichkeiten, Fabelwesen
Beichtmomente, Märchenstunden
Redenschwingen, Zweifelschweigen
Sind gemacht aus Tag und Nacht.
 


 
 
 
 
 
 
 
1. Wahrheit

Ich habe noch die Märchenbücher der vorherigen Generationen geerbt, die nicht nur aus grusligen Zeiten stammten, sondern namentlich das Gruseln lehrten. Kein Wunder, dass den Kindern, die man sicherlich abhärten musste fürs Leben, in jenen Zeiten Gruselgeschichten vorgelesen wurden, und derart gruselig illustrierte. Märchen sind keine Märchen, sondern Spiegel ihrer Epoche. Ich habe diese Bücher meinem Kind erspart und ihm dafür die viel heitereren der jüngeren Gegenwart gekauft. Man kann auch heiterer das Gruseln lehren, dachte ich, falls ein Kind das denn unbedingt lernen möchte. Im Gedächtnis geblieben sind mir aber die grusligen grusligen; meinem Kind, glaube ich, ist weniger im Gedächtnis geblieben von den heitereren grusligen. Dabei wuchsen wir beide in glücklicheren Tagen auf, aber ich eben sozusagen mit einem Gedächtnis, das sich, früh geübt im Erschrecken, die wahre Geschichte noch bildlich vorstellen kann.

Wer weiß schon, was sein muss im Leben
Was man kennen muss, und was nicht?
Man weiß nur, dass es vieles nicht geben
Sollte, und es gibt es in Massen.

Sollst du in kleinen Dosen erfahren
Wie geimpft, was das Leben verspricht
Oder dir deine Unschuld bewahren
Und auf Traumwandelei dich verlassen?

Es gibt unter den Lügen die wahren.
Wer es lernte, darf gerne auch schweben
Und der, dem das Schweben nicht liegt
Gern das Schlimmste ins Auge fassen.


20. August 2023
 
[Bechstein, Schönste Märchen, Ill. Hans Nolpa.
Von Kindeshand numerierte Ausgabe: Buch N° 15 meiner Mama]

mardi 22 août 2023

Robes et rites

Elle avait ses rites.
Par exemple cette robe de voyage
Qu’elle ne portait que lorsqu’elle partait.
Elle aurait pu la choisir pour son dernier voyage aussi
Mais elle voulait sa robe de mariage
En wax, faite main par une amie malienne
Plus jamais portée, mais gardée dans l’armoire
Et j’ai pensé depuis, en prévision.

C’était donc bien une robe traditionnelle
– Nul besoin d’être Africaine pour la porter –
Sans pourtant être une robe de mariage traditionnelle.
Normal, puisqu’elle n’était pas pour un mariage traditionnel
Mais pour ce qu’on appelle une simple formalité
Formalité quelque peu compliquée par une administration
Toujours révulsée par l’idée de conjoindre un vaurien
D’étranger à l’une de ses précieuses ressortissantes
Formalité à laquelle, grâce à son sens des rites
Elle avait réservé la robe de son choix.

Je n’ai aucun souvenir de ce que moi, j’ai porté :
On n’a pas pris de photos – pourquoi faire ?
Notre pacte indissoluble avait été scellé
Pratiquement à l’instant de notre rencontre –
Et je ne peux pas non plus savoir si, en se mariant
Elle songeait déjà à ce qu’elle mettrait pour le cercueil ;
Toujours est-il que cette robe, si discrète dans la penderie
Avait encore un rôle à jouer, le deuxième de sa vie
Rôle que j’ignorais jusqu’au moment venu
Parmi une foule d’autres choses.

19 Août 2023

vendredi 18 août 2023

Veuvages

Lieu.

Jolie comme une tombe
Fleurie comme une tombe.


Limites.

Des fleurs, puis des buissons, puis des arbres.
Et des arbres jusqu’où ? Les sentiments
Les plus profonds et les plus élevés
Ont les mêmes limites.


Rachée.

Celui qui a survécu à ceux qui l’ont aimé
Est comme une souche coupée
Qui a encore des rejets sur ses bords
Mais ne sera plus jamais arbre.
Du bois mort, perdu à la vie malgré ses pousses
Inutile souche devenue gênante.


Dérision.

Traîner ainsi
Cuisiner pour une personne
Mettre dignement un couvert, et non au moins deux
Faire une sorte de ménage rien que pour soi
Ce sont des actes ridicules
Car insignifiants.

Se sentir de trop prête à rire.


Drosophiles.

Des moucherons minuscules, se contentant de si peu –
De pelures, ne les entamant même pas.
Ému, je les laissais faire
Leur abandonnant même mes noyaux et tronçons.
Ils se mirent à pulluler.
Il fallut que je m’en débarrassasse
La pensée de leur raccourcir l’existence
D’un petit mois au grand maximum
M’étant d’un certain réconfort.


Ailleurs.

Et moi, où voudrais-je nicher, désormais ?

La lumière du soir inonde cette table
Elle vient de très loin et paraît toute proche
Plus proche que les autres, les lumières directes.
Elle l’est davantage : tamisée, toute douce
Elle me montre, la clarté éblouissante
Que les choses sur la table
Ne font qu’attendre.

