Straton de Sardes est à l'origine du livre XII de l'Anthologie Palatine, tome dédié à l'amour grec. Pour le présent pastiche, je me suis inspiré, tant des épigrammes originales, compilées et en partie écrites par cet auteur du IIe siècle, que de diverses traductions françaises, notamment celle de Robert Aubreton.
1
Le plaisir que procurent les garçons est tributaire de leur nombre et différence. Choisis-en quelques-uns au hasard pour les rassembler nus dans la palestre. Dis-leur d'arrêter de faire les sots et d'adopter un air digne s'ils y arrivent. Chacun s'y prendra autrement ; voire en cherchant à l'imiter, nul ne ressemblera à un autre, mais chacun montrera ses atouts. Tu les toises, chez chacun c'est un autre lambeau du corps ou de l'âme qui s'est mis en valeur. En les fréquentant à tour de rôle, tu finiras par assembler dans ton cœur ce garçon idéal fait de tous.
2
Tel a la bouche la plus plaisante, tel autre le plus intriguant bout de queue. Il n'y a que des parties nobles dans le jeune athlète, tout y est affaire de proportions qui se font et défont. Ainsi, il n'y a pas non plus de taille idéale. Tout se distingue chez le garçon qui se forme. Chez l'un c'est l'écart dans le minuscule qui t'émeut, chez l'autre celui dans l'imposant avant terme. Et tout intéresse également et fait également tourner la tête car tout y vit en mouvements et surprenantes différences à la recherche de son état ultime.
3
Lorsque le pédotribe a voulu lui apprendre une prise utile à la lutte, Cyris s'y est mal pris, ou alors le pédotribe s'y est trop bien pris en tablant sur l'inexpérience de ce jeune pourtant souple. Leurs corps ont fini enlacés, et si bien et en si mauvaise posture quant à l'élève renversé, que l'entraîneur en a eu les cuisses sur les épaules et les testicules lui frottant le menton. Sachant le garçon dépourvu de toute clé pour trancher l'énigme du contact subi, le maître ne s'est pas gêné avant de le remettre sur pied. Cyris en a eu le vertige, confusément conscient qu'il avait appris là une prise au moins utile en amour.
4
Sur ma couche, les contours de mon jeune ami se précisent alors que ses chairs chatoyantes n'ont de cesse de virer. Quel sublime spectacle ! La raison de la première merveille est cette espèce de décision qui se dessine de plus en plus nettement, et la raison de la seconde, l'indécision persistante du garçon brusqué.
5
En ville, te dandinant derrière ton maître, tu nous as jeté des regards espiègles, charmant esclave. Pauvre taquin, ton seigneur semble avoir des yeux dans le dos. Dès que vous êtes rentrés, tes cris haut perchés ont percé les murs de sa demeure. Ce maître est un homme de goût, mais il ne semble toujours pas avoir décidé si, pour t'apprendre de meilleures manières, il préfère le caresser, ce petit cul que tu balances, ou lui administrer la fessée.
6
Après le bain, en t'essuyant devant moi, tu m'as donné à voir ton joli escargot, blondinet au long prépuce. Gratifié d'un début de sourire, j'ai osé insister. Mon regard a du coup commandé au petit mollusque de sortir un peu plus de sa maison. Tu n'as point su l'en empêcher et ton sourire s'est effacé. A l'instant même où m'est apparue la pointe de ton gland tout lisse, j'ai vu tes lèvres se coller l'une contre l'autre pour former une moue à la place.
7
Me sachant admiratif devant la simplicité de tes gestes, tu as posé pendant un bref instant ta tête contre mon épaule. Ceci ne me console point, mon très cher Leucomnème ! Permets-moi, complaisant adolescent, d'agir en premier. Ce ne sont pas tellement ces superbes boucles de pâtre que je voudrais pouvoir cajoler !
8
Tu me sembles bien timide, Diodoros aux joues rosissantes. Pourtant on raconte que ton maître est si jaloux qu'il te fouette avant de t'aimer. Qui saurait dire si le courroux seul l'enflamme ou s'il te donne les raisons pour tes airs effarouchés, visage d'ange. Si la brute te bat, que risques-tu de plus ? Dès que l'occasion se présente de fausser compagnie à ce maniaque, viens chez moi pour que je t'apprenne en cachette comme il peut être doux de recevoir le vit aimant sans avoir les fesses en feu.
9
Dis, adorable Coryphos, pourquoi m'évites-tu depuis peu ? Que crains-tu d'avoir grandi ? Sache donc que l'on n'entre pas dans la fleur de l'âge pour s'étioler dans un coin. Ou attends-tu que mon amour, à peine né, se développe encore, de concert avec tes muscles ? Dans ce cas, peine perdue, tu te trompes.
10
Fais attention, Apollodote, la barbe pousse vite et dès lors on ne saurait plus profiter des mêmes choses. Si tu penses pouvoir te passer de la partie la plus agréable du plaisir, continue à faire le fier. Bien qu'ayant compté parmi les plus recherchés des éphèbes, tu n'aurais jamais connu que le côté épuisant de l'affaire.
11
Ô combien rutilantes sont tes armes, attrayant Héliodore ! Encore en l'âge d'apprendre, tu donnes l'impression d'avoir déjà tout appris. Mais parfois la séduction est supérieure si elle s'échine à découvrir telle chose avant de la posséder.
12
S'il est vrai que pour languir on a besoin d'éloignement, il existe également un ravissement par la proximité. Ce dernier, est-il bêtement dû aux circonstances ? Aguiché par la friction, me contenterais-je de tout corps que le hasard aurait bien voulu déposer à mes côtés ? Bâti comme tu es, Ménédème, tu n'as nullement besoin de mettre de la distance entre ta chair et la mienne pour me rendre malade de désir.
13
Étendus à plat ventre, en étoile dans le sable du gymnase, tous ces garçons qui s'excitent en discutant me proposent leurs culs ravissants. Mais je sais que le seul Philoclès répondrait à mon appel avec un sourire, et que lui seul est conscient que je l'admire, et c'est donc sur ses fesses à lui que mon regard agité se fixe.
14
Pasiphile, tendre démon, faiseur de niches, voilà l'effet que cela a sur moi. Un coin dans mon cœur t'appartient, c'est le creux de ma main qui t'attrape, et il est juste assez grand pour y nicher ton petit sexe de facétieux.
15
Theudis, brave garçon un peu triste, à la parole raisonnable, es-tu moins séduisant pour autant ? En devisant avec toi, on te dirait bien plus mûr que les gens de ton âge, mais si l'on s'attache si facilement à toi, ton innocente lune par trop sérieuse n'y est pas pour rien.
16
Avec ses airs ténébreux, Agésilaos a de bien trop nombreux amateurs pour s'en dépêtrer aisément. Le philosophe Dioclès, dont il met aux nues les idées noires, n'en fait pourtant point partie. Or, la raison de ce refus singulier ne réside certes pas dans l'humeur mélancolique du grand adolescent, au demeurant svelte comme un roseau. Tous les goûts sont dans la nature, et le cynique Dioclès, par malchance, les aime petits, drôles et plutôt trapus.
17
Redoutable coureur et modeste avec ça, Gessios pourrait être la coqueluche incontestable. Mais en réalité, on dirait qu'il n'a que son pétard parti en flèche pour briller. Si, au stade, il réussit à semer tout le monde, le bonhomme s'efface au fur et à mesure qu'il se rhabille. Oubliées, ses prouesses, on ne le remarque plus. Dommage qu'à la course personne n'arrive à le rattraper, mais pour lui, c'est dans la vie comme au stade : les attouchements sont interdits. Ce corps splendide reste réservé aux exploits sportifs.
18
Épicydès, ta mémoire est encore plus courte que ta queue. Grandis un peu, de queue et de mémoire, et on se ressouviendra de toi. Actuellement, aucun intérêt à te faire la cour, tu ne te rappelles même pas les cadeaux que l'on t'a faits. Alors on cesse de dépenser ne serait-ce qu'une obole pour toi et on te raye de la liste des garçons en vue.
19
Ton allure est celle d'un gamin, Nicandre, mais ton fond de teint se voit. Au lieu de jouer au minet tout juste entré dans la course, mets l'accent sur tes acquis. Tu es certes plus expérimenté que ces mistons que tu n'égales en fraîcheur qu'aux yeux d'un aveugle. Utilise cet atout ; il y en a qui préfèrent celui qui sait donner la réplique à l'inertie du débutant. Il suffit que tu te rases aux endroits.