Puis moi, debout devant elles, impatiemment
Déjà presque au-delà de ce monde.


Découpage.

En voyage, dans la voiture remplie de nous deux
Elle connaissait les numéros de tous les départements –
Une vraie Française : appris à l’école, en tablier, et jamais oublié.

Après la Haute-Garonne, pas la Basse mais le Gers
Et avant le Tarn-et-Garonne, rien que le Tarn
Comme avant le Lot-et-Garonne, Lot tout seul
Le pauvre, aussi seul que moi maintenant
Mais lui, il ne s’est pas retourné. Mémoire
De fleuve en fleuve, les fleuves parfois en cercle.
Moi Lot, moi Tarn, toi Garonne.
Haute Garonne.


17 Août 2023

mardi 15 août 2023

Perte

1. Son nounours

Paisiblement, le nounours.
C’est le sien.
Il a son âge.

S’il a un peu souffert
Je connais toute son histoire
Elle me l’a racontée
L’histoire de l’œil perdu puis remplacé par une perle.
Il s’en était contenté
Et elle aussi, cette fille incroyable
Si facilement heureuse
Qui ne demandait presque rien pour l’être
Presque rien, et a eu tout, et à la pelle
Tellement elle le méritait.
C’est comme ça, quand on est facilement heureux
On aura tout, c’est obligé
L’autre s’incline, il lui donne tout ce qu’il a
Même si c’est presque rien
Rien qu’une perle pour réparer.

Eh ben, ils sont paisibles, les nounours.
Attendent patiemment leur câlin ;
Dans ce cas, le sien, puisqu’il est le sien.
Il est comme moi maintenant, il l’attend en vain
Il n’aura droit qu’au mien pour remplacer
Pour s’en contenter
Après toute une vie avec l’œil en perle.

Toutefois, le fait de l’avoir connue avant moi
Lui donnera le préséance lors de son retour
Que, paisiblement, nous attendons tout de même.
À deux, c’est plus facile
Le temps passe plus vite.



 

 

 

 

2. Rêve

Une fois de plus, j’ai rêvé
D’avoir son bout de sein dans la bouche
On peut appeler ça un rêve érotique
Je ne sais pas.

Évidemment, mordiller un bout de sein
Ressemble fort à un geste érotique chez l’adulte
Mais c’était un rêve de perte
Puisque dans ce rêve, j’étais conscient que je rêvais
Ce qui est rare en rêve.

C’était donc d’emblée un rêve d’absence subie
Étant conscient qu’il fallait rêver pour pouvoir l’attraper
Elle toute entière ou seulement le bout de son sein, n’importe
Car même avant je ne pouvais jamais
L’engloutir en entier, ma belle, trop énorme comme morceau
Une proie au-dessus de mes moyens ; de guerre lasse
Je me contentais de bouts
Ce qu’il y avait d’incontestablement érotique
Disparaissant derrière l’impossibilité.

Le rêve d’un rêve donc.
Autrefois, ça finissait malgré tout dans les règles de l’art –
Faut jamais exagérer dans le symbolique –
Maintenant, c’est terminé.
En rêve, j’arrive encore à en attraper tel mamelon, mais c’est tout
Je n’essaie même plus de l’aspirer des pieds à la tête.
Ne parlons pas d’érotisme, parlons de résignation.


13 Août 2023

[Giampietrino, Cléopâtre. Détail]

vendredi 11 août 2023

Another Fourth Little Pig

No house of straw, nor sticks, nor bricks
No build for current weather –
One made of pens and paper and
Some ink to hold together:
Now, come ye wolves and huff and puff
And blow, for all your wit
Featherweight home will waft away
And little pig with it.

Pig knew it couldn’t spare the pack
To help get them off the ground
Pig and the place it needs too much
To not be elseward bound:
So light with paper wings around
That bear it through the vast
It equals those who hover free
Of burden and of past.

August 11, 2023

 

 

jeudi 10 août 2023

Salle d’attente

Salle d’attente, donc j’attends.
Je risque de m’ennuyer en attendant ;
Le reste du temps, je ne risque pas.
Telle une douleur qui n’existerait
Que par la conscience de la douleur, l’impatience
Est liée à l’obligation de patience. Pour y échapper
J’observe les gens.

Presque au fond de la salle
Une dame au physique ingrat, le turban serré et tout le reste
Bien trop large, et qui fait des mouvements de la bouche
Comme si elle n’approuvait pas
Mais qui désapprouve dans le vide
Et à mi-chemin entre nous, empiétant sur le passage
Un monsieur en chaise roulante qui tousse du cou
Dans un grand mouchoir jaunâtre. Il doit y avoir un trou.
Une jeune femme, à coup sûr sa fille, l’accompagne
Et il ne doit pas seulement trousser mais aussi lui parler
Du trou du cou, sauf que pour l’instant tousser lui suffit.
Les autres personnes, je les ai déjà oubliées.