20
Hermogène, ce que tu sais faire, est peu de chose, et colossale est encore ta gaucherie. Si des voix flatteuses t'appellent un prodige, ce n'est qu'à cause de ton extrême jeunesse. Tu ne sembles pourtant pas exempt de dispositions. Mais lorsqu'à la fin tu sauras faire, ton principal point d'attrait se sera ébréché au cours du rodage. Ce n'est donc pas en méconnaissance des faits que, malgré tout, on désire t'avoir au lit dès aujourd'hui.
21
Tes amants, Posidippe, tu les veux les plus jeunes possible. A peine tes aînés, au physique juvénile - tu ne comprends donc pas comment l'amour rend vulnérable. N'aie pas peur des visages barbus ; les hommes aux traits les plus durs savent combien il faut être doux avec un agnelet de ton espèce. Si l'on n'est qu'à son coup d'essai, on a besoin d'un compagnon qui ne se mire pas lui-même dans la glace.
22
L'impressionnant Euboulos, dont les vieux se souviennent avec émotion, fait de nos jours un amant magnifique, entend-on. Sous ses dehors très robustes, il a dû conserver d'autant mieux le fragile souvenir de la jeunesse. S'il te fait signe, ne prends pas peur, mon ami, livre-toi à lui sans hésiter un seul instant !
23
Alcimos, galopin capricieux : mon ami Démosthène, un homme riche, t'a fait la cour en te couvrant d'or et de bijoux, et moi, seulement riche en vocables, je t'ai envoyé de très beaux vers que tu m'as inspirés. Nous n'avons réussi à t'attendrir ni l'un ni l'autre. Le brutal Protarchos était plus avisé que nous. Il t'a superbement ignoré et te voilà dans ses frustes rets. Nous ne sommes pas sans admirer cet homme à poigne, qui se prend ce qu'il veut sans s'encombrer de scrupules, mais tu n'as même pas eu droit à un tel geste impérieux. Nous nous demandons ce qu'il fait de ta coquetterie.
24
Il paraît qu'on t'a surpris à la palestre, entre deux entraînements, t'adonnant dans les latrines au plaisir solitaire. Inaccessible Theugénès, je te comprends, il est tentant, cet engin tout en délicatesse que l'on peut voir sur toi. Le lieu n'y change rien. A l'instar de la petite commission, la petite faim demande à être assouvie sur-le-champ, et tu as tout ce qu'il faut sous la main pour ce faire. Mais une chose ne doit pas en empêcher une autre. Ce n'est pas que je voudrais remplacer ta jolie menotte par la mienne. Mais tu te destines au métier d'acteur ; rappelle-toi donc les préceptes de l'art et agis en conséquence. Tu n'as nullement besoin d'amphithéâtre pour convier au spectacle.
25
Les pensées vont vite lorsqu'on te voit jeter la chlamyde et te mettre à nu, Sosiadas, pour t'apprêter à la lutte. En train de t'huiler, il t'arrive de faire discrètement joujou avec ton lézard gentiment basané. Si, si, je l'ai vu, mais je ne dirai rien, les pensées vont trop vite. Je te fixe rendez-vous, beau garçon brun, pour après le combat, n'importe si, préparé de la sorte, tu l'auras emporté ou perdu.
26
L'élégant et gracile Pyrrhon et Euthyme, champion tout en muscles, se sont embrassés en place publique. Était-ce pour narguer la foule ? Selon toute vraisemblance, la moitié des badauds a eu envie de se trouver à la place de Pyrrhon, et l'autre moitié à celle d'Euthyme. Le petit Calaïs, lui, a rêvé d'être pris entre les deux. Du coin de l'œil, Pyrrhon l'a remarqué, et Euthyme, sans quitter les lèvres de son ami, lui a fait un geste de la main. Le soir même, le garnement a pu s'installer à la place convoitée. Et Pyrrhon, expert en mises en bouche, et Euthyme, maître en mises en cul, se sont bien embrassés à travers lui.
27
Chrysomallos est pingre et Pandocos un peu trop généreux. Tous les deux sont jolis comme jour ; lequel est alors ton préféré ? La réponse est facile. Ton grand cœur se plait à souffrir pour le délicieux pingre, mais ta petite raison s'accommode très bien de l'exquis généreux.
28
L'amour d'un garçon précis n'obéit pas aux règles qui régissent celui pour les garçons en général. Ce dernier s'éteint doucement lorsqu'ils deviennent des hommes et peut se transformer en amitié. Mais quand je tombe sur Médon qui autrefois fut mon amour, l'adolescent qui a disparu derrière une barbe broussailleuse me rend fou de rage et nulle amitié n'est plus possible entre nous.
23/24 Janvier, 2008
Le plaisir que procurent les garçons est tributaire de leur nombre et différence. Choisis-en quelques-uns au hasard pour les rassembler nus dans la palestre. Dis-leur d'arrêter de faire les sots et d'adopter un air digne s'ils y arrivent. Chacun s'y prendra autrement ; voire en cherchant à l'imiter, nul ne ressemblera à un autre, mais chacun montrera ses atouts. Tu les toises, chez chacun c'est un autre lambeau du corps ou de l'âme qui s'est mis en valeur. En les fréquentant à tour de rôle, tu finiras par assembler dans ton cœur ce garçon idéal fait de tous.
2
Tel a la bouche la plus plaisante, tel autre le plus intriguant bout de queue. Il n'y a que des parties nobles dans le jeune athlète, tout y est affaire de proportions qui se font et défont. Ainsi, il n'y a pas non plus de taille idéale. Tout se distingue chez le garçon qui se forme. Chez l'un c'est l'écart dans le minuscule qui t'émeut, chez l'autre celui dans l'imposant avant terme. Et tout intéresse également et fait également tourner la tête car tout y vit en mouvements et surprenantes différences à la recherche de son état ultime.
3
Lorsque le pédotribe a voulu lui apprendre une prise utile à la lutte, Cyris s'y est mal pris, ou alors le pédotribe s'y est trop bien pris en tablant sur l'inexpérience de ce jeune pourtant souple. Leurs corps ont fini enlacés, et si bien et en si mauvaise posture quant à l'élève renversé, que l'entraîneur en a eu les cuisses sur les épaules et les testicules lui frottant le menton. Sachant le garçon dépourvu de toute clé pour trancher l'énigme du contact subi, le maître ne s'est pas gêné avant de le remettre sur pied. Cyris en a eu le vertige, confusément conscient qu'il avait appris là une prise au moins utile en amour.
4
Sur ma couche, les contours de mon jeune ami se précisent alors que ses chairs chatoyantes n'ont de cesse de virer. Quel sublime spectacle ! La raison de la première merveille est cette espèce de décision qui se dessine de plus en plus nettement, et la raison de la seconde, l'indécision persistante du garçon brusqué.
5
En ville, te dandinant derrière ton maître, tu nous as jeté des regards espiègles, charmant esclave. Pauvre taquin, ton seigneur semble avoir des yeux dans le dos. Dès que vous êtes rentrés, tes cris haut perchés ont percé les murs de sa demeure. Ce maître est un homme de goût, mais il ne semble toujours pas avoir décidé si, pour t'apprendre de meilleures manières, il préfère le caresser, ce petit cul que tu balances, ou lui administrer la fessée.
6
Après le bain, en t'essuyant devant moi, tu m'as donné à voir ton joli escargot, blondinet au long prépuce. Gratifié d'un début de sourire, j'ai osé insister. Mon regard a du coup commandé au petit mollusque de sortir un peu plus de sa maison. Tu n'as point su l'en empêcher et ton sourire s'est effacé. A l'instant même où m'est apparue la pointe de ton gland tout lisse, j'ai vu tes lèvres se coller l'une contre l'autre pour former une moue à la place.
7
Me sachant admiratif devant la simplicité de tes gestes, tu as posé pendant un bref instant ta tête contre mon épaule. Ceci ne me console point, mon très cher Leucomnème ! Permets-moi, complaisant adolescent, d'agir en premier. Ce ne sont pas tellement ces superbes boucles de pâtre que je voudrais pouvoir cajoler !
8
Tu me sembles bien timide, Diodoros aux joues rosissantes. Pourtant on raconte que ton maître est si jaloux qu'il te fouette avant de t'aimer. Qui saurait dire si le courroux seul l'enflamme ou s'il te donne les raisons pour tes airs effarouchés, visage d'ange. Si la brute te bat, que risques-tu de plus ? Dès que l'occasion se présente de fausser compagnie à ce maniaque, viens chez moi pour que je t'apprenne en cachette comme il peut être doux de recevoir le vit aimant sans avoir les fesses en feu.