Sur cette foutue planète
Si l’on n’a rien de spécial à proposer, on est vite oublié.
Le bonheur s’oublie, pas le malheur.
Heureux les malheureux, ils me divertissent lors de l’attente
Qui, elle, oblige au divertissement
Qui, lui, vit du malheur, il me semble.
Je me gronde
En espérant qu’on ne m’a pas vu
Et que si l’on m’a vu, on m’a déjà oublié
Je compte vivement sur ma chance
D’être ou invisible
Ou vite oublié.

9 Août 2023

mardi 8 août 2023

Regenschirmschoner

Unser Regenschirmschoner Marke Dry Umbrella ist eine wasserfeste Haut, die Sie über den aufgespannten Schirm spannen können, damit ihr wertvoller Klimaschutz auch in strömendem Regen nicht nass wird. Besonders geeignet ist er für Schirme aus reiner Schurwolle. Es gibt ihn in pechschwarz, mausgrau, dunkelblau, burgunderrot, durchsichtig, sowie naturfarben, und in Damen-, Herren- und Knirpsgröße. Er ist auch als eleganter Halbschoner erhältlich (Foto).

Ich habe diesem beschissenen Sommer
Auch einen meiner Schirme opfern müssen:
Beim Öffnen fügte er sich mir noch
Doch als ihn schließen wollte
Entgegnete mir plötzlich entschlossener Widerstand
Und als ich den gebrochen hatte
War auch der Schirm dahin.
Man muss aufpassen beim Brechen entschiedenen Widerstands
Es kann fatale Folge haben.

Der Schirm muss sich in geöffnetem Zustand
Wohler gefühlt haben als in geschlossenem –
Vermutlich, weil er sich dann nützlicher vorkam.
Es ist aber auch ganz gut möglich
Dass er mir schlicht eine Lektion erteilen wollte
Was das ständige Öffnen und Schließen angeht
(„Du solltest besser deine Meinung nicht laufend ändern!“)
Und dabei leider meinen Eigensinn unterschätzte;
Er bezahlte es mit seinem Leben.

Ein sinnloser Tod, denn ich besitze noch andere Schirme
Die nun wissen, wie weit man gehen darf als abhängiger Regenschutz.
Wer schützen will, darf nicht bestimmen wollen
Und wer das eine und das andere möchte, lebt gefährlich
Der Mensch ist nämlich kein ewiges Kind –
Sogar der Himmel hat diese Erfahrung machen müssen:
Regnen darf er zwar noch
Sich in unsere Entscheidungen aber nicht mehr einmischen
Er darf uns seine fürsorglichen Engel senden, doch damit hat es sich.

6. August 2023


 

lundi 7 août 2023

Tomates et périodes

      Cet été avec ses longues périodes pluvieuses
M’a permis de constater sans faute
Que les tomates du balcon cueillies sous le soleil
Étaient bien plus goûteuses que les autres.
      Celles du commerce doivent sans exception
Se faire ramasser les jours de pluie
      Ce qui laisse penser
Que le soleil est réservé à celles des particuliers.

      Après tout, ce n’est que justice
Que le beau temps accessoire soit l’apanage de ceux
Qui font pousser leurs propres tomates
Comme s’il s’agissait de leur propres idées
      Sans faire attention au commerce
Et se les réservent, diantre, pour eux-mêmes ;
      L’ensoleillement général, serres industrielles incluses
Serait du gâchis.

     C’est parce que l’âge des lumières
Précède l’ère industrielle, il la devance sans y participer
Et les tomates ou idées privées
Relèvent du premier
      Les lieux communs en revanche, aisément marchandables
De la seconde.

6 Août 2023

 


jeudi 3 août 2023

Le colosse et son molosse

Le soir, je vois souvent ce vrai balèze
Promener dignement un chien à dames
Et manquant parfois un peu de finesse
Je pense qu’ils ne vont pas bien ensemble.

Un œil mieux accoutumé aux contrastes
Me dirait : le gaillard ressemble au chien
Qu’il gère en laisse avec délicatesse
Et toutounet, têtu, est au lourdaud

Ce que nous sommes tous à notre image
Image butée et pourtant fidèle
Fidèle tel chienchien à son gros maître
Attaché, lui, sans honte à son chouchou.

Tu as beau le trouver mal fait, ce monde
Avec ses rapports de force incongrus
Mais tant qu’il y a des patapoufs ventrus
Aux pékinois enrubannés, tout baigne.


Der Koloss und sein Molosser

Recht häufig seh ich abends diesen Dicken
Wie der ein Damenhündchen ausführt, und
Ich denke mir, die passen nicht zusammen
Solch ein Koloss und so ein zarter Hund.

Wäre mein Auge allerdings geschulter
Dann sähe ich: Sie sind ein schönes Pärchen
Der Dickwanst, delikat die Leine leitend
Und das ein wenig sture Teddybärchen

Sie sind wie wir und unser Bild im Leben
Bei aller Bockigkeit einander treulich
Wie dieses Hündchen seinem Herrn ergeben
Und, schnöder Welt zum Trotz, der seinem Schätzchen.

Du kannst im Leben vieles kritisieren
Nicht aber eines Spiegels Ebenbild;
Drehn so welche mit Schleifchenpekinesen
Die Runde, ist doch alles halb so wild.


2. August 2023