9
Dis, adorable Coryphos, pourquoi m'évites-tu depuis peu ? Que crains-tu d'avoir grandi ? Sache donc que l'on n'entre pas dans la fleur de l'âge pour s'étioler dans un coin. Ou attends-tu que mon amour, à peine né, se développe encore, de concert avec tes muscles ? Dans ce cas, peine perdue, tu te trompes.
10
Fais attention, Apollodote, la barbe pousse vite et dès lors on ne saurait plus profiter des mêmes choses. Si tu penses pouvoir te passer de la partie la plus agréable du plaisir, continue à faire le fier. Bien qu'ayant compté parmi les plus recherchés des éphèbes, tu n'aurais jamais connu que le côté épuisant de l'affaire.
11
Ô combien rutilantes sont tes armes, attrayant Héliodore ! Encore en l'âge d'apprendre, tu donnes l'impression d'avoir déjà tout appris. Mais parfois la séduction est supérieure si elle s'échine à découvrir telle chose avant de la posséder.
12
S'il est vrai que pour languir on a besoin d'éloignement, il existe également un ravissement par la proximité. Ce dernier, est-il bêtement dû aux circonstances ? Aguiché par la friction, me contenterais-je de tout corps que le hasard aurait bien voulu déposer à mes côtés ? Bâti comme tu es, Ménédème, tu n'as nullement besoin de mettre de la distance entre ta chair et la mienne pour me rendre malade de désir.
13
Étendus à plat ventre, en étoile dans le sable du gymnase, tous ces garçons qui s'excitent en discutant me proposent leurs culs ravissants. Mais je sais que le seul Philoclès répondrait à mon appel avec un sourire, et que lui seul est conscient que je l'admire, et c'est donc sur ses fesses à lui que mon regard agité se fixe.
14
Pasiphile, tendre démon, faiseur de niches, voilà l'effet que cela a sur moi. Un coin dans mon cœur t'appartient, c'est le creux de ma main qui t'attrape, et il est juste assez grand pour y nicher ton petit sexe de facétieux.
15
Theudis, brave garçon un peu triste, à la parole raisonnable, es-tu moins séduisant pour autant ? En devisant avec toi, on te dirait bien plus mûr que les gens de ton âge, mais si l'on s'attache si facilement à toi, ton innocente lune par trop sérieuse n'y est pas pour rien.
16
Avec ses airs ténébreux, Agésilaos a de bien trop nombreux amateurs pour s'en dépêtrer aisément. Le philosophe Dioclès, dont il met aux nues les idées noires, n'en fait pourtant point partie. Or, la raison de ce refus singulier ne réside certes pas dans l'humeur mélancolique du grand adolescent, au demeurant svelte comme un roseau. Tous les goûts sont dans la nature, et le cynique Dioclès, par malchance, les aime petits, drôles et plutôt trapus.
17
Redoutable coureur et modeste avec ça, Gessios pourrait être la coqueluche incontestable. Mais en réalité, on dirait qu'il n'a que son pétard parti en flèche pour briller. Si, au stade, il réussit à semer tout le monde, le bonhomme s'efface au fur et à mesure qu'il se rhabille. Oubliées, ses prouesses, on ne le remarque plus. Dommage qu'à la course personne n'arrive à le rattraper, mais pour lui, c'est dans la vie comme au stade : les attouchements sont interdits. Ce corps splendide reste réservé aux exploits sportifs.
18
Épicydès, ta mémoire est encore plus courte que ta queue. Grandis un peu, de queue et de mémoire, et on se ressouviendra de toi. Actuellement, aucun intérêt à te faire la cour, tu ne te rappelles même pas les cadeaux que l'on t'a faits. Alors on cesse de dépenser ne serait-ce qu'une obole pour toi et on te raye de la liste des garçons en vue.
19
Ton allure est celle d'un gamin, Nicandre, mais ton fond de teint se voit. Au lieu de jouer au minet tout juste entré dans la course, mets l'accent sur tes acquis. Tu es certes plus expérimenté que ces mistons que tu n'égales en fraîcheur qu'aux yeux d'un aveugle. Utilise cet atout ; il y en a qui préfèrent celui qui sait donner la réplique à l'inertie du débutant. Il suffit que tu te rases aux endroits.
20
Hermogène, ce que tu sais faire, est peu de chose, et colossale est encore ta gaucherie. Si des voix flatteuses t'appellent un prodige, ce n'est qu'à cause de ton extrême jeunesse. Tu ne sembles pourtant pas exempt de dispositions. Mais lorsqu'à la fin tu sauras faire, ton principal point d'attrait se sera ébréché au cours du rodage. Ce n'est donc pas en méconnaissance des faits que, malgré tout, on désire t'avoir au lit dès aujourd'hui.
21
Tes amants, Posidippe, tu les veux les plus jeunes possible. A peine tes aînés, au physique juvénile - tu ne comprends donc pas comment l'amour rend vulnérable. N'aie pas peur des visages barbus ; les hommes aux traits les plus durs savent combien il faut être doux avec un agnelet de ton espèce. Si l'on n'est qu'à son coup d'essai, on a besoin d'un compagnon qui ne se mire pas lui-même dans la glace.
22
L'impressionnant Euboulos, dont les vieux se souviennent avec émotion, fait de nos jours un amant magnifique, entend-on. Sous ses dehors très robustes, il a dû conserver d'autant mieux le fragile souvenir de la jeunesse. S'il te fait signe, ne prends pas peur, mon ami, livre-toi à lui sans hésiter un seul instant !
23
Alcimos, galopin capricieux : mon ami Démosthène, un homme riche, t'a fait la cour en te couvrant d'or et de bijoux, et moi, seulement riche en vocables, je t'ai envoyé de très beaux vers que tu m'as inspirés. Nous n'avons réussi à t'attendrir ni l'un ni l'autre. Le brutal Protarchos était plus avisé que nous. Il t'a superbement ignoré et te voilà dans ses frustes rets. Nous ne sommes pas sans admirer cet homme à poigne, qui se prend ce qu'il veut sans s'encombrer de scrupules, mais tu n'as même pas eu droit à un tel geste impérieux. Nous nous demandons ce qu'il fait de ta coquetterie.
24
Il paraît qu'on t'a surpris à la palestre, entre deux entraînements, t'adonnant dans les latrines au plaisir solitaire. Inaccessible Theugénès, je te comprends, il est tentant, cet engin tout en délicatesse que l'on peut voir sur toi. Le lieu n'y change rien. A l'instar de la petite commission, la petite faim demande à être assouvie sur-le-champ, et tu as tout ce qu'il faut sous la main pour ce faire. Mais une chose ne doit pas en empêcher une autre. Ce n'est pas que je voudrais remplacer ta jolie menotte par la mienne. Mais tu te destines au métier d'acteur ; rappelle-toi donc les préceptes de l'art et agis en conséquence. Tu n'as nullement besoin d'amphithéâtre pour convier au spectacle.
25
Les pensées vont vite lorsqu'on te voit jeter la chlamyde et te mettre à nu, Sosiadas, pour t'apprêter à la lutte. En train de t'huiler, il t'arrive de faire discrètement joujou avec ton lézard gentiment basané. Si, si, je l'ai vu, mais je ne dirai rien, les pensées vont trop vite. Je te fixe rendez-vous, beau garçon brun, pour après le combat, n'importe si, préparé de la sorte, tu l'auras emporté ou perdu.
26
L'élégant et gracile Pyrrhon et Euthyme, champion tout en muscles, se sont embrassés en place publique. Était-ce pour narguer la foule ? Selon toute vraisemblance, la moitié des badauds a eu envie de se trouver à la place de Pyrrhon, et l'autre moitié à celle d'Euthyme. Le petit Calaïs, lui, a rêvé d'être pris entre les deux. Du coin de l'œil, Pyrrhon l'a remarqué, et Euthyme, sans quitter les lèvres de son ami, lui a fait un geste de la main. Le soir même, le garnement a pu s'installer à la place convoitée. Et Pyrrhon, expert en mises en bouche, et Euthyme, maître en mises en cul, se sont bien embrassés à travers lui.
27
Chrysomallos est pingre et Pandocos un peu trop généreux. Tous les deux sont jolis comme jour ; lequel est alors ton préféré ? La réponse est facile. Ton grand cœur se plait à souffrir pour le délicieux pingre, mais ta petite raison s'accommode très bien de l'exquis généreux.
28
L'amour d'un garçon précis n'obéit pas aux règles qui régissent celui pour les garçons en général. Ce dernier s'éteint doucement lorsqu'ils deviennent des hommes et peut se transformer en amitié. Mais quand je tombe sur Médon qui autrefois fut mon amour, l'adolescent qui a disparu derrière une barbe broussailleuse me rend fou de rage et nulle amitié n'est plus possible entre nous.
23/24 Janvier, 2008
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